Imagine

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Septembre 2017

Assise sur son banc, face au lac, Ella regardait le soleil se fondre dans le feuillage roussissant des arbres sur la rive opposée. C’était l’équinoxe d’automne, et la nature était toujours la première mise au courant. Sur ses genoux dormait la petite boule de poil qui lui avait été confiée le matin même. Elle ferma les yeux et se sentit entière, pour la première fois depuis longtemps, peut-être même depuis toujours. Sa main gauche délicatement posée sur le pelage du chiot, elle sentait chaque pulsation de son petit cœur marteler sa paume. L’Ecosse lui semblait tellement lointaine.

Ella repensa aux quelques semaines qui s’étaient succédées à une vitesse folle depuis son arrivée ici. Sur ses paupières closes se superposèrent une multitude de visages. Elle vit tous ces gens qui l’avaient aidée et accueillie, toutes ces personnes qui avaient choisi de ne pas la traiter comme une étrangère. Elle redécouvrit les visages chaleureux de l’épicier et de son fils, qui l’avaient hébergée dans leur modeste foyer. Elle reconnut les doux sourires de tous ces habitants qui avaient gracieusement mis leurs compétences au service de la rénovation de sa maison et qui aujourd’hui étaient devenus des amis. Sa poitrine se réchauffa en repensant au temps précieux qu’ils avaient consacré à bâtir son rêve d’émancipation. En file indienne elle regarda défiler un à un les visages espiègles de ses élèves, et de toutes les personnes qu’elle avait rencontrées dans cette petite ville. Tous se mêlèrent, formant un radieux portrait de famille qui dessina une délicate courbe sur les lèvres d’Ella. Il existait donc encore sur terre quelques endroits où la bonté était maîtresse et où la générosité n’était pas une lame à double tranchant.

Quand elle rouvrit les yeux, le soleil était tombé derrière la ligne d’horizon et l’étendue d’eau sous ses pieds ressemblait à une épaisse marée de pétrole. Les oiseaux s’étaient tut pour laisser place à la nuit et à la complainte de quelques batraciens. La brise sur ses bras nus la fit frissonner et réveilla le chiot dans un sursaut. Son regard se posa sur lui avec beaucoup de tendresse, elle l’aimait déjà. Son pelage était si doux et il avait l’air si petit et fragile. Il sentait les bois et la chaleur, un parfum délicat dont elle ne se lasserait jamais mais qu’il perdrait en grandissant. Elle lui parla, de la solitude de certaines journées passées derrière les portes closes, du froid des nuits où elle ne réussissait pas à allumer le poêle, d’autres passées avec la peur au ventre, quand le vent faisait craquer les arbres au dehors. De ses petits yeux humides, merveilleuses billes de pétrole, il lui répondit qu’elle n’aurait plus jamais froid, ni peur, et qu’elle ne serait plus jamais seule. Pogo, c’est comme ça qu’elle l’appellerait. Sans raison, elle aimait simplement la simplicité de ces lettres qui glissaient entre ses lèvres.

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