I (4/12 (si jamais il y a douze scènes dans cette première partie de ses morts dans ce machin de ses morts qui n'a pas de sens oui la bise cordiale quatre fois sérieux oui))

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– Aaaah !

Le navire commence à chavirer

– Aaaaah !

– Capitaine, on doit changer de cap !

– Non, jamais !

Un bruit de vague fait à la bouche.

– Il y a de l’eau partout dans la cale, capitaine !

– Ecoupez le navire, enfin !

Il y a des gouttes qui tombent sur le sol.

– Ecoupez ? On dit écoper, capitaine !

– Aaaah !

– C’est que ça tangue !

Une petite caisse tombe soudain du navire.

Boum.

– Vous avez entendu ça ?

– C’était quoi ?

– Quelque chose est tombé, non ?

– Je sais pas !

La petite caisse a disparu.

– Allez, tenez les voiles !

– Oui, capitaine !

Un léger souffle fait à la bouche.

– Ah ! Quelle tempête !

– On s’en sortira pas vivants !

Un nouveau souffle.

– Si, matelots ! Tenez les voiles ! On y arrivera bientôt.

– Où ça, capitaine ?

Il ne répond pas.

– Aaaah !

– Quoi ?

– Il y a un rocher droit devant, capitaine !

– Où ça ? Je ne vois pas !

– Là !

Un petit caillou est tenu en l’air.

– Ah ! Je le vois ! Vite ! Je tiens la barre. A bâbord toutes ! Tenez les voiles tendues jusqu’à mon signal. Tournez-les dans le sens du vent !

– Oui, capitaine !

Il bouge le caillou.

– Aaah !

– Le rocher bouge !

– Il est immense !

– Aaaah ! On ne va pas l’éviter !

– Aaaaah !

– Aaaaaaaah !

Le navire percute.

– Aaaah !

– Capitaine !

– Aaaah !

Le navire tombe.

Toute l’eau de la cale se déverse sur le sol.

– Aaaah !

Il n’y a plus que des cris sur le navire.

– Aaaah !

Le navire est percé en deux par le caillou.

– Aaaah !

Tout tombe.

– Aaa

Le téléphone se met à sonner.

Driiing !

Imparfait pose le navire et le caillou sur le sol, se lève et sort de la chambre.

Driiing !

Il sort dans le couloir.

Driiing !

C’est toujours lui.

Driiing !

Imparfait avance rapidement dans les couloirs.

Driiing !

Vite…

Driiing !

Mais que les couloirs sont longs…

Driiing !

Imparfait commence à courir.

Driiing !

Vite…

Driiing !

Plus rien.

C’est la messagerie qu’on entend.

LA MESSAGERIE – Allô ? Allô ? Je ne sais pas si on m’entend… Bon… Je vais laisser un message, ce n’est pas bien grave. C’est le professeur Patibus, je voulais vous parler. Mais bon… ce n’est pas bien grave, je vais laisser un message, c’était pour vous parler. Après… après, ça n’est pas très utile, mais ça, c’est normal. Je voulais revenir sur ce qu’on disait avant, l’autre jour. On parlait ce qu’on pouvait savoir ou pas. C’était intéressant, hein, je ne dis pas le contraire… Vous vouliez savoir ce que je faisais. Bon… C’est un peu compliqué, vous savez ? Moi, tout ce que je sais, c’est que je ne sais pas grand-chose. C’est mon école, hein, le monde n’a que des exceptions et la règle est une exception à l’exception. Je suis professeur – un scientifique, si vous voulez – et l’exception, c’est mon domaine. C’est la seule chose qui constitue notre monde, de la première respiration d’un bébé aux grandes théories économiques de notre pays, tout n’est qu’une exception. La règle souhaite englober ce qui n’est pas englobable. Tout ce qui n’est pas exception, tout, est vide, large, creux, insensé. Nous, nous aussi, les hommes, on est dans le monde comme des exceptions. On est insignifiants dans l’idée d’un tout, mais pleinement sensés dans l’idée d’un rien. Après, vous me direz ça, sans doute, quelle importance ? Oui, en termes pataphysiciens, on s’en bat les couilles.

Mes recherches continuent, comme toujours. Je cherche, je cherche, encore, encore. Peut-être que je trouverai quelque chose. Je vous en ai parlé, déjà. J’aimerais trouver du sens dans l’insignifiant. Je suis convaincu que ce qui me procure le plus de certitude, c’est l’insignifiant, ce qu’on ne sait pas. Ce que je ne sais pas, ce que je ne saurai, ce dont je n’ai pas les moyens de savoir, je suis certain de ne pas savoir, parce que pour le reste, je ne suis pas certain de savoir. Je pourrais affirmer n’importe quoi que ce serait faux, non juste et incertain.

Ça avance, je crois. J’ai passé ma semaine dessus. Je me suis beaucoup fondé sur votre maison, d’ailleurs, c’était intéressant. On en reparlera si vous voulez.

Le ciel est beau, ce soir. Le soleil vient de se coucher. Je tenais à le signaler parce que ce n’est pas souvent que je trouve les choses belles. Je suis sinistre tout le temps, sinon.

Bref.

J’ai croisé votre mère, tout à l’heure. Elle ne va pas très bien. Vous devriez la soigner rapidement. Ou qu’elle repasse me voir.

Bref.

Bonne soirée.


Imparfait est là à écouter la messagerie, au pied de la porte du salon, les yeux fixés sur le téléphone. Il ne dit rien. Ses pieds sont collés sur le parquet doré, il n’arrive pas à bouger. Ses yeux sont grand ouverts.

Le vent commence à souffler et on entend un claquement de porte vif. Imparfait met un pied en avant.

IMPARFAIT – Oscar ? Oscar, c’est toi ?


Pas de réponse. Le vent souffle toujours un peu plus fort.


IMPARFAIT – Oscar ?


Rien.


Juste du vent.

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