La marge rouge

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Vautré dans les bras de la douce chaleur du fond de classe, ça fleurait bon l’encre, et le bois ciré.

Bercée par la voix monotone d’un maître d’école sincère.

Moi, l’obscur que chaque mot d’une phrase faisait trembler d’effrois.

Chaque effort se brisant sur le zéro en dictée, d’un rouge rageur, écrit, là dans la marge.

j’ai souvent rêvé, quand tonnait ma note creuse en grammaire, observant le sourire triomphant des premiers de la classe, d’écrire cela, toujours dans la marge.



Compte pas petit frère, tes zéros dans la marge.

L’orthographe, vois–tu, est la science des cons.

La gram celle des grands, la syntaxe j’m'en tape.

Ta prose syncope, il n’y a qu’ça qui compte.

Comme dit mon frère en chemis'noire

Un poète qui cherche ses pieds sur ses doigts, est un comptable.

Entends–tu ? Un comptable !


Au maniaque du stylo rouge, au pervers de la note,

je bombe en noir sur les murs de ta piaule, des S et mille accents circonflex.

Pour t’faire bander, j’irai te cracher du subjonctif.

Pour peu que tu fusses encore en état de l’entendre.

Car, comprends–tu ?

Tu n’es qu’un comptable.

Tes rêves sont aussi secs, que ton cartable.

Ta pensée aussi raide, que la barre que je porte à la pogne.

Parce que, vois – tu, des vers comme toi, ça ne rime pas, ça rampe,

Ça s’abîme,

ça s’déchire,

ça s’cogne.

Tu vas me dire à moi ? Comment je m’exprime ?

Mais j’hallucine !

Sombre crétin !

Ma prose se gueule,

elle se « phonétise »,

elle se SMS,

Elle se tague.


Tu ne liras rien, rimailleurs !

Et personne ! Entends–tu ? Comptable de mes fesses,

ne me dira, qui de nous deux est l’meilleur.

Qui de nous deux, témoigne mieux,

d’la rage et la haine,

de l’amour, ses revers,

d’la rue, sa misère.

Ton alexandrin à cent balles ou mon RAP sur la scène ?


Car, entends–tu ?

Tu n’es qu’un comptable !

Range ton encre et ta plume dans l’cul.

Lach'moi avec ton BLED, laisse–moi dans la rue.

Dénicheur de pépites, auréolé de rimes,

cocarde pourpre, sur ta blanche chemise,

avatar barbichu monté sur ressort

tu choisiras ton élite en thème fort,

Des fictions pour paquets de lessive,

pour laver plus blanc nos quartiers et leur noir réalisme,

affichant ta science en fiction.

He ! comptable !

Entends–tu ?

Pour taguer, nous choisirons ton mur,

et ton hall, à noyer de mictions.


Du fond des classes, j’ai trouvé des amis, des vrais ! Pas de ceux qui toisaient mon blouson, sa marque, et les options de la tire à mon père. J’y ai côtoyé des cancres volontaires, du genre 10/10 en dictée, mais zéro en récitation ou en résumé d’histoire. Le temps passant j’y ai rencontré ceux qui bossaient par passion, par vocations. Pas ceux qui ingurgitaient, à en vomir, des cours à la virgule prés, pour devenir des machines à concours. Des abrutis obtus que je croise parfois, cravatés et raides, comptabilisant les honneurs.



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