Chapitre 2 - Sohalia -

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Mémoire de rêves de Sohalia :

La petite fille courrait dans le champ de blé en riant très franchement avec le vent.

Elle rayonnait de bonheur.

Ses longs cheveux flottaient et dansaient avec la brise et reflétaient les rayons du soleil couchant. Sa petite robe bleue voletait elle aussi et rien n’aurait pu assombrir ce tableau à ce moment-là, car il n’était que pure joie.

Mais, lorsqu’elle arriva près de sa maisonnette, une modeste cabane en bois au toit végétal, elle arrêta soudainement de rire. Pas de fumée sortant de la maigre cheminée ni de lumière aux fenêtres, et la porte était grande ouverte. La petite fille, les larmes aux yeux, se précipita à l’intérieur, criant maman du plus fort qu’elle le pouvait. Elle n’eut cependant aucune réponse.

Elle était seule…

~Sohalia — 21 ans, année 2020~

Mon réveil sonna bruyamment et je me réveillai, des larmes aux yeux. L’abandon avait toujours été une de mes plus grandes peurs. Cette d’idée d’être aimée plus d’être laissée seule, coupée de cet amour, me terrifiait. Frissonnant, les mains sur les épaules, je comprenais parfaitement ce que la petite fille de mes rêves venait de vivre…

La première chose que je réalisai donc ce matin-là fut d’ouvrir mon ordinateur pour consulter mes mails.

Ma psychologue m’avait répondu et nous avions rendez-vous dans l’après-midi.

Soulagée, mais toujours bouleversée, je partis en direction du placard à gâteaux. Trois chocolatines, un croque-chocolat et un thé engloutit, je me dirigeai vers la salle de bain en trainant des pieds. La musique à mes oreilles changea soudainement, passant ainsi d’une mélodie douce à du rock bien puissant.

Mais voilà, aujourd’hui, je n’étais pas d’humeur pour ce genre de chanson et sélectionnai alors un son parmi ma playlist préférée et actionnai le mode répétition d’une musique.

D’habitude, je me lavais les dents et puis voilà, mais pour une fois, je pris le temps de me coiffer et aussi de me maquiller. Plutôt étrange de ma part, mais le résultat était assez chouette ! Cette envie imprévue m’avait fait rire et je m’étais même prise en photo.

Ensuite, je décidai de troquer mon large sweat à capuche pour un t-shirt manches courtes et ma veste en jean brodée. Je refermai mon pantalon gris et enfilai une paire de chaussettes à motif champignons. Je me sentais reposée et la journée s’annonçait lumineuse.

Ce fut en sifflant que je lassai mes baskets et partis en direction du Tram, amplement à l’heure, voir même en avance. À bord, je trouvai même une place assise. Rien n’aurait pu ombrager ce début de matinée.

Non, rien à part la présence de Kilian, dans la classe, installé un rang devant moi… Il était de même arrivé en retard, histoire de bien se faire remarquer…

Je décidai de ne pas faire attention à lui et de me concentrer sur le cours de physique mécanique qui ne m’enchantait absolument pas. De plus, il était obligatoire, les exercices étaient nombreux, ce qui lui conférait, à mes yeux, une excuse supplémentaire pour ne pas le suivre.

Les forces, les contraintes techniques, les matériaux, ce n’était vraiment pas ma tasse de thé. Moi, j’aimais la partie dessin, le plan et la construction du bâtiment. Il ne fallait pas se mentir, c’était le cas pour la plupart des élèves ici également… Sinon, nous aurions choisi ingénierie ou génie civil !

La cloche sonna une fois, indiquant que deux heures venaient de s’écouler et nous continuâmes à parcourir le tableau, nous affirmant mentalement qu’on pouvait le faire, plus qu’une heure de cours à subir.

Le professeur nous accorda une petite pause et il finit par nous libérer de son supplice en nous donnant les devoirs avant l’heure finale.

Les trois premières heures de la journée étaient faites, il ne restait plus que les deux heures d’informatique.

Le sac à dos sur une épaule, le carnet de croquis dans la main et le stylo dans la bouche, je suivis le flot d’élèves sans regarder où j’allais. Ce qui devait arriver arriva alors, je percutai sans m’en rendre compte une personne.

