Chapitre XIV.2

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Pendant tout le mois où ils étaient restés enfermés dans leur immeuble, Io et Imalbo avaient beaucoup réfléchi : ils n’avaient que cela à faire, et avec les fragments d’information arrachés au Réseau, si maigres soient-ils, il y avait tout de même de quoi penser. Et bien qu’ils n’aient pas suffisamment de données pour pouvoir établir quelque chose de précis, ils s’étaient rendus compte à quel point les plans du Réseau commençaient à prendre de l’ampleur. Selon eux, le Réseau avait l’intention d’assouvir totalement la population humaine, grâce notamment au Projet Contrôle. Il leur semblait qu’il ne l’anéantirait pas, du moins pas totalement, mais ils ne savaient pas ce qu’il comptait en faire. En tout cas, une fois cette population matée, le Réseau allait se déployer dans l’espace, et peut-être justement grâce aux humains. Car il apparaissait que certains hommes avaient déjà conquis d’autres planètes, et établi d’autres colonies un peu partout dans le système solaire. Seulement, ils avaient réussi à rester coupés du Réseau, en utilisant des systèmes informatiques beaucoup plus locaux, et bien moins indépendants. Ils étaient en outre parvenus à enfermer la Terre dans une sorte d’enveloppe protectrice, la coupant du reste de l'Univers, bloquant toute communication et tout échange possible, matériel ou virtuel. Nul n’avait jamais ainsi entendu parler de ces colonies, nul n’avait jamais imaginé que l’espace était déjà habité ; sans le Réseau, ils devaient connaître de beaux jours, là-haut. Jusqu’à ce que le Réseau terrestre brise le cocon qui l’enferme, s’empare de leurs systèmes informatiques (sans doute avait-il besoin des humains, autrement dit du monde matériel, pour rejoindre les mondes colonisés), et soumette les populations extra-terrestres. Si jamais il accomplissait ses plans, il règnerait en maître sur tout le système solaire, avant de viser des conquêtes plus grandes.

« Si les hommes de l’espace sont suffisamment forts pour avoir réussi à confiner le Réseau sur la Terre, peut-être pourront-ils nous aider si nous parvenons à les contacter, remarqua Io.

— Qui sait ? Pour savoir, il faudra attendre.

— Mais moi je ne peux pas attendre sans Féhna. »

Enfin ils atteignirent les limites de l’immense ville et entrèrent dans la périphérie. Le groupe déboucha bientôt dans la cour de l’immeuble du Projet Contrôle ; Io et Imalbo sautèrent de leurs montures, car celles-ci n’aimaient pas qu’ils se servent de leurs armes, et surtout pas quand ils étaient sur leurs dos. Les deux humains endormirent les gardes, bien plus nombreux qu’avant, pendant que les animaux se ruaient sur les robots qui avaient surgi d’un peu partout. Un impitoyable combat s’ensuivit, et Io profita de la confusion pour attirer Imalbo à l’intérieur, suivi de Kryël et de quatre tigres au corps recouvert d’écailles.

A l’intérieur, il y avait moins de gardes vivants, eux semblant s’être réunis à l’extérieur. Par contre, les robots de sécurité étaient partout, et les tigres s’en donnèrent à cœur joie, déchiquetant les corps de métal que Io paralysait quelques instants avec son pistolet.

« Vu l’heure qu’il est, on a plus de chances de la trouver à la cantine, ou dans les quartiers de détente, cria Imalbo. Tu penses pouvoir trouver ça ?

— On verra bien, répondit Io. Suis-moi ! »

Ils avançaient avec une efficacité redoutable, et les quatre tigres n’y étaient pas pour rien : ils étaient parfaitement coordonnés, et savaient à merveille profiter de la couverture que leur offraient les humains avec leurs armes à énergie. De plus, la peau écailleuse des fauves les rendait insensibles aux tirs des petits robots, si bien qu’ils n’eurent à se soucier véritablement que de quelques machines de guerre atterries ici on ne savait comment, machines qu’ils parvinrent cependant à mettre définitivement hors service, une fois que Kryël eut coupé quelques câbles de ses dents affûtées, à peine aidés par leurs alliés.

Puis ils arrivèrent dans la grande cantine du bâtiment.

Elle n’était pas pleine : ils étaient tous regroupés au même endroit, dans la partie gauche de la salle. Pendant que les tigres se jetaient avec Kryël sur les quelques robots présents, Io aperçut Féhna parmi un groupe de travailleurs qui venait de se lever et s’apprêtait à partir. Son cœur ne fit qu’un bond. Elle était vêtue de noir, comme au premier jour, et regardait son arrivée d’un œil curieux, mais non plus effrayé.

« Vous ? s’écria-t-elle. Le Réseau ne vous avait pas rattrapé ?

— Non, et c’est bien moi, Féhna…

— Féhna ? Cela fait bien longtemps qu’on ne m’avait appelée ainsi… Cela ne fait pas le même effet qu’un numéro. Est-ce mieux ? Mais alors, vous, 21, comment-vous appelez-vous ?

— Je m’appelle Io. Il n’y a d’ailleurs plus de 21. »

Les gens autour d’eux les regardaient parler, et ceux qui étaient attablés s’étaient levés, la plupart plutôt terrorisés par les fauves et cet étrange homme en armure, ce rejet de la Société que tous avaient appris à haïr et à mépriser. Cependant, il ne correspondait pas à la description qu’on leur en avait faite, pas tout à fait, et tous regardaient profondément intrigués.

« Je vous ai déjà dit que je vous aimais, Féhna, et comment vous représentiez tout à mes yeux. Je n’y reviendrai donc pas. Mais le monde va changer, Féhna. Le Réseau va être détruit.

— Mais pourquoi ? Que vous a-t-il fait ?

— Plutôt ce qu’il nous a fait. A tous. Le Réseau nous a menti, depuis le début. »

La foule autour d’eux se rapprocha, certains oubliant leur peur pour se laisser guider par leur curiosité, sentant inconsciemment que des choses cruciales leur seraient révélées, même s’ils se refuseraient à y croire.

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