II. Un soir de Novembre

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Idéal

  • Je suis devant chez toi.
  • Sors le tapis rouge, j’arrive.

J'ai souri et remis mon téléphone dans la poche. Garé à l’adresse qu’elle m’avait indiquée quelques jours auparavant, je l'attendais dans ma voiture. Cela faisait des semaines que je lui demandais de me rencontrer et qu’elle le refusait. Elle n’était pas à l’aise à l’idée de rencontrer un inconnu. Tu parles. Je regardais par la fenêtre cette grande résidence, essayant d’imaginer à quoi son appartement pouvait bien ressembler. En réalité, je le savais déjà. Elle faisait partie de ces gens qui publient des photos de leur quotidien sur la toile. C’est là d’ailleurs que nous nous sommes rencontrés, dans ce lieu impalpable qu’est internet. D’après ses photos, je savais à quoi ressemblait sa déco, quelles fringues elle aimait et avec qui elle sortait. Je la connaissais déjà presque par cœur. Facile.

Elle a fini par accepter notre rendez-vous galant, râlant que je le nomme comme tel.

Sous un long manteau rouge, elle évitait les flaques d’eau que la pluie avait formées comme pour ne pas abîmer ses talons aiguilles tout droit venus de l’âge d’or. Elle lévitait. La scène ne semblait ni d’ici, ni de maintenant. Je me suis demandé si je n’étais pas habillé trop simplement pour elle, repensant à la chemise blanche que j’avais failli mettre ce soir. Et merde. Elle marchait d’un pas assuré, le croyait-elle, mais le regard fuyait. C’était une fille abîmée qui ne voulait pas que ça se sache. Raté. Je l’ai vu. J’ai tout de suite reconnu ce regard fuyant, celui que cachent beaucoup de dames derrière des couches de mascara qui promettent toujours plus de volume, plus de longueur mais pas plus d'assurance. J’avais l’habitude de faire des rencontres, les femmes ne me faisaient pas peur. Si je n’avais pas peur de les séduire — c’était devenu facile pour moi de le faire — , je n’avais pas peur non plus de les aimer réellement. J’ai aimé toutes les femmes de ma vie, toutes d’une manière différente, toutes très fort. Assez fort pour en faire mes muses, d'ailleurs. J’écrivais leurs traits, leurs formes, leurs goûts, leurs rires et leurs odeurs. J’écrivais notre quotidien, l’amour que je leur portais et l’amour que je leur faisais. Pour une raison que j’ignore, les femmes séduites se lassaient toujours de moi après quelques semaines, me laissant seul avec ma séduction tant travaillée et toutes mes déclarations sous le stylo.

Elle a ouvert la porte et son parfum à la vanille a embaumé ma voiture. Je déteste les parfums sucrés. Raté. Elle avait attaché ses cheveux dans un chignon défait, ne me laissant aucun indice s’il était le fruit de plusieurs heures de préparation ou s’il avait juste été défait par la course folle de sa journée. J'ai pensé un bref instant au moment où je lui ferais défaire son chignon. Tu vas le défaire pour moi, je le sais. Elle s’est assise et m'a souri avant même ma première blague ; ses yeux riaient et deux fossettes se dessinaient. J’ai tout de suite su que je ferais tout pour les voir de nouveau. J’aurais voulu photographier ce sourire, l’imprimer, le graver, le tatouer et que plus jamais il ne me quitte. Non, moi je n’avais pas peur d’aimer.

— Alors, où allons-nous, mademoiselle ?

— Et si l’on se faisait une partie de bowling ?

— Tu sais que tu devras enlever tes talons aiguilles pour aller sur la piste ?

Elle a levé un sourcil, pour me défier.

— Je suis prête à prendre le risque.

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