Je levai la tête, rouge et confuse, et m’excusai immédiatement :

« Désolé… Je ne regardais pas où j’allais…

— Ce n’est rien Sohalia. Passe, je t’en prie, me dit-il d’un signe de la main. Il fallait vraiment que je rentre dans lui ?!

— Merci, répondis-je en serrant les dents avant de le doubler.

— Ainsi, tu es la fameuse Sohalia. Et bien dis donc… En tout cas, je ne t’imaginais pas du tout comme ça… Tu as l’air…

— Pardon ? demandais-je en faisant volte-face et me retrouvant nez à nez avec un type, géant, ultra costaud.

— Oh, mais ne t’énerve pas… On va devoir devenir amis tous les deux, tu vas voir. Peut-être même un peu plus… Hein, ça te tente ma jolie ?

— Excuse-moi ? On se connaît ? Non, je ne crois pas, donc merci, mais non merci. Chao ! Répondis-je en me retournant, un doigt d’honneur bien en évidence. »

Non, mais pour qui se prenait ce type ? Il m’avait mis en rogne, cela voulait dire quoi cet air dégouté et ce « on va devoir devenir amis » ?

Je respirai pour essayer de me calmer tout en rentrant dans le couloir qui menait aux salles informatiques. Un rapide coup d’œil m’apprit que Kilian discutait avec l’autre gars, un grand homme, lui aussi habillé en lin de la tête au pied.

Le tissu, quoi que rigide et assez pâle, le mettait parfaitement en valeur, lui et sa peau marron, je ne pouvais tergiverser dessus, il m’avait fait un minimum d’effet…

Deux étrangers, voilà à quoi ils ressemblaient les deux. Et puis, je croyais que Kilian ne connaissait personne en ville ! En tout cas, c’était un menteur et son comportement m’exaspérait au plus haut point. Et tout ça semblait lié à l’événement d’hier, lorsqu’il avait découvert mes dessins…

Pourtant, ceux-ci n’avaient rien de particulier à part le fait qu’ils sortaient tous de mon esprit. Il s’agissait de fiction, rien de plus et j’avais eu suffisamment de séances avec ma psychologue pour apprendre à différencier la réalité des rêves…

Ce fut donc énervée que je débutasse mon cours de modélisation en trois dimensions.

Assise à ma place habituelle, je sortis les différents calques et papiers contenus dans ma pochette raisin que j’avais récupérés dans le placard au fond de la salle.

En fouillant un peu entre les divers projets, je mis la main sur celui sur lequel je travaillais depuis deux semaines : un chalet en bois et en pierres. D’après mon professeur, cette structure ne ressemblait à aucun des chalets qu’il avait pu voir ou étudier au cours de ses voyages.

Je me mordillai les lèvres en attendant de voir Kilian passer la porte, mais il ne se présenta pas au cours et je pus entamer ma modélisation avec beaucoup plus de calme et de concentration qu’à mon arrivée dans la salle.

Plutôt fière de mon avancée, je décidai de commencer un nouveau plan, celui de la petite cabane de mon rêve, avec la jeune fille.

Le bois faisait partie de mes matériaux préférés, je n’aurais pas su expliquer pourquoi, mais j’adorais ses couleurs, ses textures, et ses différentes utilisations.

Je m’étais toujours imaginé vivre dans une exiguë maisonnette, perdue au fin fond de la forêt, là où personne ne pourrait m’embêter. De puis, les trois quarts de mes schémas étaient des constructions en bois, en pierre ou bien même en chaume ou autre matière alternative. Cela avait le don d’exaspérer certains de mes enseignants et enseignantes. Soit, car je n’utilisais pas assez de matériaux de type béton armé pour eux, ou soit, car ils n’arrivaient pas entreprendre comment quelqu’un comme moi pouvait visualiser de telle structure.

Alors qu’il nous restait encore un quart d’heure de classe, le professeur se leva brusquement et mit fin au cours en claquant la porte. Personne n’avait cherché à comprendre, cela voulait dire que la matinée était finie et qu’on pouvait aller manger. Je remis à ce moment-là mes écouteurs et cliquai sur un morceau de musique traditionnelle amérindienne.

