Chapitre V.4

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L’ange prit son essor, puis s’envola avec une vitesse inimaginable. Mais pendant son trajet vers Médusa, si court fut-il, c’était comme s’il était filtré par les airs : seuls son essence et ce dont il avait à tout prix besoin purent l’accompagner ; quantités d’informations, de pensées le quittèrent en chemin, et quand l’ange parvint à destination il se sentit diminué, affaibli. Mais la taille colossale des épreuves qui l’attendaient, loin de l’abattre, lui redonnèrent courage et, une fois à l’intérieur de Médusa, il prit à peine le temps de souffler que déjà, il plongeait en territoire ennemi, bien décidé à se frayer par tous les moyens possibles un chemin vers le Réseau et les informations qu’il recelait.

Les systèmes informatiques auxquels l’ange s’attaquait étaient bien défendus : les territoires virtuels de son petit frère étaient protégés par d’impressionnantes barrières, dures et inflexibles, qu’il ne pouvait contourner d’aucune façon, aussi haut parvenait-il à voler. Mais l’ange n’avait pas de temps à perdre : il s’étira, s’amincit, perdant peu à peu toute substance pour devenir une sorte de brume nuageuse d’une blancheur immaculée, qui passa aux travers des barrières, contournant les barreaux, les enserrant. Puis la brume, et avec elle l’esprit de l’ange, s’infiltra à l’intérieur même de toutes ces protections, et en se re-matérialisant elle les fit éclater de toutes part, implosant le métal alors que l’ange se reconstituait et entrait majestueusement dans la gueule du loup.

L’immeuble venait de pénétrer physiquement dans les ordinateurs de son petit frère, il venait de forcer la connexion grâce à Médusa. Mais les protections physiques des ordinateurs n’étaient rien contre leurs défenses virtuelles, et de nombreux « programmes de police » chercheraient à l’exclure avant même qu’il puisse atteindre leur chef.


L’ange se trouvait dans une vaste plaine. Non pas une verte plaine d’herbe, évidemment, mais une étendue sans fin de connexions, de fils et de câbles, de réseaux enchevêtrés si étroitement qu’ils semblaient tisser un fin tapis de toutes les couleurs que pouvait prendre le métal, au-dessus duquel l’ange voletait en surplace. Il observait l’autre bout de la plaine, mais il était si éloigné qu’il ne put distinguer qu’une vague forme lumineuse d’où émanaient des éclairs dans toutes les directions. Et, entre l’ange et cette lointaine silhouette, il y avait une armée qui courait vers lui.

« Les sécurités internes de l’ordinateur », pensa l’ange. Il voyait une armée de démons écarlates, aux cornes scintillantes sous la lumière. Des cornes luisantes de métal pour des démons de métal : c’étaient des robots qui avait pris forme démoniaque afin de mieux l’accueillir.

L’ange comprit soudain : la forme qu’il apercevait au loin, c’était son petit frère. Mais ce dernier ne lui accordait pas la moindre attention, car il était trop occupé à concentrer son énergie destructrice pour en frapper Io qui se terrait dans un coin, en dehors de ce monde virtuel. L’armée de démons n’était absolument pas dirigée par l’immeuble auquel elle obéissait : elle se ruait vers tout intrus par pur automatisme. Et l’ange allait devoir forcer ces rangs sans tarder s’il voulait capter l’attention de son petit frère pour tenter de sauver l’humain.

Alors il fixa son avant-bras de ses yeux angéliques, se concentra dessus jusqu’à ce qu’il se soit changé en une imposante épée capable de trancher l’acier le plus dur, et se précipita dans la bataille.

Les robots-démons attaquèrent par tous les moyens dont ils disposaient : ils tentèrent d’embrocher l’ange avec leurs cornes effilées, de le déchirer de leurs griffes et de leurs crocs, de le piétiner de leurs pattes énormes… Mais si l’ange ne possédait certes qu’une partie de la conscience de l’immeuble, s’il lui manquait effectivement quantité d’informations et de pensées, il avait par contre toutes ses forces pour faire face à l’ennemi. Aussi vif que pouvait l’être une créature imaginaire, soit autant qu’il était possible de le penser, voire plus, il leva son bras pour trancher les têtes de métal. Il se servait de son épée pour parer les puissants coups de cornes et pour repousser les assaillants avant de les taillader proprement. Il tranchait à même le métal, évitant les coups qui pleuvaient de partout, et décimait l’ennemi avec une aisance évidente. Il était sûr de sa victoire... jusqu’à ce que les robots l’eurent suffisamment observé pour muter. Dans la plaine virtuelle se retrouvèrent alors quantité d’anges côte à côte, chacun doté d’un avant-bras terminé par une effrayante épée. Seulement, il y en avait un qui était la cible de tous les autres. Et celui-ci faillit bien être pris au dépourvu en se voyant ainsi reflété par ses ennemis : un coup violent, qui avait semblé venir de partout à la fois, lui entailla profondément le bras gauche.

Mais ensuite il perçut la faiblesse de ses adversaires : ils n’étaient que des copies, ils se contentaient de singer ses propres mouvements. C’était diablement efficace et dangereux, mais le véritable ange savait qu’il pouvait les contrer, et ce par une inventivité sans relâche. Malgré sa blessure, il se mit à faire décrire des mouvements frénétiques à son bras-épée, totalement désordonnés aux yeux de ses adversaires, mais qui ne les faisaient pas moins tomber un à un, puis par groupes entiers, leur ennemi inventant sans cesse de nouvelles parades qui les empêchaient de l’atteindre, et de nouvelles bottes qui leur lacéraient le corps. Et bientôt il n’y eut plus qu’un seul ange, victorieux de toute contrefaçon.

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