12 - Enlèvement 2

6 minutes de lecture

Le bambin se mit à hurler, comme s'il était blessé. Affolé, Manaa le détailla tout en essayant de presser la blessure de l'elfe. Le petit était sauf, il devait deviner ce qui arrivait à sa mère. L'humain ignorait que sans le bouclier mental d'Alicia, Tatian pouvait accéder à toutes les pensées des gens l'environnant, et étant tout le temps dans l'esprit de sa mère, il se retrouvait à gérer les émotions violentes et confuses de la blessure maternelle.

– J'ai besoin de soin ici !

Un elfe nocturne accourut à son appel et prit en charge la blessée et l'enfant. Désœuvré, et incapable de faire quoi que ce soit de plus pour la mère de famille, l'inspecteur regarda ce qu'il se passait autour. Luna Bore se débarrassa de son adversaire, avant de se précipiter hors du jardin, dans une attitude guerrière. Le second fils de la famille était invisible. Pris d'une inspiration subite, Manaa se précipita vers la voiture.

– Qu'est-ce que tu fais ? s'étonna un collègue.

– Je suis Luna Bore !

– Quoi ? Attends, les renforts arrivent.

Sans écouter, Manaa se mit au volant et alluma le moteur. Au même moment, un rasîlien monta à l'avant.

– Je sais où elle va. À la zone industrielle.

Cette information tombait à point nommé pour l'inspecteur, qui avait perdu de vue l'adolescente. Il démarra en trombe et remonta la rue bourgeoise en évitant les habitants, sortis voir ce qu'il se passait. Arrivé au croisement, il aperçut l'adolescente, toujours munie de son arme archaïque et vêtue en tout et pour tout d'un débardeur, d'un boxeur et de tennis. Avec sa mine farouche, sa carrure athlétique et ses oreilles allongées, Luna dégageait un air d'amazone elfique. Manaa klaxonna pour se signaler. Son collègue d'outre-monde ouvrit la fenêtre et cria.

– Montez !

La jeune fille n'eut qu'une minute pour jauger de leur identité et se décider. Ils ralentirent à sa hauteur pour lui laisser le temps de grimper à l'arrière.

– Elle emmène Rodyle au portail, grouillez-vous !

– On sait, répondit le rasîlien. Ça m'arrangerait de récupérer votre frère sans avoir à rentrer dans le territoire vampire. Moi c'est Orchio.

– Arthur Manaa.

– Oui, oui, enchantée. Prenez la prochaine à droite vous y serez plus vite.

– Joli épée, commenta Manaa tout en suivant l'indication.

– Joli tranchant, surtout, confirma l'adolescente. Vous ne pouvez pas aller plus vite ?

À ce même moment, l'inspecteur fit une embardée pour éviter les policiers, qui déboulaient d'une rue perpendiculaire, les gyrophares allumés. Il se réjouissait d'avoir de bons réflexes, car il n'avait jamais roulé aussi vite en ville. La voiture de police, qui suivait la première, se mit à les poursuivre. Manaa jura en doutant de parvenir à les semer, il accéléra tout de même et prit un virage en dérapant.

– Vous n'auriez pas un sort pour les ralentir ? demanda-t-il.

– Z'avez de la chance j'ai un sorcier pour grand-père. Me faut une ligne droite, répliqua Orchio.

– Ça tombe bien on est presque sur la voie rapide. Par contre on n'y restera pas longtemps.

– Ça ira.

L'inspecteur s'engagea sur l'axe routier, qui le mènerait à la zone industrielle. Ils avaient une portion de deux kilomètres à parcourir avant d'en sortir. Luna grognait qu'ils avaient perdu du temps en faisant un détour, et râlait encore plus sur le fait qu'il n'y ait pas de voie carrossable entre son quartier et la zone industrielle. Elle maronnait plus pour masquer son agacement à devoir rester assise, que pour embêter les deux hommes, et ceux-ci ne lui en tinrent pas rigueur.

Orchio ouvrit sa fenêtre. Un brouillard opaque se dégagea de sa paume, pour envahir la voie et masquer la vue des policiers. Ce faisant, ils purent quitter la voie rapide sans être suivis et le temps que les policiers s'en aperçurent, ils étaient loin. Parvenus à la zone industrielle, Orchio indiqua la route à prendre pour rejoindre le portail. La course effrénée s'arrêta devant une lande de terre en friche. Luna n'attendit pas l'arrêt du véhicule pour s'en extraire d'un bond. Elle tourna sur elle-même pour repérer la présence de la vampiresse.