Je rangeai correctement mes travaux, repositionnai ma pochette en place ainsi que toutes les chaises avant de sortir. Après tout, j’avais le temps.

Une fois la porte dépassée et refermée, je remarquai Kilian, attendant les bras croisés.

« Tu as quelque chose à me dire ? Pourquoi tu n’étais pas en cours ? Je croyais que… Tu sais quoi, laisses tomber, j’ai des trucs à faire cette après-midi. »

Je passai devant lui en le « bousculant » de l’épaule, il ne courut par derrière moi et pendant un court instant, je me sentis coupable.

Peut-être voulait-il se pardonner pour la conduite de son ami, ou bien il attendait quelqu’un d’autre…

J’avais quand même un peu abusé.

Mon repas du midi se fit par conséquent dans le silence, rongé par le stress.

Ces derniers jours, entre les cauchemars et le comportement bizarre du nouveau, je n’avais pas réussi à réaliser les exercices que ma psy m’avait envoyés. J’étais donc à fleur de peau, je m’en rendais bien compte.

Mon alarme sonna et se fit en boudant que je me dirigeai à pied vers le cabinet de ma psychologue. Je n’étais pas déjà d’humeur alors, quand je découvris Kilian devant la porte, je perdis tous mes moyens. Heureusement pour moi, il n’avait pas l’air de m’avoir aperçu, j’en profitai pour me retourner vivement et de claquer le portillon d’entrée.

Kilian dû entendre le bruit vu que cette fois-ci, il accourut.

« Écoute, je suis désolé. Déjà pour la conduite de cet idiot de Tyler… C’est mon frère adoptif, du moins ça l’a été pendant quelques années et depuis que nous sommes majeurs, nous sommes amis, quoi… c’est un peu compliqué. Mais bref, je ne te suivais pas si telle est ta question, j’avais plutôt un truc à te donner… Tiens.

— Merci, dis-je en me saisissant du sac qu’il me tenait. Étrange comme cadeau…

— C’est pour me faire pardonner, répondit-il aussitôt.

— Euh… J’avoue ne pas comprendre la situation. Hier tu m’as… Tu as dit d’étranges choses et là, tu agis vraiment de manière… assez terrifiante. Je ne comprends pas… C’est quoi ton but ? Es-tu vraiment là pour tes études ? Oh et si tu pouvais arrêter de me mentir ça m’arrangerait, ce n’est pas parce que je suis blonde que je suis bête. Ok ?

— Sohalia, je te demande juste de rentrer chez toi et d’ouvrir le sac. Quand ça sera fait, on pourra parler tous les deux ok ? C’est important que tu fasses ça…

— Euh… Non… C’est bizarre, puis nous ne sommes pas amis, je crois. Je ne veux pas adhérer à ta secte non plus… Et comment je suis censé te recontacter ? Je ne vais pas en cours cet aprèm et après, on est en week-end. Je n’ai pas ton numéro de téléphone par exemple ou…

— C’est parce que je n’en possède pas. S’il te plaît, ne fais pas d’histoire. Tout deviendra plus clair, j’en suis quasiment certain. Je sais que tu n’aimes pas ça, mais il va falloir me faire confiance… »

Il mit fin à la conversation et partit en courant vers un taxi des plus chics, un coupé sport garé un peu plus loin. Au volant, un homme habillé en costard-cravate, et Tyler était debout en me faisant signe de la main.

Kilian s’arrêta devant la voiture, se retourna et me fixa longuement avant de s’assoir sur le seul siège disponible, celui de l’arrière.

Je restai là, bêtement, en plein milieu de la rue, pendant un petit moment. La conversation venait de me sonner et le sac pesait lourd dans mes bras.

N’ayant pas le courage d’aller chez la psy et le contenu du sac m’intriguant, je laissai un message au secrétariat et rentrai les mains dans les poches de ma veste, le sac sur le dos.

