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"Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois ; mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui."

Alfred de Musset - On ne badine pas avec l'amour

J'ai un amant.

Depuis peu. J'ai honte. Ou pas. Je ne saurais même pas décrire cette sensation. C'est marrant, on voit ça dans les films, les belles nanas se taper des mecs pleins aux as, pendant que leurs maris ou conjoints les ont délaissées. Moi, ce n'est pas le cas.

On ne m'a pas délaissée. Ni abandonnée.

Je transpire la honte et la culpabilité. Je les traîne comme des boulets qui s'accrochent à mes chevilles pour mieux me faire chuter. Et pourtant, la vérité a beau m'exploser à la gueule, elle est ce qu'elle est.

J'ai un amant. Et j'adore ça.

C'est arrivé comme ça. Comme un deuxième Big Bang dans l'univers. Comme une poussière venue se déposer dans le coin de l'œil et qu'on ne parvient pas à retirer. Comme un tsunami fracassant les digues de mon couple que je pensais plus solides.

J'ai un amant et je me répète ça en boucle. Lorsque Thomas me regarde avec tendresse, lorsqu'il enroule son bras autour de mon cou. Lorsqu'il me fait l'amour.

J'ai un amant et je ne rêve que de lui. De sa peau, de son parfum, de ses baisers. Il a le goût divin de l'interdit, la douce saveur amère du péché, de ces quelques instants volés au détriment de nos destins si bien rangés. Nous aurions pu choisir de faire autrement. J'aurais pu choisir de faire autrement. De passer mon chemin, de refuser de céder à la tentation.

Mais c'était lui. Comment lui résister ?

Il avait fait les plus beaux jours de ma jeunesse, mais aussi les pires. J'aurais pu remuer ciel et terre pour lui. J'aurais pu me damner, oui j'aurais pu. Pour un sourire, pour un regard. Et quel regard... Pas de ceux qui sont vides, qui ne créent pas ce lien. Mais de ceux qui te transpercent, te sondent, te foudroient sur place. Qui te laissent toute raplapla dans tes talons aiguilles qui te font un mal de chien mais que tu as revêtu pour lui plaire.

Oui, je rêvais de lui plaire. J'aurais tout donné pour ça. Il est des amours qui sont rationnels, raisonnés : ceux qui sont censés durer toute une vie parce qu'ils ont été bâtis sur les fondations inébranlables de l'amitié. Et il en est d'autres qui sont au-delà de toute raison. Qui sont chimiquement inexplicables : quand deux êtres s'attirent comme des aimants et se désirent avec passion, et que le hasard se plaît à remettre sur leur chemin, faut-il l'ignorer ?

Je voulais être foudroyée à nouveau, quitte à souffrir, à brûler vive dans un brasier éternel.

La vie est bien faite. Le vœu que j'avais formulé un soir de pleine lune face aux étoiles filantes s'était réalisé. Il était revenu dans ma vie. Et de quelle façon... Qui aurait pu l'imaginer ?

Je suis une traînée. Une pute. Une catin. Une salope.

C'est comme ça qu'ils m'appelleront, quand ils sauront. T'es vraiment une garce d'avoir fait ça. Une sale égoïste, alors que tu avais tout pour être heureuse. Ouais tiens, tu mériterais que je te crache dessus. Et ils auraient sûrement raison.

Pour quelques heures de plaisir.

Pour quelques heures hors du temps. Rien que pour lui. Rien que pour nous. Loin du quotidien, loin des problèmes, loin d'une vie trop sage qui me fait mourir d'ennui à petit feu. Loin des "t'as été faire les courses ?", "et putain, t'as encore oublié les croquettes du chien !", "chérie, pourquoi on ne fait plus l'amour ?". J'ai plus envie. Plus envie de rien. Sauf de lui.

Envie de nos corps qui s'enlacent, qui se cherchent, qui s'apprivoisent timidement, puis se resserrent, se mêlent sous les draps frais d'une chambre d'hôtel. Envie de ses mains sur ma peau, sur mes seins, sur mon ventre... De ses lèvres qui me goûtent, qui déposent des baisers de feu sur mon corps, qui m'arrachent un soupir, un gémissement. Un orgasme. Un raz-de-marée de frissons et de plaisir qui réveille mon enveloppe charnelle, mon corps de femme trop longtemps nié.

Je veux crier son nom dans une énième secousse, quand mon corps se cambre et que mes muscles se tendent. Je veux le sentir, le ressentir encore et encore, contre moi, en moi. Je veux m'oublier dans un océan de désir. Je veux tout oublier. Et me fondre en lui.

Il sera bientôt là. Je jette des coups d'œil nerveux à mon téléphone. Et s'il ne me trouvait pas ? Et s'il avait décidé de ne plus venir ? Je m'efforce de me détendre. J'ai apporté un roman pour m'occuper. C'est la cinquième fois que je relis la même phrase.

Mon esprit est tout entier tourné vers lui. L'adrénaline se diffuse peu à peu dans mes veines, l'excitation se fraie un passage jusqu'à mon cœur, vient se nicher au creux de mon bas-ventre. Il sera bientôt là.

A mes pieds s'étend la prairie. Dans mon dos, le château. Dans l'allée, une voiture. La sienne. Mon sang bat dans mes tempes, s'électrifie. Je ne respire plus. La foudre va tomber une nouvelle fois.

Pour mon amant.

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