Chapitre V

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Un peu à l'écart du sentier gravillonné, prostrée dans l'obscurité, une jeune femme sanglote avachie sur l'herbe humide, derrière un bosquet végétal, là où l'homme l'a emmenée de force. Elle est perdue, choquée par l'agression qu'elle vient de subir. Elle tente de reprendre ses esprits mais pour l'heure elle a besoin de réaliser ce qui vient de lui arriver. Elle tremble encore. Les larmes sont aux bords de ses paupières mais elles n'arrivent pas réellement à s'échapper. Elle sent toujours la terrible froideur de la lame qui était posée tout contre sa gorge et qui a failli lui retirer la vie et elle a maintenant conscience que dans son malheur, elle a eu de la chance, beaucoup de chance. Là, derrière cette végétation luxuriante, il aurait pu l'égorger. Il s'est contenté de lui voler son intimité.

- °° -

Sylvie marchait rapidement. Ses pas légers crissaient sur le gravier. A mi-parcours, entre deux lampadaires, là où la clarté artificielle se fait la plus ténue, elle a entendu derrière elle un bruit de pas précipités. Son cœur s'est emballé d'un coup. Elle a crié et une main est venue se plaquer brutalement sur sa bouche. Elle a essayé de se débattre, de mordre et la lame d'un couteau est venue se poser sur sa gorge.

- Si tu cries, tu es morte.

- Si tu bouges, tu es morte

- Si tu ne te laisses pas faire, tu es morte aussi.

- Tu comprends ?

Sylvie est tétanisée. Cette voix grave et en même temps mal assurée, cette haleine nauséabonde, ce corps qui plaqué derrière elle, la retient prisonnière de tout mouvement.

- Tu comprends ? répète l'inconnu.

Et pour témoigner sa détermination, le tranchant de la lame argentée glisse légèrement sur la gorge de la jeune femme et la douleur la saisit instantanément. Sylvie acquiesce d'un mouvement de tête. Elle n'a pas le choix et de toute façon, elle est incapable de prononcer le moindre mot. Son cœur bat à tout rompre. Elle sent contre son jean le désir pesant de son agresseur. Elle mémorise sans même s'en rendre compte son odeur, sa voix, ses gestes. Elle a compris. Elle sait maintenant qu'il va lui voler sa virginité. Elle sait aussi qu'avec le couteau sous la gorge, elle ne sera pas en mesure de s'y opposer.

Il l'entraîne hors du sentier, pas très loin, derrière des buissons hauts et touffus. Dans un coin, sur l'herbe tondue, un pantalon kaki, un slip blanc et une sacoche marron claire.

La main qui l'empêchait de crier se fait moins pressante. Elle libère prudemment les lèvres de la jeune femme et en même temps la lame appuie un peu plus sur la gorge déjà sanguinolente. La main passe sous le sweat, agrippe le soutien-gorge et l'arrache d'un geste brutal. Sylvie hurle de douleur.

- Si tu continues, je te tue. Compris ?

Le silence reprend loi et les doigts pervers et impatients viennent prendre possession de sa poitrine sans ménagement. Dans son dos, le souffle s'accélère et l'odeur fétide de cette haleine l'écœure de plus en plus. Elle a un haut le cœur et la lame s'enfonce un peu plus sur sa gorge. Elle a mal. Elle a peur mais surprenamment elle ne panique pas. Tous ses sens sont en éveil, cherchant la moindre faille dans cette agression sournoise. Pour autant, sans solution, résignée, elle se soumet à la violence cruelle de cet inconnu qui s'excite sur sa poitrine dénudée. La main ne s'attarde pas. Elle descend à la ceinture du jean et force le passage pour aller cueillir l'objet de sa convoitise. Le bouton saute et la fermeture éclair ne résiste guère mieux. Le jean tombe sur les baskets. La main inquisitrice investit le terrain dégagé et court fébrilement sur le pubis, sur les fesses, cherchant à assouvir les pulsions les plus primaires. Elle se saisit du bord de la culotte et la déchire avec la même brutalité que le soutien-gorge, arrachant un nouveau cri de douleur.

- Ta gueule, sinon ...

La main de l'homme se pose sur son intimité. Sylvie sent maintenant le sexe tendu et humide s'agiter contre ses fesses. Stoïque, elle attend le moment fatidique ou l'inconnu prendra possession de son corps. Et ça ne tarde pas. Une douleur fulgurante envahit son bas ventre pendant que les chairs violentées, tétanisées, contractées au possible freinent au maximum la pénétration. Trop excité, le souffle de plus en plus court, l'homme pousse rapidement un grognement d'extase en libérant sa jouissance.

Sylvie comprend que c'est fini et une peur panique envahit maintenant son esprit. Sa vie ne tient qu'à la lame de ce couteau qui est toujours appuyée sur sa gorge. Elle comprend que rien n'est encore joué, qu'un simple mouvement pourrait mettre fin à son existence dans des conditions d'une extrême atrocité. Elle arrive à bafouiller quelques mots.

- Laissez-moi. Vous me faites mal !

L'homme pris de court relâche la pression de son couteau.

- Si tu cries, je te plante. Tu as compris ?

Sylvie acquiesce et la lame se fait moins pressante. Le violeur lâche sa victime et Sylvie se retourne. Pour la première fois depuis le début de l'agression elle se trouve confrontée à cet inconnu, face à face, les yeux sur ses yeux gris peu fiers, honteux peut-être, rouges d'agressivité.

Européen, le teint basané, les cheveux noirs, un nez légèrement écrasé, une joue marquée, pas très grand mais costaud avec un peu d'embonpoint, l'homme la regarde avec un dédain méprisant. Il s'éloigne pour retrouver les vêtements qu'il a retirés avant de les enfiler calmement.

Même si pour elle, l'agression a duré toute une éternité, il s'est à peine écoulé plus de dix minutes. Sylvie le regarde faire en silence en relevant son jean. Elle n'arrive pas à détacher son regard de cet individu si commun, si banal, même pas moche, un bon père de famille qu'elle aurait pu croiser dans la rue sans même imaginer une seule seconde que derrière, se cache un violeur en série.

Avant de s'éloigner tranquillement, la sacoche en bandoulière, l'homme lui lance sur un ton menaçant :

- Si tu parles, je te retrouverai. Je sais que tu passes ici tous les jours, deux fois par jour même. A bon entendeur...

Sylvie s'effondre, effarée, atterrée, terrorisée mais soulagée d'être encore en vie. Elle hésite maintenant sur la posture à prendre ; rentrer chez elle et nettoyer au plus vite ce corps meurtri, douloureux et insupportablement souillé ou prendre la direction de l'hôpital où elle sait qu'elle ne pourra pas échapper aux questionnements du personnel. Indécise, elle porte sa main à sa gorge qui la picote de plus en plus et le sang s'étale sur ses doigts. Elle regarde sa main toute rouge. Elle se relève et récupère ses sous-vêtements déchirés pour prendre la meilleure décision qui soit.

Sylvie ne le sait pas encore mais pour elle, plus rien ne sera jamais comme avant.

- °° -

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