Une fois à la maison, je décidai dans un premier temps d’observer le sac et de noter tout ce que je voyais sur un carnet à spirale. Une simple manie que j’avais lorsqu’on m’offrait quelque chose. Une rassurance pour m’assurer que personne ne m’avait rien volé, encore. Et puis, cela pouvait s’annoncer salvateur, car parfois, les anciens et anciennes propriétaires venaient reprendre ce qu’ils nous avaient donné. C’était arrivé plusieurs fois dans le foyer où j’avais été…

Je fis craquer ma nuque avant de me saisir d’un stylo à bille. Je croquai d’abord dans mon carnet gris, un pendentif qui me semblait étrangement familier et qui m’avait obnubilé le long du trajet. Je n’arrivais pourtant pas à savoir où j’avais pu l’apercevoir…

Bon, que contient ce magnifique sac de velours vert aux motifs dorés brodés dessus ?

Ressentant comme un mauvais pressentiment qui se confirma par une chair de poule, j’allai m’enfermer dans ma salle de bain et m’assis dans la baignoire. Je saisis ma couverture bleue, seul objet lié à mon passé et la passai sur mes épaules pour m’emmitoufler dedans et sentir mon odeur…

Bon, allez, ma grande, tu peux le faire !

J’ouvris le sac et y découvris un énorme livre. Lourd, même très lourd, l’ouvrage se présentait à moi avec une couverture en cuir richement décoré de dorure et d’enluminures à l’encre. Une sorte de lacet l’entourait et était retenu par un sceau de cire bordeaux. Je déchiffrai avec beaucoup de mal le symbole où un arbre devait être au centre, surmonté d’un élément et d’une arme blanche.

Sans me poser de question, je cassai le sceau et ouvris le mystérieux livre.

Dedans, les pages étaient remplies d’étranges signes.

Honnêtement, ces signes auraient pu être des mots d’une autre langue, cela n’aurait pas changé au fait que je n’y comprenais absolument rien du tout. Étonnée, je me mis à le feuilleter rapidement, mais constatai avec regret que les autres pages étaient écrites de la même manière, pas moyen donc de tirer une seule information de ce livre. Je décidais alors de le poser sur la panière à linge en soupirant, l’enlevant ainsi de mon champ de vision.

Génial le cadeau !

Assez énervée, j’entrepris donc de secouer le sac le plus énergiquement possible.

Une robe sortie en trombe et un papier crème semblaient entremêlait avec.

Ah !

Si la robe de velours m’avait tapé dans l’œil, l’enveloppe se détachait comme un phare au milieu de la nuit.

Serait-ce la clef pour la mystérieuse langue du livre ? Dans un ravalement de salive, je la pris soigneusement et brisai le sceau qui la retenait fermée.

Je la lus, la relus et en conclus que Kilian n’était pas l’expéditeur. Ce sac m’était destiné, certes, mais la blague n’était pas de bon goût, j’étais terrifiée… Enroulée dans ma couverture de bébé, je pris le temps de me consoler un peu. Reboostée par l’odeur et les souvenirs emprisonnés dans le tissu, je sortis le nez de sous le tissu bleu.

Bon, j’avais vu le contenu de la lettre, il me restait à présent la robe et cela ne pouvait pas être pire. Je me débarrassai donc de mes vêtements en fixant le riche tissu posé à même le sol.

Je passai le tout au-dessus de ma tête et bataillai quelques minutes avec les attaches et le laçage du corset qui m’empêchaient de passer les bras correctement.

Et voilà, il n’y avait pas photo, cette robe avait été faite pour moi ! Le tissu moulait mon corps à la perfection et tous les détails se complétaient avec ma peau et ses éléments.

Entre la coupe, le tissu et les couleurs, je ressemblais à une princesse tout droit sortie d’un film historique, mais en un eu plus féérique. Une robe d’elfe par exemple… pensais-je en me chantonnant la musique d’une trilogie de fantasy avec des elfes.

Entre le turquoise, le violet, la dentelle est les arabesques, il ne me manquait plus que la couronne, la cape, une cape, c’est essentiel, et l’herbe à mes pieds et le soleil dans les cheveux.

Avec cette allure royale, ma chevelure blonde pour une fois assez disciplinée, et les mains sur le ventre, j’aurais pu passer pour une fille de noble, une bourge quoi. Et puis, je pourrais vraiment en être une, je n’ai jamais eu le privilège de connaître mes parents biologiques !

