Épilogue

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Non !

Non non non non non ! Pas encore ! S’il vous plaît, pas encore !

Elle connaît ce chemin, à moitié enfoui dans la forêt. Elle sait où il mène. Elle ne veut pas y retourner. Les nuages courent dans le ciel, poussés par le vent qui remue les branches autour d’elle. Les odeurs. Elle sait les odeurs qui l’entourent. L’odeur des pins. L’odeur de la mousse. Celle de la terre qui recueille les témoignages des vivants et des morts. Elle marche depuis des heures. Elle veut s’arrêter, mais elle doit continuer. Pas le choix. Elle doit avancer et aller vers le Diable. Le Diable qui est mort en la regardant dans les yeux. Elle trébuche sur une racine et s’écroule sur le sol. Les empreintes de pas.

Elle les a vu déjà. Elle se souvient. L’eau qui remplit le creux du chemin. Une eau carmine, comme la pluie de celui que l’humanité appelait Prince.

I never meant to cause you any sorrow
I never meant to cause you any pain
I only wanted to one time see you laughing
I only wanted to see you laughing in the purple rain

Des conneries. Il les a tuées. Pas de chagrin, pas de douleur.

Des conneries.

La lune qui se reflète dans le sang versé sur la terre du chemin. Une étoile posée sur le sol. Une étoile, rouge, comme le sang des femmes qui ont croisé la route de ces monstres. Elle rêve. Elle veut tellement sortir de ce rêve. Elle était sûre que c’était fini. Jamais fini.

Jamais.

Alors elle se lève, s’accroche à une des branches. Et elle marche encore. Le Bouhou la surprend et elle tourne la tête vers le hibou posé sur la souche. Ses yeux sont de la couleur du sang.

Avance, Sarah. Tu dois voir…

Des conneries, ces rêves. Les hiboux ça ne parle pas. Il lui jette un dernier regard et s’envole vers le sommet des arbres. Elle se souvient. Elle a vu l’âme de Louis qui s’envolait vers le ciel. Elle ne l’a dit à personne.

Justine. Elle entend crier Justine. Alors elle court. Elle court. Et elle tombe.

Encore. Et elle se relève. Encore. Et elle pousse la porte de la cabane.

Non ! Je veux plus y retourner ! Non non non non non !

Les marques sur le mur. Les mots gravés qu’elle connaît par cœur. Les croix. Les visages du Christ. Partout. Le Christ qui la regarde. Le Christ qui la regarde et qui la hait. Les visages qui hurlent. Justine qui hurle. Le clavier. Isabelle, et la porte qui s’ouvre.

Tu rêves ! Putain tu rêves !

Elle sait que ce qu’elle voit n’est pas la réalité. Elle sait qu’elle ne rentrera plus dans la tête de ces filles. Elle sait que Louis est mort. Que Francis est mort. Les flics ont retrouvé plus de quarante tombes.

Des tombes ! Ils ont dit des tombes ! C’est un putain de cimetière !

Justine sur la table de métal. Justine qui hurle. Louis et Francis. Le prêtre et le Diable.

Le prêtre est le Diable.

Ils la regardent quand elle fait un pas à l’intérieur de la pièce.

– Tu es venue ?

Elle connaît ces mots. Il les a dits déjà. Elle veut partir. Mais Justine qui hurle encore. Justine qui accouche sous les yeux des monstres. Le bébé qui pleure. Francis qui coupe le cordon ombilical avec ses dents. Francis qui sourit. Louis qui porte l’enfant au-dessus de sa tête, comme un sacrifice possible.

– Regarde Père ! Regarde ton fils !

Justine qui tourne la tête vers elle. Justine qui pleure. Louis qui pose le bébé dans les bras de Sarah. Les yeux du bébé. Verts. Transparents comme l’eau. Sombres comme la forêt.

Justine. Et cette sonnerie, stridente. Cette sonnerie.

Sarah ouvre les yeux. Son smartphone est en train de hurler sur la table de chevet.

Justine.

– Allô ? Sarah ?

Alors elle répond. Elle aime tellement cette fille. Cette sœur.

– C’est moi Justine. Qu’est-ce qu’il y a ?

Un silence, comme si elle reprenait son souffle.

– Sarah, je suis enceinte.

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