Toi, ou moi ?

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J'imagine... j'imagine... une bonne situation de merde.

--- Mode déprime et pessimiste activé ---

Nous sommes le soir. Je sors tout juste du cinéma. Ma montre affiche 23h30 alors que je baigne dans une douce euphorie. En effet, je viens d'accomplir mon devoir sacré de marraine. Ma filleule, jusqu'alors passionnée de baguettes magiques et de balais volants, a dorénavant le rêve de devenir une Jedi.

Je suis si fière de moi ! J'imagine déjà les nuits que nous allons passer sur mon canapé, enroulées dans de douillets plaids à découvrir la saga. Un bâillement sonore me ramène au présent. C'est vrai qu'il se fait tard pour une jeune fille de huit ans et demi. Enfin bon, dans la vie, il faut savoir lâcher prise. Sa mère, ma tante, me l'avait confié pour le week-end vu comment sa fille m'adulait, moi, la Grande. Je voyais en elle la soeur que je n'avais jamais eu, que j'avais tant désiré, que j'aurai échangé contre tous mes frères réunis. Il était décemment impossible de laisser passer une telle occasion !

Nous rentrions donc vers mon petit appartement. Elle tente de suivre mon pas rapide, les yeux à demi fermés et sa main serrant fort la mienne.

Je marche vite. J'ai envie de rentrer, moi aussi je fatigue.

Je marche peut-être trop vite, car elle se libère de mon emprise pour aller à son propre rythme.

Sans m'en rendre compte, je la distance de quelques mètres.

Un crissement de pneus me fait me retourner.

Elle m'a lâché alors que nous traversions un passage piéton.

Une voiture lui fonce dessus. L'homme zigzague, visiblement ivre. L'impact est inévitable.

La petite fille ne bouge pas. Elle est tétanisée.

Par réflexe, j'avance une jambe et plie l'autre, prête à m'élancer pour la sauver ! Mon regard balaie la scène, évalue les distances, j'analyse la situation en un éclair. Oui, je peux l'atteindre, mais c'est tout. Je pourrais la mettre hors de danger en la poussant vers le trottoir. J'aurais alors pris sa place.

Les cris, les couleurs... Tout se brouille et se mélange autour de moi. J'aime à penser qu'à chaque situation se trouve une infinité de choix. Réalité, cette cruelle amie, s'est donc forcément vue obligée de me rappeler que je me trompe. Ici, il n'y a que deux choix. Vivre, ou mourir.

Mon esprit carbure à cent à l'heure, ce pourrait bien être son ultime geste d'amour. J'imagine le futur, le poids de l'inaction sur mes épaules, la tristesse et la rage qui habitera la mère à qui l'on aura arraché son enfant. En même temps, je ne peux pas prévoir tous les dangers du monde ! Nous avions traversé au vert, en sécurité. Je n'aurais rien à me repprocher, ce sera la faute au Destin, à pas de chance, à l'alcool.

Je tremble, j'hésite. Je trouve la situation injuste, que l'une de nous deux paie pour l'erreur d'un autre.

Une pensée résonne alors en moi, jusqu'au plus profond de mon âme, ma devise en quelque sorte.

Analyse les faits, agis en conséquence.

Dans les faits, une enfant se verra voler sa vie. J'ai déjà vécu trois fois la sienne.

Je le refuse. Je m'élance.

Le temps reprend ses droits. Un témoin de la scène crie son avertissement inutile, ma filleule écarquille les yeux, comme si elle ne comprenait que maintenant ce qui allait se produire. Je m'engage sur le carrefour, la repousse violemment sur le trottoir et ai juste le temps d'apercevoir le regard vide du conducteur avant de me faire percuter.

Mes os se brisent contre le pare-chocs. Ma tête fait exploser le pare-brise. Mon sang laisse sa trace indélébile sur la carrosserie.

Je m'effondre. Morte.

Une petite fille se relève. Vivante.

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Ce sont des dilemmes qu'on s'est tous posés à un moment ou un autre. Lui, ou moi ? Dans quelle situation ?

Que ce soit un proche ou un inconnu, la réponse reste toujours la même à mes yeux. Le plus jeune a priorité. J'ai eu la chance de vivre ma vie, il doit l'avoir aussi.

Après, est-ce que j'aurai la force de respecter mes convictions ?... Comment puis-je en être réellement certaine ? Là se trouve la véritable question.

Est-ce cynique de tout ramener à l'âge sur ce genre de situation ? M'en fou, les enfants, c'est sacré !

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