Non, ma vie était beaucoup moins rose que le moins attrayant des contes de fées. Je ne devais cependant pas me plaindre, on avait fini par m’adopter…

Je fis un tour sur moi-même en admirant les motifs, le tissu et son mouvement. Cette robe était juste parfaite, et si, de manière générale, je n’appréciais pas trop les robes, je me sentais capable de porter celle-ci toute une semaine non-stop !

« bip bilip bilipipibilip on t’appelle !!! Bip bilip bilipipibilip faudrait peut-être répondre maintenant ! Bip bilip bilipipibilip on t’appelle ! »

Mon téléphone se mit à sonner depuis en plus fort, je savais que cette musique n’était réservée qu’aux personnes dont je n’avais pas enregistré le numéro. Je le regardai cependant au cas où je le connais, mais avais juste oublié de le rentrer.

Non, pas de doute, je ne connaissais absolument pas ce numéro. Puis, un 09, cela devait surement être une connerie du style opérateur ou opératrice téléphonique. Probablement le pire métier au monde et celui où tu t’en prends le plus dans la figure… Pauvres gens…

Je fis comme si je ne l’avais pas entendu et le glissai sous la pile de linge sale.

Le téléphone continua de sonner toute la soirée ainsi durant, mais la personne ne laissa jamais de message. Ces appels mystérieux ne me mettaient vraiment pas en confiance, surtout à cause du contenu de la lettre… Et puis, qui appelle quinze fois sans jamais laissé de message !

Mon téléphone étant toujours dans la salle de bain, je n’osai plus y mettre un pied et passai mon temps libre de ma soirée dans ma pièce à vivre, autrement dit ma chambre.

Et oui, n’ayant pas les moyens de me prendre un appartement plus grand, et cela à cause du prix de mes études, j’avais opté pour un appartement de vingt mètres carrés avec une grande salle de bain, une petite cuisine et une petite chambre.

J’avais vécu dans mieux, mais faute de moyens, ce n’était pas trop mal. Puis, je passais vraiment tout mon temps dans ma chambre ou dans ma salle de bain donc… Mais, je n’étais pas en architecture pour rien. Je m’étais créé des espaces de rangement très pratiques qui faisaient en sorte de libérer de l’espace et faisaient ainsi paraître l’appartement bien plus grand.

De toute manière, je ne possédais pas tant d’affaire que ça.

C’était ce qu’il se passait, quand vous veniez du système.

Nos affaires ont tendance à se perdre ou bien à disparaître.

J’avais alors continué sur cette lancée et, si l’on ne faisait pas attention à mon matériel d’art, on aurait pu me prendre pour une maniaque du rangement et du minimaliste.

En parlant de ça, j’avais réalisé cette après-midi-là un étrange dessin.

Une paire d’yeux. Ouais… Bizarre…

Pour le diner, je me préparai des takoyakis*, ces petites boules de pâte semblable à la pâte à gaufre, remplie de morceau de poulpes et d’autres ingrédients au choix comme du gingembre fermenté ou bien du fromage. Ayant beaucoup voyagé et ayant fréquenté des familles différentes, j’avais une culture gastronomique plutôt… Intéressante. La nourriture asiatique et mexicaine étant cependant mes préférés.

J’avais également réchauffé une petite soupe de poisson pour aller avec et en désert je dévorai des cookies trois chocolats que j’avais réalisés le week-end précédent. Je grignotai également quelques céréales devant une série afin de me reposer l’esprit.

Je dus cependant me résoudre et passer par la case salle de bain afin de me laver les dents ainsi que me démaquiller. Je jetais un coup d’œil au téléphone et tombais des nues quand je vis le nombre d’appels en absence. Qui que ce fût, il m’avait appelé quarante-deux fois en l’espace de six heures…

La personne, un psychopathe pour sûr, n’avait donc cessé de me harceler. Et voilà que le téléphone sonnait de nouveau. Non, mais comme si j’allais te répondre malade mental !

Mais comment cette personne avait-elle eu mon téléphone ?

Connaissait-elle mon adresse également ?

