Le Vieux de la Brune

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 Dans mon petit village, fort de ses quatre-cent-vingt âmes, il existe une histoire étonnante. Tout le monde ici la connait, et pourtant jamais personne n'en parle. Mais par tous les saints du monde, il n'y a pas mythe plus vrai que celui que je m'apprête à raconter. Car si l'histoire du Vieux de la Brune ne vous est pas connue, je vous assure que mes mots ne traduisent rien de plus que la vérité.

 On raconte que Forêt-Brune, un bois non loin de ma maison, abrite un esprit. J'aurais volontiers conté mon histoire depuis le début, mais la trace la plus ancienne qu'on ait trouvé d'elle remonte au seizième siècle. Le grand-père de mon grand-père n'avait pas encore mis un pied en ce monde que le Vieux hantait déjà les lieux.

 De nombreuses personnes pensent qu'il est le fondateur du village, le premier homme à avoir posé son sac ici pour y rester. Nous pouvons aisément l'accepter sans pour autant le prouver : l'homme était illetré et il n'existe aucune archive datant d'avant 1791. Un soir d'automne, mon père m'avait raconté ce que son père lui avait raconté :

— Le Vieux de la Brune est malfaisant. Quand quelqu'un s'aventure dans sa forêt, il le maudit. Si le Vieux te voit, cours et n'écoute pas ce qu'il raconte ! C'est un sorcier qui vole la vie des gens pour être immortel !

 Lorsque j'étais jeune, j'avais de la bravoure à revendre. Je n'ai pas attendu longtemps avant de m'aventurer dans la Brune. Et oui, j'y ai découvert un homme. Il était barbu, sale et dormait au creux des racines d'un chêne. Et il était vieux, oh ça oui ! Il avait de nombreuses rides au coin des yeux, de longs cheveux blancs au dessus des oreilles et il tremblait comme un fou. En le voyant, prostré dans son cocon de bois, je n'ai pas pu retenir un cri de surprise. Le Vieux m'a trouvé en une seconde, s'est levé et s'est mis à courir vers moi. La peur que j'ai eu ! Je me suis enfui aussi vite que possible, et encore aujourd'hui, je l'entends hurler quand je cauchemarde.

Je ne suis pas encore mort ! Vous n'aurez jamais la peau du Vieux Henry !

 Quelques années après, un article est passé dans le journal à propos de la Brune. Le corps d'un sans-abri avait été retrouvé par des randonneurs. Il vivait sous un chêne déraciné, se nourissait de légumes qu'il avait planté lui-même. Henry Salvin, selon la rubrique nécrologique, était porté disparu depuis plus de quarante ans. Triste histoire...

 Enfin. Les habitants ont fini par admettre que l'homme était le véritable Vieux de la Brune. J'ai longtemps exploré les recoins de la forêt après cela, sans dénicher le moindre vieillard perdu ni le moindre sorcier pluriséculaire. Même si ses mots résonnent encore dans mon esprit, Henry Salvin est devenu malgré lui une légende locale.

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