36.3

4 minutes de lecture

Hello tout le monde ! Voilà Le 2e épisode du jour ! Bon dimanche :D

--------

– Bien sûr que j'ai des amants à la mine, grondai-je. Tu dis n'importe quoi !

Mon seul tort était ma discrétion. Je me maudis de ne m'être jamais affiché comme ils le faisaient tous. D’une bourrade, Paz m’envoya rouler dans la terre du tunnel.

–Ta gueule, ordure ! Tu parleras quand j'en aurai fini avec toi, si t'as encore une langue pour le faire !

Je voulus bondir sur mes pieds, mais un crochet du droit me percuta le crâne. Ma vision explosa en dizaines d’éclats blancs.

– Putain, Auroq… grogna la voix de Sperar au-dessus de moi. Dis-moi qu'c’est pas vrai, hein ? T’as pas fait ça…

Je levai les yeux vers lui, encore à moitié aveugle, et il dut y lire ma réponse car il ne dit plus mot.

– J’comprends maintenant pourquoi t’es toujours en train de défendre les Renardes pendant les assemblées… ironisa Paz à voix basse en me frappant à nouveau. « C’est la Maison qu’on veut, pas les Renardes… » « Tuez pas les Renardes, entrez juste dans la Maison… » Putain, mon gars, tu croyais quoi ? Tu croyais faire ta vie avec ta truie, après le Brasier ?

Ma tête martelait le sol au rythme de ses coups. La bouche emplie d’un goût ferreux, les narines pleines de sang, je tentai de riposter, d’esquiver. Trop faible. Bien trop faible. Il esquiva mes petites frappes avec aisance, me fit basculer sur le dos et entreprit de me défoncer le ventre. Je râlai de douleur. J’avais donné toute mon énergie à l’escalade de la Maison – puis à Picta, sous l’albizia. Des flashs me revinrent, des sensations si douces entrecoupés de souffrance ; ses mains sur moi, le goût de sa peau sous ma langue, ses halètements à mon oreille…

– Regardez-le, votre porteur d’eau ! tonna Paz au-dessus de moi. Regardez-le, le paria que vous avez accepté chez vous !

Le déluge de coups cessa enfin. Je n’étais plus qu’une carcasse meurtrie. La souffrance pulsait comme une vague lourde à travers tous mes membres, broyait mon crâne dans un étau de fer. Le silence régnait dans le tunnel. À part les pas de Paz qui tournait autour de moi, je n’entendais que mon sang qui me battait les tympans. Il pulsait dans le moindre de mes hématomes, dans mes gencives, dans mon nez cassé.

– Il est r’tourné à la Maison, et pourquoi ? rugit Paz. Pour s’venger des Renardes ? Pour se battre pour la mine ? Non !

Sa poigne de fer se referma sur mon oreille, celle qui portait le clou de bois blond. Celle qui clamait aux yeux de tous que j’avais été esclave. Ma tête décolla du sol et un élancement violent me traversa le crâne. Je tentai d’ouvrir les paupières ; elles étaient enfluées de sang.

– Ce rat est allé s’frotter à ces salopes ! Pendant que tout l’monde trimait ici, pendant qu’on suait tous au fond des tunnels, ce traître est allé sauter sa Renarde. Là-bas, dans la Maison !

Il me lâcha et le sol me sauta au visage. Je poussai sur mes membres, essayai de me redresser, mais Paz n’en avait pas fini avec moi. Il me faucha les jambes d’un geste que je devinai presque négligent. Un sanglot discret me parvint aux oreilles alors que je m’écrasai à nouveau. Était-ce Muto ?

Pardon, mon petit gars, parvins-je à penser dans le brouillard qui m’emplissait la tête. J’ai été un mauvais oncle. Le pire oncle qui soit…

– On t’a fait confiance, bâtard, cracha Paz au-dessus de moi. T’es dans quel camp, au final ? Putain, ça fait combien d’temps qu’ça dure ? Ça fait combien d’temps qu’tu vas fourrer ta queue entre les cuisses d’une blanche ?

– Paz, on a compris, maintenant, fit la voix de Sperar. Laisse-le.

Le silence plomba la scène. Le chef devait toiser mon frère, interloqué. Personne n’osait s’opposer frontalement à lui, ni lui jeter des ordres.

– De quoi ? gronda sa voix rocailleuse. Tu trouves ça normal, mon gars ? T’étais au courant ? (Il laissa une pause s’installer puis reprit, venimeux.) Dis-moi, tu f’rais pas comme ton frère, des fois ?

Une étincelle de panique. Paz était comme un chien enragé ; il ne cesserait pas de mordre si facilement. J’avais mis en danger mon frère et ses fils avec lui. Sperar répondit par un grognement.

– Quoi, m’accoupler avec des Renardes ? J’suis un gars de la mine, comme toi. J’en ai même jamais vu d’ma vie. Laisse Auroq, tu l’as assez tabassé comme ça. J’crois qu’il a compris.

Un dernier coup m’atteignit en plein ventre, juste histoire de montrer qui était le chef.

– Mettez-le au trou, lança son auteur d’une voix lourde d’autorité.

Des murmures s’élevèrent autour de moi, puis des poignes solides s’emparèrent de mes bras. Je reconnus l’odeur de Roc et d’un autre.

– Je vous ai aidés, articulai-je d’une voix désespérément basse.

– On a b’soin de lui ! objecta Sperar d’un ton bouillonnant de rage.

Je m’accrochai désespérément à sa voix. Il restait mon frère malgré tout ; il était encore de mon côté. Il n’avait pas dit « pour le Brasier », cela aurait risqué d’attirer l’attention des ouvriers lambdas, mais Paz n’eut pas de mal à saisir.

– Plus maintenant. Il a déjà fait tout c’qu’il avait à faire. On a Toise. Et les bagnards !

Bien sûr. Je n’étais pas le seul à connaître la Maison. Je n’étais plus le seul à pouvoir les guider à l’intérieur, à pouvoir leur ouvrir ses portes…

En revanche, j’étais celui qui tempérait leurs pulsions meurtrières.

– Au trou, j’ai dit, répéta Paz. Il manquera à personne, ce connard.

Un silence. Puis, alors qu’on me traînait sur le sol :

– Sauf à sa pute blanche, peut-être…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Cornedor ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0