La peur me saisit et je me mis à trembler fortement…

En tant de crises, ma paranoïa était à son apogée et j’avais tendance à imaginer le pire. Ce fut donc avec une peur incontrôlée et dans un mouvement de tornade que je plaçai une chaise devant ma porte d’entrée.

Je vérifiai quatre fois avant de me coucher le verrou de cette même porte et de placer en tout dernier un balai entre la chaise et le loquet. Je finis ma tournée en m’enfermant dans ma chambre via une clef que je laissai dans le verrou avant de me rouler en boule, sous la couette, dans mon plaid étoilé.

Alors, lorsqu’un bruit, ce qui me sembla celui de la serrure principale retentit vers les deux heures du matin, ma panique atteignit un pic encore jamais atteint de mémoire.

Roulée en boule dans ma baignoire, de l’eau bouillante s’écoulant sur moi par le pommeau placé sur le plafond, je me balançais d’avant en arrière.

Les yeux rougis, encore remplis de larmes, et mon renard gravé dans un morceau de bois dans la main, je restai ainsi posté jusqu’à ce que mon réveil se déclenche. Encore sous le choc et la panique, je me saisis de mon téléphone et appelai la maison où vivaient mes parents adoptifs.

« Maman… Pleurais-je dans le combiné ?

— Sohalia, que se passe-t-il ? tonna, mon père.

— Je… Je… Un type bizarre c’est pointé dans mon université, et, et il a fouillé dans mon carnet à dessin. Et puis, il m’a donné un sac avec une lettre et… Et quelqu’un a passé sa soirée à m’appeler hier… Je… Je…

— As-tu pris tes médicaments ? me questionna-t-il agacé par la situation.

— Oui ! Oui j’ai pris mes médicaments ! Oui je ne suis pas folle ! Et quelqu’un était là cette nuit, je l’ai entendu !

— Sohalia, ma chérie, commença ma mère, on a eu un appel de la psychologue hier, tu aurais annulé ton rendez-vous ?

— Mais c’est quoi le rapport avec un intrus essayant de s’infiltrer chez moi ?! m’exaspérais-je.

— Elle m’a dit pour les cauchemars, tu es en crise, tout va bien se passer. Je vais appeler ton école. Ce n’est pas la première fois que cela t’arrive, tu te souviens ? On a déjà eu cette conversation jeune fille. Maintenant, tu vas me faire plaisir et tu vas t’habiller. Je vais demander à ta psychologue de venir te voir d’accord. Allez, soit une gentille fille, écoute ta mère et ta psy.

— Mais… Maman, tu ne comprends pas, il y avait quelqu’un cette nuit !

— Sohalia, je vais devoir commencer à compter…

— Regarde, je viens de t’envoyer une capture d’écran de mon téléphone et du nombre d’appels que j’ai reçus ! Tu ne trouves pas cela étrange ?

— Sohalia… 1…

— Mais regarde ton téléphone, bon sang de bonsoir !

— Sohalia… 2…

— Ne recommence pas avec tes histoires de comptage. Je ne suis plus une enfant avec difficulté…

— Sohalia… 3…

— Tu sais quoi, bye bye, je n’aurais pas dû vous appeler. Non, j’aurais dû appeler la police ! »

Je raccrochais tout de suite, énervée et étrangement reboostée.

Mais quelle idiote… Mais pourquoi donc les avoir appelés ?!

Je savais pourtant très bien la manière dont mes parents allaient réagir, à chaque fois, ma mère prenait le combiné et jouer son rôle d’actrice. Mais voilà, la réalité était que mes parents me pensaient folle. Pas facile d’avoir une fille qui prétend voir un monstre dans le miroir…

Mais ma mère avait pourtant raison, ce n’était pas la première fois que j’éprouvais ce sentiment étrange… Je me souvenais d’ailleurs très bien de ma première fois… Je n’avais que six ans et j’avais passé ma journée dans la cave de la maison d’accueil sous laquelle j’étais placé depuis deux jours…

Je n’avais évidemment pas fait long feu dans cette maison et j’avais été placée sur la liste des enfants difficiles.

