La Création du Monde

5 minutes de lecture

Avant le début, comme toujours, il n'y avait rien. Personne ne sait comment Il naquit à partir de rien, pas même Lui. Un bébé ne peut savoir par lui-même d'où il est né, ni comment. C'est sa mère qui plus tard lui apprendra et lui transmettra bien d'autres savoirs. Sa mère à Lui, s'Il en eût eu une, ne Lui a jamais rien dit. Ce qui s'est passé avant qu'Il ne prenne conscience de Lui-même nous est caché et peut-être vaut-il mieux qu'il en soit ainsi. Mais ceci est avant le début et ce qui se passe avant le début d'une histoire ne peut avoir une grande importance. C'est d'ailleurs pour cela que l'histoire racontée ici commence au début. Au tout début. Au début de tout...

Ses doigts se mirent à bouger. Il prit conscience de Son mouvement et c'est comme cela que l'espace et le temps dans lesquels toute chose existe furent créés. Mais Ses doigts bougeaient encore au hasard car Il ne pouvait comprendre ce qu’Il faisait. Et c'est ainsi que les choses dans l'espace se fracassaient les unes contre les autres. Destruction des corps se jetant sur les obstacles, frémissements de la matière, frissons et ivresse provoqués par les frôlements. Le chaos était créé par Ses mouvements désordonnés et incontrôlés.

Puis il apprit à contrôler les déplacements des choses avec Ses mains et du chaos originel Sa conscience commença à prendre forme. Et lorsque Sa voix donna la parole aux choses alors par le mouvement et la parole, il vécut de grandes aventures. Au bout d'un temps qu'Il ne saurait compter, ses aventures au milieu des choses finirent par le lasser et il chercha alors à aller plus vite, plus fort. Ses doigts bougeaient de plus en plus vite. Sa voix porta de plus en plus fort. Et de la vitesse de Ses doigts apparut la lumière et toutes les couleurs qui la composent. Et par la force de Sa voix il créa le chant. Et la lumière et le chant grandirent ensemble, prirent de l'ampleur. Il remplit Ses yeux de lumière et Ses oreilles du chant jusqu'à ce que la tête lui tourne. La sensation était telle qu'il en voulait toujours plus alors il alla plus vite et plus fort, s'enivrant de la lumière et du chant qu'Il avait créé. Et puis encore plus vite et encore plus fort. Plus vite, plus fort. Vite, fort. Alors au paroxysme, dans une explosion de couleurs et de sons, enivrée, libérée de toute contrainte, Sa pensée fit naître les Theonaton.

Encore frêles, les Theonaton prirent peur devant la furie et la puissance des explosions les entourant. Ils se regroupèrent et scrutèrent en direction de l'origine de tous ces chants et toutes ces lumières qui s'abattaient sur eux par vagues innombrables. Au centre de tout, les Theonaton Le virent enfin et leur premier acte en commun fut de Le nommer. Ils l'appelèrent Amega ce qui signifie à la fois tout et rien, le premier et le dernier car c'est ce qu'Il était. C'est ce qu'Il est toujours, au commencement et à la fin. Le créateur et le destructeur.

Amega, voyant les Theonaton, s'arrêta enfin. Il les regarda et les toucha, un à un. A chaque contact, les Theonaton se sentaient investis de leur nom et de leur pouvoir et ils l'aimèrent comme un Père pour cela. Ce qui rendit la trahison d'Amega encore plus terrible. Car celui qu'on appellera aussi l'Unique ou le Voyageur pensait que les Theonaton lui avaient volé Son ivresse et Il leur en voulait pour cela. En les touchant, Il espérait récupérer la sensation qui avait été la sienne juste avant leur arrivée et qu'Il n'aurait jamais voulu perdre. Mais à chaque contact, il en perdait un peu plus, son ivresse se fractionnant dans chaque Theonatos. Il conçut alors un autre plan pour récupérer ce qu'Il considérait être sien.

Il lança les Theonaton sur les chemins de la découverte et de la création, prodiguant conseils et réconfort. Et les Theonaton créèrent tous ensemble, trop content de pouvoir éblouir leur Père de la pureté de leurs lumières et de l'enivrer de la puissance de leurs chants. Et ils partagèrent tout leurs jeux avec lui car en tout, les Theonaton ne désiraient que le bonheur et la reconnaissance de leur Père. Seul Ixtari, le premier touché, celui en qui l'étincelle avait été la plus forte et la plus complète s'éloigna complètement. Il voulait créer seul et ce devait être le plus beau des cadeaux. Car il voulait, encore plus que les autres, donner à son Père une raison d'être heureux et souhaitait offrir sa création en remerciement au nom de tous ses frères et sœurs.

Un à un, après mille jeux et mille danses, les Theonaton se fatiguèrent et un à un Amega les emmena dans sa demeure pour les y coucher. Quand ils furent tous là, le Père se mit à chanter pour eux. C'était une chanson douce et grave et les lumières qui s'y joignaient avaient la couleur du soir et la beauté du soleil couchant. Ixtari s'était seul tenu à l'écart désirant par-dessus tout finir sa création. Lorsqu’il fut enfin satisfait de son cadeau, il s'en retourna vers la demeure. Bien qu'il fut fatigué, son cœur était empli de fierté et il rayonnait à la pensée du plaisir de son Père. Il vit d'abord la lumière et elle était devenue plus crépusculaire qu'aucune lumière qu'il avait jamais vue. Puis c'est la chanson qui lui parvint et elle alourdit son esprit car les sons et les couleurs d'Amega n'étaient plus créateurs, ils étaient engendrés pour détruire les Theonaton et absorber leur étincelle.

Fou de rage, Ixtari jeta son cadeau sur son Père. Lancée avec toute la peine et le désespoir d'un esprit qui comprend la trahison pour la première fois, la création parfaite d’Ixtari frappa Amega et se brisa en trois. Trois parties qui devinrent les Anthron, les Nyadon et les Telchon, les créations imparfaites d'Ixtari, issues du cadeau pour son Père. Surpris alors qu'Il était sur le point d'absorber les étincelles et de retrouver l'ivresse qu'Il avait perdue, Amega hurla. Son cri réveilla en alarme les pauvres Theonaton et pendant que leur Père faisait pour la première fois connaissance avec la douleur, Ixtari et ses frères et sœurs s'enfuirent avec leurs créations. C'est alors que l'obscurité envahit l'univers et une stridence d'une violence inimaginable se propagea dans toutes les directions. Et avec cette onde venait la voix de Amega. Il promettait de les pourchasser et de les retrouver un à un. Et que un à un Il les absorberai pour retrouver l'ivresse qui lui avait été volée. Et qu’à la fin, il ferait payer Ixtari pour la douleur qui lui avait été infligée. Sa haine recouvrit l'univers d'un noir profond et son cri détruisit les créations que les Theonaton n'avaient pu emporter. C'est pour cela que l'univers est si noir, si vide et si froid.

Pendant longtemps Ixtari pleura son cadeau brisé. Personne, pas même les autres Theonaton, ne sait si c'est pour garder le souvenir de la trahison ou bien si c'est parce qu'il est devenu fou, mais il ne voulut jamais le réparer. Il est dit que si un jour les Theonaton échappent enfin à la haine de leur Père, alors il se remettra au travail et peut être qu’en fusionnant les trois parties de son cadeau, il pourra retrouver la beauté et la pureté qui ont été perdues.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Cold I. Matthew ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0