– Je ne parviens pas à entrer en contact avec Rodyle ! s'écria-t-elle. Ils ont déjà traversé !

Aussitôt dit, elle se précipita vers le portail. Un loup la poursuivait et Orchio avait disparu. Ce qui rappela à Manaa que cet homme était un lycanthrope. Il s'empressa d'ouvrir le coffre de la voiture, sans se soucier de retirer la clé de contact, et y retira une longue housse à bandelière, qu'il se passa sur une épaule, ainsi qu'une paire de lunettes infra-rouges. Ainsi équipé, l'humain se précipita à son tour vers le portail, dont il avait repéré l'emplacement lorsque le loup s'y était introduit.

C'était très étrange de courir en direction d'un point qu'il imaginait, à défaut de voir, et malgré l'expectative de ce qui l'attendait, il fut décontenancé de voir le paysage changer brusquement. Il avança d'un pas, avant de réaliser que des corps étaient étendus sur le sol. Le lycan se penchait sur l'un d'entre eux, en lui prenant le pouls. Il releva la tête vers lui et fronça les sourcils.

– Qu'est-ce que vous faites là ? C'est dangereux ici.

– Je suis membre des forces de l'ordre, mon crédo est « Servir et Protéger ». Je suis là pour protéger Luna Bore et aider à sauver son frère. Et je suis armé, ajouta-il en tapotant son paquet.

Orchio haussa les épaules d'un air de rire « à ta guise ».

– Un Sylphidien, commenta-t-il en désignant le cadavre. Les clans vampires étaient en paix avec eux. Ce n'est pas bon signe.

Luna revint sur ces entrefaites.

– Rodyle ne peut pas me guider, j'ai besoin de votre odorat ! Vous vous grouillez ou pas ?

Bien qu'elle parlât avec autorité, l'adolescente évitait de baisser les yeux sur les corps elfiques, au sol.

– Tu sais « voler » comme les vampires ?

Elle hésita et secoua la tête.

– Alors il va te falloir une monture. Tu prendras l'humain avec toi, s'il tient à nous accompagner.

La jeune fille claqua de la langue pour signifier son assentiment et porta son regard vers la forme mouvante d'un gros animal, que l'humain ne pouvait distinguer correctement dans l'obscurité, leur tournant autour en grognant de méfiance vis-à-vis du lycanthrope. Elle se dirigea vers lui sans crainte, impressionnant encore un peu Manaa, et quelques minutes plus tard revint juchée sur la selle de la créature. Entre temps, l'inspecteur avait enfilé ses lunettes, teintant la nuit d'une lueur verte, et il distingua très clairement l'animal. Une sorte de loup de la taille d'un grand poney, au pelage blanc tacheté de brun et harnaché comme un cheval.

– C'est un pîjakil, la monture favorite des elfes nocturnes, expliqua Orchio à son intention.

– Je vois, c'est… intimidant.

Le lycan ricana.

– S'il est bien dressé, il ne te mordra pas sans autorisation. Allez, monte.

Dans l'ensemble des expériences du jeune inspecteur, l'équitation se réduisait à des balades dans des centres équestres, pendant les vacances scolaires. Celles-ci remontaient à quelques années et Manaa ajusta son sac sur le dos avec appréhension. Luna l'aida à monter malgré l'absence d'étriers, elle avait coincé son épée dans la selle.

Orchio émit un son de gorge avant de se changer en loup et de bondir vers le nord, suivi par le pîjakil étonnement docile. Ils freinèrent, l'un comme l'autre, devant l'entrée d'un souterrain obscur. Le loup tourna sa tête vers l'adolescente, en quête de certitude. Luna baissa son regard vers lui et fit repartir sa monture. Manaa de son côté se contenta de maintenir sa prise autour du ventre de la jeune fille, tout en resserrant ses cuisses autour des flancs du pîjakil. Il se jetait dans la gueule du loup – drôle expression quand il en chevauchait un – en pleine conscience, dans le seul objectif d'assister Luna Bore pour retrouver son frère. Le reste, il le confiait aux connaissances du lycanthrope.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Cléo Didée ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0