Que les Anshon m’adoptent fut un véritable miracle d’après mon agent de probation. Qui voudrait d’une folle qui avait été envoyée en prison juvénile deux fois pour violence…

C’étaient d’ailleurs les raisons pour lesquelles je devais fréquenter une psychologue deux fois par semaine…

Quant aux médicaments, la vérité était que je ne les avais jamais pris. Du moins, plus jamais après être arrivé à l’hôpital à cause d’eux. Mon corps les rejetait à l’extrême et ne faisait qu’empirer ma situation. Mes parents n’en savaient bien sûr absolument rien. Non, ils pouvaient vraiment être étranges parfois, même plus que moi. Cependant, depuis que je m’étais éloignée d’eux et avais trouvé ma propre psychologue, les choses s’étaient améliorées.

La psy ne m’avait jamais traitée de folle et avait toujours était intéressée par mes rêves, parfois un peu trop mêmes, mais la bienveillance inondait sa voix et j’étais quasiment sûre qu’elle ne me voulait aucun mal.

Pour une fois, je suivis les ordres de ma mère, mais de mon propre chef, je m’habillai, certes avec des vêtements amples et réconfortants, mais je le fis et attendis patiemment l’arrivée de la spécialiste. La police, j’avais beau l’avoir mentionnée dans ma conversation, je ne lui faisais pas entièrement confiance non plus… J’avais bien vu ce qui arrivait aux jeunes sortis de foyer.

Dès qu’elle passa la porte dont j’avais retiré les barricades, sa première réaction fut de me prendre dans ses bras et de me conduire dans ma chambre. Là-bas, elle me prit par les épaules et me regarda attentivement, droit dans les yeux.

« Sohalia, regarde-moi, je veux que tu fasses un sac avec des affaires essentielles. Je ne veux pas que tu poses de questions. Je veux également que tu prennes le sac que Kilian t’a donné hier. Sohalia ? Tu m’entends ? Dépêche-toi ! »

Je ne pus cependant faire quoi que ce soit. Mon monde venait de s’écrouler. Cette peur dans ses yeux signifiait que je n’avais pas rêvé, et que sur ma porte, des traces d’effractions et de violences devaient se voir. Et puis, elle connaissait Kilian et avait connaissance du sac et probablement de son contenu…

Mais qui suis-je ? Pourquoi tout cela m’arrive-t-il ?

Existe-t-il un lien avec mes rêves ? Mes dessins ?

J’ai un mauvais pressentiment… Il y aurait-il un lien avec la fille aux cornes ?

La peur m’envahit de nouveau et je n’eus qu’en envie : me mettre en boule ! Mais la médecin ne me laissa pas faire, elle me mit une gentille paire de claques sur les mains avant de me tirer pour me mettre sur les pieds.

« Aller ! cria-t-elle. »

Alors, je me secouai et cherchai une valise dans mon armoire, j’étais en train de sélectionner quelques t-shirts quand elle me les arracha des mains.

« Tu n’en as pas besoin, des objets, prends des objets. »

Je vidai donc ma valise pour recommencer. Premièrement, je courus dans la salle de bain et y plaçai le sac en velours, la lettre, le livre et la robe. Puis, je pris mon téléphone, mes écouteurs, mon carnet de croquis et ma trousse d’urgence. Je fis également une petite trousse de toilette avec les essentiels : brosse à dents, cup hygiénique, culottes menstruelles, dentifrice, deux trois élastiques et mit ma pince dans mes cheveux.

Sur le moment, je ne sus pas pourquoi, en réalité, je n’utilisais jamais cette pince et ne savais même pas pourquoi je l’avais acheté, mais bon…

Je récupérai également ma couverture, mon ordinateur portable, mon chargeur, un cadre photo et mon enveloppe d’orpheline.

Je glissai secrètement un jean et une paire de baskets ainsi que ma veste en jean et mon sweat-shirt de l’université tandis qu’elle me tournait le dos. Je fis le tour à toute vitesse de l’appartement et remarquai le petit renard rouge sur le sol. Avec la panique, je l’avais complètement oublié. Heureusement que je l’avais vu, j’y tenais.

« Huuuh. Inspirais-je. »

J’étais prête.

