Abel

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Assis sur un banc devant le centre commercial, je pianotai sur les touches de mon téléphone. Je passais trop de temps dessus, disaient mes proches, mais qu'y pouvais-je ? J'étais totalement accro ! Je traînais sur les réseaux sociaux, je téléchargeais des applications inutiles, et je jouais à des jeux débiles comme candy crush. Mais au moins, j'aperçus immédiatement le message de Lorélie lorsqu'elle m'informa de son arrivée ! Je levai la tête, essayant de la repérer dans la foule. Nous étions au mois de Janvier, il faisait froid, elle portait donc sûrement son habituelle veste rouge. Lorsque je l'aperçus au loin, je lui fis un signe de la main en me levant. Elle me vit à son tour et, arrivée à ma hauteur, m'attira dans une étreinte. Sourire aux lèvres, je la serrai contre moi en retour.


« Allez, viens vite avec moi, Micromania a dû ouvrir ses portes. » 


Et je partis devant sans aucune autre forme de procès. Du coin de l'oeil, je la vis secouer la tête mais me suivre en se frayant un passage à travers la foule qui se mouvait déjà à toute vitesse. Un samedi, il fallait s'y attendre... Tout en marchant, nous commençâmes à discuter.


« Alors, ton copain vient manger avec nous, c'est bien ça ? »

« Copain... Ça fait un peu ado, tu ne trouves pas ? »

Je haussai les épaules.

« On ne sait plus comment qualifier les couples de toute façon. Compagnon ça fait vieillot, copain trop jeune, petit copain c'est pire... Il n'est pas ton mari, alors je ne vais pas le qualifier comme tel. Tu veux que je dise quoi ? »

« Tu pourrais commencer par l'appeler Julien ! »

« Ça, oui, je pourrais... Mais quoi, tu n'es pas heureuse que ce soit ton copain ? »

« Siiii. C'est l'homme idéal... »

« C'est aussi ton collègue. » lui rappelai-je.


Lorélie travaillait depuis quatre ans en tant que comédienne dans l'art du spectacle. Julien lui avait ouvert des portes en tant que metteur en scène et co-auteur. Il jouait également sur scène, mais je n'avais encore jamais vu une de ses pièces. J'avais promis à Lorélie d'y jeter un coup d’œil... Il fallait que j'y songe !


« Oui, je sais que c'est mon collègue mais je ne vois pas pourquoi ça ne pourrait pas marcher... On parle beaucoup de l'avenir. Je crois que j'ai envie de devenir mère... »

« Attends... Quoi ? » je me figeai. « Mais vous êtes ensemble depuis quoi ? Cinq mois... Je sais que tu le connais depuis plus longtemps que ça, mais... Enfin tu es encore jeune... »

« Oh arrête, Abel ! Je sais que tu as douze ans de plus que moi, que j'ai donc la vie devant moi contrairement à toi, mon p'tit vieux, mais j'ai trente ans... Il est temps que je pense à ce genre de choses. »

« Si tu le dis... »


Je n'étais pas sûr qu'une telle précipitation soit une bonne chose. Avec Lorélie, c'était toujours pareil : elle s'emballait trop vite, et elle ne pouvait jamais rester seule bien longtemps. Il lui fallait toujours quelqu'un... Je ne comprenais pas trop cette nécessité d'être en couple... Cela lui apportait-il quelque chose ? Sûrement, parce qu'elle semblait épanouie. Cela ne m’empêchait pas d'avoir peur pour elle. J'aimais beaucoup Lorélie, et si je n'avais pas été gay, je suppose que j'aurais pu avoir des sentiments à son égard. La vie en avait cependant décidé autrement et je me faisais donc un devoir de la protéger des types qui en voulaient à ses jolis petits seins. Ce Julien m'inspirait confiance, elle m'en avait beaucoup parlé, il semblait sûr et solide mais je voulais malgré tout le rencontrer en personne pour m'en assurer.


Nous passâmes la matinée à faire les boutiques. Je n'aimais pas particulièrement qu'elle m'entraîne faire du shopping, en général je choisissais mes fringues sur internet. Lorélie était cependant une jeune femme élégante qui aimait essayer des pantalons, des chemises ou des robes pendant des heures... Alors, en parfait meilleur ami, je l'accompagnais et essayais d'en profiter pour trouver deux ou trois choses intéressantes.

Pour compenser mon attente, elle me paya un milk-shake à la banane et nous nous dirigeâmes vers le McDo pour attendre son homme qui était en retard. Je la regardai s'impatienter et l'appeler plusieurs fois quand, enfin, il apparut dans notre champ de vision. Il était plus petit que sur les photos qu'elle m'avait montrées, mais il la dépassait de quelques centimètres. Je ne pus m'empêcher de le trouver assez séduisant avec ses cheveux noirs et son regard chaud et profond. Je m'approchai et lui tendis la main.


« Enchanté, je suis Abel ! »

« Le fameux Abel... Moi c'est Julien. »

« Je m'en serais douté, Lorélie n'est pas du genre à sauter au cou de parfaits inconnus, aussi séduisants soient-ils ! »

« Tu me dragues déjà ? »

J'éclatai de rire. Lorélie lui avait sûrement parlé de mes penchants affectifs et sexuels.

« Le moment où je drague le mec de ma meilleure amie pour voir s'il est fidèle, c'est dans environ trois semaines. »

Il me détailla du regard.

« Ok, alors, prévois des fleurs pour le premier rendez-vous. »

J'éclatai de rire face à cette réplique. Je l'aimais bien, finalement... Lorélie saisit sa main et nous allâmes passer commande.

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