CADOUDAL

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Je me souviens.

De tous les souvenirs qui me restent de Georges Cadoudal, son rire est le plus précieux.

Son rire de colosse.

Puissant et si fort.

Quelque part, il doit résonner encore.

Georges Cadoudal, le dernier général chouan, le dernier commandant de l'Armée catholique et royale de Bretagne.

Le dernier Blanc à lutter contre les Bleus.

Le Breton contre le Corse.

Ses cris de colère étaient si fort lorsqu'il parlait de la République et de la Vendée, de la Bretagne.

Mais Napoléon Bonaparte, le Premier Consul ne les entendait pas.

Je me souviens.

Le peuple était si pauvre, il ne comprit pas la Révolution.

Il ne vit que la fin de la dîme et la mort des privilèges.

Mais il ne comprit pas la Révolution.

Cadoudal, fils de paysans, aima la Révolution, il en fut un partisan.

Et puis tout bascula dans l'horreur.

La Carmagnole se teinta de sang et devint une Danse macabre.

La guillotine fut le dernier argument pour imposer la Liberté, l'Egalité et la Fraternité.

Et on guillotina.

Roi, reine, Girondins, suspects, coupables et innocents tous pêle-mêle...

Les Vendéens furent appelés des Brigands et la Convention décida leur anéantissement.

Georges Cadoudal était un colosse, doté d'une force herculéenne et d'une voix de stentor, il haranguait ses soldats.

Soldats faits de paysans et de pêcheurs. Vendéens et Bretons, unis dans le même combat.

Soldats qui se battaient pour leur survie et non contre un ennemi étranger.

Des Français contre des Français.

Je me souviens.

La Vendée, la Bretagne se rebellaient pour leur foi et pour leur liberté, contre la levée en masse et la dictature de Paris.

Non, le peuple n'avait pas compris la Révolution.

Bourgeoise et politique.

Elle ne parlait pas au peuple.

Mais Cadoudal lutta et lutta avec ses frères d'armes.

Jusqu'à la défaite de Savenay, jusqu'à la fuite des derniers paysans-soldats chouans, jusqu'à la mort de Charette.

Et bientôt, de tous les généraux chouans, il ne resta que lui, Georges Cadoudal.

Lui !

Et son rire de colosse, et sa force de titan, et sa colère fanatisée.

Mais voilà !

La guerre de Vendée était perdue et Cadoudal s'enferma dans sa Bretagne, espérant contre tout espoir l'arrivée des alliés Anglais.

Une paix ignominieuse fut signée avec Paris pour faire cesser les hostilités.

Cadoudal la refusa et poursuivit la lutte.

A la tête d'une chouannerie populaire, il s'empara des petites villes de Bretagne, il s'attaqua aux détachements des Républicains, il devint le cauchemar de Paris.

Mais voilà !

Paris en 1799, c'était le Paris de Napoléon Bonaparte.

Je me souviens.

Cadoudal connut un cuisant échec à la bataille du pont du Loc'h et il dut signer le traité de Beauregard.

Conciliant et suffisant, Bonaparte lui offrit le grade de général dans l'armée républicaine.

Un Chouan dans l'Armée des Bleus ?

Le Breton refusa tout compromis avec le Corse.

Car si le peuple n'avait rien compris à la Révolution.

Napoléon Bonaparte n'avait rien compris à la Guerre de Vendée.

Il y avait des voix qui criaient encore dans le silence.

Elles crient toujours aujourd'hui.

Il suffit d'écouter et elles sont plus vives que jamais.

Ce sont les cris des femmes violées et massacrées, ce sont les hurlements des hommes mutilés et assassinés, ce sont les pleurs des enfants brûlés vifs dans les fours à pain...

Ce sont les plaintes des êtres martyrisés, noyés dans la baignoire nationale de Nantes, fusillés par centaines dans les bois et les bocages, affamés dans les prisons républicaines.

Aux propositions de Bonaparte, Cadoudal opposait les exactions des Colonnes Infernales.

Ces voix ne se sont pas tues.

Elles crient toujours. Ici ou là.

Je me souviens.

Jamais Georges Cadoudal ne pouvait accepter le compromis.

Et ce fut la fin !

Puisque la guerre était terminée, de gré ou de force, il fallut user d'expédient.

Une tentative d'assassinat contre Napoléon Bonaparte, une machine infernale explosant un tout petit peu trop tôt. L'attentat raté de la rue Saint Nicaise à Paris en 1800.

De complot en complot, de conspiration en conspiration, la police arrêta Cadoudal.

Comme un vulgaire criminel !

Un chef Chouan !

Un général Breton !

Je me souviens.

On le guillotina, mon colosse, mon titan.

A Paris, place de l'Hôtel-de-Ville.

Le coeur de la Vendée, l'âme de la Bretagne, le dernier soutien des Royalistes.

Guillotiné comme un meurtrier.

Mais je sais que quelque part, son rire résonne encore.

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