Patricia, le feu

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J'imagine que ses mots ont dû lui résonner dans la tête avant que Boissineau la retrouve inconsciente dans sa fromagerie, au milieu du caillé, les veines entaillées profondément à l'aide d'un cutter. Avait-elle voulu vérifier la couleur de son sang ?

Patricia s'éteignait avant que la nouvelle année pointe le bout de son nez. Josette m'en avait informé en joignant un petit mot à l'intérieur de la dernière envelop que Patricia m'adressait. Je retrouvais son écriture toujours aussi sombre.

Les anges se gavent de nos heureuses tentatives d'union tandis que le diable veille. Tu ne pourras pas me rattraper sur la route que j'ai empruntée depuis si longtemps. Avec toi j'étais bien. Tu étais ma bulle jusqu'à ce que tu la perces.

De redescendre sur terre après de si beaux moments me fout le bourdon. Jamais je n'aurais pu imaginer vivre autant de moments délicieux. Si quelques traces de larmes tachent ce papier, n'aie crainte c'est la joie grise que j'éprouve.

Reste comme tu es, formidable et vivant. Si j'étais une, parmi tant d'autres, sache que toi tu as été mon soleil. Je retourne vivre ma nuit aussi lugubre qu'elle doit l'être. Je ne te mérite pas. Le boulet que je suis est voué à disparaître dans l'anonymat.

Ta cigarette que je viens d'allumer, me brûle le bout des doigts, même ça, je ne le sens plus. Tu te rends compte de l'insensibilité que je suis devenue ?

J'emporte avec moi, tes rires et tes chants, le son de ta guitare qui m'a si souvent grincé dans les oreilles. Je n'ai rien d'autre à t'offrir que la caresse du vent glacial qui nous a portés ce jour de Noël. Tu m'as comblée. Je pars avec en bouche la rigueur de tes poils de barbe givrés.

Oublie-moi vite.

Prends soin de Gypsie

Ton amie Patricia.


Datée du 28 décembre, elle ne me parvint que le cinq de l'année nouvelle. Au téléphone, Josette saccadait ses paroles d'autant de hoquets, reniflait sa morve bruyament.

—Tu veux que je t'envoie ses affaires ?

— Je viens les chercher.


Que deviennent les cristaux de givre lorsque le soleil paraît ?

Ce soir, je compose une musique sur le poème de Cros tiré du coffret de Santal :

Ma belle amie est morte

Et voilà qu'on la porte

En terre ce matin

En soulier de satin

Creuse fossoyeur creuse

À ma belle amoureuse

Un tombeau bien profond

Avec ma place au fond

Puis, je lui dédicace cette autre mélodie en sol mineur :


  Endormons-nous petit chat noir

Voici que j'ai mis l'éteignoir

Sur la chandelle

Tu vas rêver à des oiseaux

À de félins museaux

Moi rêver d'elle.

Tout ça s'est-il passé ainsi pour Patricia ?



FIN













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