Je le fis savoir à ma psychologue et celle-ci m’équipa d’une sorte de cape avant de sortir de l’appartement.

Sur le passage, je remarquai que ma porte avait été marquée d’étranges symboles… Elle portait également de grosses traces que j’imaginai être des coups de pied et de poings, voire de marteau…

Elle me fit monter à l’avant de sa voiture, une petite citadine et démarra en trombe.

Nous quittâmes la ville et dix minutes plus tard, nous passâmes le panneau marquant la fin du département, aucune direction n’était marquée.

Alors que les paysages défilaient autour de moi, je repensai à la lettre et à ses mots qui s’étaient gravés dans mon esprit. Et si tout était vrai ?

Soudainement, la psychologue tourna et prit l’intersection, nous roulions désormais vers la Dordogne. Puis, une bonne demi-heure plus tard, nous nous arrêtâmes pour manger, rapidement. Une fois la commande passée et la nourriture dans la voiture, elle reprit sa folle course.

La voiture était affreusement silencieuse et je décidai de mettre en peu de musique. Une étrange mélodie sortit du poste de radio et il ne me fallut pas beaucoup de temps avant de m’endormir.

Un autre virage serré me réveilla, dehors, le soleil était sur le point de se coucher, nous avions ainsi roulé toute la journée et je n’avais aucune idée d’où je me trouvais.

Dix mètres plus loin, elle s’arrêta et déverrouilla les portes.

« Écoute-moi, je veux que tu sortes de cette voiture et que tu coures sans te retourner, et cela jusqu’à ce que tu tombes sur Kilian et Tyler. Ne réfléchis pas, cours et ton instant te guidera. On se reverra alors ne t’inquiète pas pour moi. Je veux juste que tu coures le plus vite possible. Ok ? »

Je secouai la tête et elle m’ouvrit la portière et je courus alors, comme elle me l’avait demandé, la valise sous les bras, essayant seulement de ne pas me casser la figure via une racine ou une branche.

Après bien dix minutes de courses, je me dis que je m’étais perdu, que je n’aurais jamais dû partir ainsi, que je n’étais qu’une idiote, mais j’aperçus une forme floue et colorée trente mètres plus loin. Ce fut complètement essoufflée que je m’arrêtasse devant eux, lâchant mes affaires dans une grande trombe.

La psy ne m’avait pas menti, ils étaient là, Tyler et Kilian, eux-mêmes habillés d’une cape. Derrière eux se tenait un portail qui ne semblait mener qu’à nulle part. Je voulais leur parler, les questionner sur la psy, sur le danger, sur ce qui allait m’arriver et sur qui ils étaient, mais les garçons se parlaient entre eux et me tournaient le dos. Super, raillais-je.

Tyler se retourna, s’approcha de moi avant de m’attraper par les hanches. Ce fut avec une force surhumaine qu’il me porta à bout de bras pour me placer sur ses épaules comme un sac à patates. Il ne me relâcha et me redescendit que pour me « déposer » devant le portail de fer forgé…

Vue de près, ce dernier était effrayant. Noir, rouillé, lugubre et accompagné de corbeaux et d’un arrière-plan tout aussi sombre, je ravalais ma salive en pestant. Il était hors de question que j’aille de l’autre côté. Mais on ne me laissa pas l’opportunité de m’expliquer.

Avant que je ne puisse faire quoique ce soit, on m’attacha les mains avant de placer un épais tissu devant ma bouche et un devant mes yeux. Une mélodie démarra et comme lors du voyage en voiture, je tombais dans les bras de morphée…

Rêve de Sohalia :

« Sohalia, je souhaite que tu croies en toi, oublie tout ce que tes parents et tes anciens ou anciennes psychologues ont pu te dire. Tu possèdes un immense pouvoir et les responsabilités qui viennent avec.

Apprends à te connaître, cherche en toi les réponses aux questions que tu te poses depuis des années. Et surtout, ne laisse personne te dire que tu es faible ou inutile, ce n’est pas le cas.

Un grand destin t’attend.

Je serais là, pour te guider et pour t’aider. Peut-être pas sous la forme à laquelle tu t’attendras, mais je serais là.

Alors, réveille-toi et bas-toi ! »

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