Chapitre XVII.2

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Prudemment, ils s’avancèrent entre les immeubles déchus. Ils n’avaient vu aucun autre humain pour le moment, et ils décidèrent d’explorer ce qu’était devenue la ville à la recherche de leurs congénères.

Il y avait des arbres à chaque coin de rue ; et ce n’étaient pas de petits arbustes, loin de là : ils étaient immenses, plusieurs familles d’animaux s’abritaient entre leurs branches et y élevaient leurs petits, tandis que d’autres patrouillaient aux alentours. Imalbo leur expliqua que ces arbres, comme presque toutes les plantes créées par l’immeuble, croissaient à une vitesse considérable, car ils étaient capables d’utiliser l’énergie sous toutes ses formes pour se développer : l’énergie solaire par la classique photosynthèse, mais aussi l’énergie électrique disponible à profusion parmi les ruines, et même m’énergie thermique, ce qui faisait que les bombardements du Réseau fortifiaient les arbres qu’ils ne détruisaient pas, ils creusaient des trous dans la forêt aussitôt bouchés par la croissance des arbres des alentours. De temps en temps, quelques robots montraient leurs nez et tentaient d’enflammer les feuilles de leurs lasers ; mais ils étaient rapidement mis en pièces, avant de pouvoir causer des dégâts de quelque importance. D’ailleurs, les arbres qui prenaient feu semblaient souvent capables de se protéger eux-mêmes : leurs feuilles se gorgeaient rapidement d’eau avant d’éclater sous la chaleur, et le bois des branches brûlait si mal que les flammes n’avaient jamais qu’une vie très éphémère.

En fait, la forêt ne recouvrait pas toute la ville : elle n’occupait que certains quartiers, se contentant de quelques « avant-postes » dans les autres. Mais quand elle prenait possession d’un territoire, c’était totalement : après que les animaux eurent rasé les immeubles et toutes les constructions humaines, les arbres s’installaient entre les ruines et formaient une végétation dense, touffue, et si inextricablement serrée que les quartiers ainsi transformés devenaient de véritables bastions organiques au sein desquels nul robot ne pourrait jamais accéder.

Par contre, une bonne partie de la ville restait encore entre les mains du Réseau, et c’était là que les humains étaient regroupés. La plupart des immeubles étaient encore debout, évidemment : le but des animaux n’était pas de priver les hommes de logements, et les seuls bâtiments abattus étaient ceux qui servaient à des projets du Réseau trop dangereux pour subsister, ou à l’organisation des forces des robots.

Mais même dans ces quartiers, on n’observait aucune agitation venant des Citoyens. A l’intérieur des immeubles, il y avait de la lumière, et de temps en temps de petits groupes sortaient au-dehors ; mais ils ne restaient jamais longtemps, et ils semblaient mornes, fatigués.

« Ce n’est pas normal, dit Imalbo. Du fait des dégâts causés à la Société par les animaux, beaucoup d’humains devraient se retrouver sans travail, et dans l’impossibilité de suivre la vie stricte du Réseau. Leur nouvelle situation ne devrait aucunement les importuner : ils doivent maintenant savoir qu’ils ne courent aucun danger, pourquoi ne profitent-ils pas du changement ?

— Je ne pense pas que le Réseau accepte aussi facilement de les laisser libres, répondit Io. A mon avis, il leur a vite trouvé de nouvelles occupations. Il faut se renseigner.

— Mais soyons prudent, conseilla Féhna. On n’acceptera peut-être pas facilement notre venue. »

Beaucoup de bâtiments étaient complètement barricadés, et il était impossible d’y entrer. Par contre, les endroits occupés par un nombre suffisant d’individus étaient moiins protégés : on savait sans doute que les animaux ne s’approchaient pas trop des humains, et ne se battaient que très rarement quand il y en avait à proximité. Ainsi, les trois arrivants purent facilement passer par une grande porte vitrée derrière laquelle beaucoup de leurs congénères semblaient s’être réunis. Par prudence, ils firent signe à Kryël de rester dehors ; et Imalbo décida d’attendre avec lui, conscient que les cornes qui lui sortaient des tempes pourraient ne pas être conformes aux règles de bienséance en vigueur.

Ils se retrouvèrent dans le grand hall d’un immeuble de télévision. La salle, plus ou moins circulaire, était pleine ; mais les gens qui discutaient ici, la plupart debout et les autres assis sur des bancs répartis un peu partout, n’attendaient nullement de pouvoir pénétrer dans les étages. Pourtant, c’était là généralement la fonction des halls des immeubles de travail : une salle d’attente et de contrôle. Tandis qu’ici, les gens se contentaient d’être présents et, pour ceux qui ne pouvaient regarder les télés, car il y avait trop de monde, de meubler le temps en échangeant des paroles creuses sans rapport aucun avec l’inquiétante réalité du moment.

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