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Trois jour plus tard. Je me regarde dans la glace. Quelle chance que ma tante ait été presque de la même taille que moi ! Je suis un peu serrée dans ses vêtements, mais peu m'importe, je peux bien me contorsionner un peu pour rentrer dans de grandes marques. Et ça me va plutôt bien, finalement. Si seulement cette gigantesque garde-robe pouvait être mon héritage et non celui de Melanie. Je me suis assez mirée dans la robe noire de ma tante. Nous sommes venues dans sa maison avant l'enterrement, pour que Melanie pleure en contemplant je-ne-sais-quelles-babioles et que je trouve une robe pour l'occasion, celles de ma cousine étant trop étroites pour moi. D'ailleurs, il faut que je la rejoigne maintenant et que nous allions à cet enterrement. Nous prenons sa voiture : la mienne est si mal en point que l'utiliser en ce jour serait presque une injure pour ma défunte tante ! Nous arrivons à l'église pour la messe des obsèques. Les heures les plus ennuyeuses de ma vie. Je crois que je préférerais encore être en train de ramasser les déchets dans les rues de Washington. Je ne sais par quel miracle je reste éveillée durant cette messe. Je m'occupe comme je peux. Avec un vieux stylo trouvé dans la voiture de Melanie, je dessine dans le livret de chants de l'église. Je n'ai aucun talent artistique. Je griffonne, trace quelques visages amochés, un lapin, des arbres, des papillons. J'essaye de faire une soucoupe volante avec quelques aliens. Puis je remarque que Melanie me fusille du regard.

— Quoi ? je lance. Il faut bien que je noie ma tristesse dans quelque chose !

La messe s'achève enfin. Le cercueil est emmené dans le cimetière, où une tombe douillette l'attend grande ouverte. Ça recommence. On s'agglutine autour du trou pour une flopée de nouvelles prières. À quoi bon faire tout ce cérémonial pour un cadavre ? Ma tante est morte; elle ne les entends même pas, leurs prières ! Au bout d'une trentaine de minutes, la torture prend fin. Le cercueil est enseveli sous la terre, maintenant. Enfin, nous pouvons nous en aller.

Melanie pleure encore; sa sensibilité m'accable. Comment ose-t-elle se lamenter de la sorte alors que cette mort fait d'elle une milliardaire ? Jamais je ne la comprendrai ! Elle pleure comme une fontaine. Elle arrive à peine à mettre un pied devant l'autre. Hors de question qu'elle prenne le volant de la voiture ! Alors qu'elle ouvre la portière du côté conducteur, je lui barre le passage :

— Laisse, lui dis-je, je prends le volant.

Elle ne se fait pas prier et gagne tranquillement le siège passager. Je démarre. Soudain, Melanie s'emporte :

— Lauren, tu t'es comportée comme une vraie enfant. Ton manque de respect me fait honte !

Je ne réponds pas. Finalement, j'aurais dû la laisser prendre la route toute seule. J'aurais erré à pied, feignant le chagrin, et puis Melanie aurait eu un accident. Et alors, soudain, je serais devenue la riche héritière ! Plongée dans mes pensées, je n'ai pas vu le virage. Il est déjà trop tard lorsque je reporte mon attention sur le volant. Un klaxon. En face de moi, le camion ralentit, mais je fonce droit sur lui. Puis vient le choc, un terrible choc. J'ai l'impression de quitter mon corps, quelques secondes. On entend les vitres, la ferraille : tout vole en éclats. Moi-même je me sens comme disloquée.

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