TAKEKO

3 minutes de lecture

Je me souviens.

Les cerisiers étaient en fleurs et les larmes ruissellaient sur les joues des femmes.

Mais les soldats ne pleurent pas !

Alors les femmes cessèrent de pleurer.

Car Nakano Takeko était un soldat !

Une femme en fleur, 21 ans...si jeune...

Et pourtant si dure et si forte.

L'art de la guerre n'était pas réservé aux hommes et l'Armée japonaise comptait une unité de femmes.

Dont la commandante était une onna-bugeisha (une femme combattante) aussi reconnue et respectée qu'un homme.

Nakano Takeko (中野 竹子).

Je me souviens.

Le respect entre combattants.

Les samourais en armure complète et katana au clair.

Quarante armes composaient l'équipement du samouraï, dont le wakizashi, « la lame d'honneur » d'un samouraï et le tanto, le petit poignard utilisé lors du seppuku ou hara-kiri.

Ainsi parlait le bushido, ou code d'honneur des samouraïs.

Respecté par les hommes et les femmes.

Respecté par Nakano Takeko, la femme-samourai.

Les fleurs de cerisiers étaient d'une profonde beauté, le rose se mêlait au blanc.

Mais le silence était profond !

On enterrait un grand combattant et un grand samouraï.

Car Nakano Takeko méritait tous les honneurs !

Je me souviens.

Nakano Takeko était la fille de Nakano Heinai, fonctionaire du domaine d'Aizu, dans la province de Mutsu, dans ce Japon qui essayait de se moderniser tout en conservant encore des coutumes de son passé féodal.

Les samourais et leur bushido appartenaient à ce passé.

Nakano Takeko naquit à Edo en 1847 et fut élevée en combattante et en lettrée.

Elle apprit les arts martiaux et les art littéraires et excella dans les deux arts.

Elle connaissait la calligraphie, la poésie et le combat, son arme de prédilection était le naginata, une sorte de hallebarde traditionnelle japonaise.

Son professeur d'arts martiaux, Akaoka Daisuke, l'adopta et en fit son adjointe.

Nakano Takeko commença sa vie de femme combattante en devenant instructrice d'arts martiaux.

Et gare à ceux qui ne l'écoutaient pas !

Mais la guerre éclata.

La guerre de Boshin, dite "la guerre de l'année du dragon", était une terrible guerre civile.

Elle opposa certains clans réfractaires au pouvoir abolu de l'empereur Meiji entre 1868 et 1869.

Egalement à sa politique de modernisation qui mettait à mal les traditions et les manières de vivre des clans restés très féodaux dans leur fonctionnement.

Les armées des clans de Satsuma, de Chōshū, de Tosa et leurs alliés, proches de l'empereur, s'opposèrent aux troupes appartenant au gouvernement shogunal d'Edo et aux clans qui leur étaient alliés.

Cent vingt mille hommes furent mobilisés, trois mille cinq cents moururent.

L'empereur Meiji fut vainqueur mais la victoire laissa un goût amer.

Il put continuer à moderniser le Japon, mais ce fut la fin des samourais.

Nakano Takeko entra dans la lutte contre l'Empereur.

Je me souviens.

Dans le parc du temple Hōkai, non loin de la ville de Fukushima, il y avait un pin.

Un pin magnifique, auprès des cerisiers en fleurs.

On y enterrait une onna-bugeisha, brave et forte.

Car Nakano Takeko respecta le bushido, jusque dans la mort !

Le samouraï portait une quarantaine d'armes, dont un arc, le yumi, un sabre, le katana, un sabre d'honneur, le wakizashi, un petit poignard, le tanto...

Le tanto était un petit poignard habituellement utilisé pour les combats rapprochés et pour faire seppuku ou hara-kiri (le suicide du samouraï).

Nakano Takeko combattit lors de la bataille d'Aizu pour le shogunat Tokugawa auquel appartenait son clan, le clan Aizu.

Elle combattit avec le naginata à la tête d'une unité entièrement composée de femmes.

Cette unité, appelée plus tard l'"armée des femmes", participa à la bataille d'Aizu de façon indépendante car elle ne fut pas autorisée à combattre dans l'armée officielle d'Aizu.

Ce n'était que des femmes.

Je me souviens.

Nakano Takeko, malgré son jeune âge, dirigea son unité de femmes avec bravoure et discernement.

Un grand chef de guerre.

Elle menait des charges contre les troupes de l'Armée impériale japonaise du domaine d'Ōgaki.

Lorsqu'elle reçut un balle dans la poitrine.

Le combat était terminé pour elle.

Et il était visible que la bataille était perdue.

Que réclamait alors le bushido ?

Nakano Takeko demanda à sa soeur, Yūko, de l'achever et de la décapiter.

Pour ne pas tomber entre les mains de l'ennemi et respecter le bushido.

Un samouraï mourait au combat ou il mourait de sa main, ou de celles d'un ami.

Yūko lui obéit puis ramena le corps de sa soeur dans le domaine d'Aizu, dans le parc du temple Hōkai, sous les branches d'un immense pin.

Alors que les cerisiers en fleurs fêtaient le printemps.

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