10 - L'étincelle qui met le feu aux poudres 2

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Il se retourna pour voir l'humain entrer dans l'arène. Son sang se glaça en comprenant qu'il devait affronter, non un animal ou un vampire, mais un autre infortuné. Puis, il considéra qu'il pouvait ainsi éviter un combat et s'avança vers l'humain d'une démarche aussi décontractée que le permettait sa fatigue.

– Attends, je ne te veux pas de mal, tenta Sephenn. Pourquoi nous battre entre nous  ?

L'homme s'approchait de lui pendant qu'il parlait, son attitude ne manifestait aucune intention de parlementer.

– Réfléchis, insista-t-il, si nous nous allions, nous pouvons tenter une percée pour nous enfuir.

Il était certain que l'homme l'entendait, mais ce dernier ne semblait pas s'en soucier du tout. Lorsqu'il fut à une dizaine de pas de Sephenn, il étendit les bras, paume vers le sol. La terre trembla sous ses pieds pour faire apparaître un serpent de roche, qui louvoya sous la surface terrestre. L'adolescent se fit une raison et se jeta sur le côté pour éviter l'attaque.

Il avait donné sa chance à l'humain, dorénavant il se concentrerait sur sa survie. Malheureusement son adversaire était un combattant aguerri de l'arène, qui ne lui laissait aucun répit et lançait des attaques équilibrées en vitesse et force, sans dépenser beaucoup d'énergie. De son côté, Sephenn était désavantagé par le manque d'expérience des combats à mort et la faiblesse qu'il ne savait pas gérer.

La douce lumière de la lune lui caressait le visage, atténuant l'angoisse des heures de noir et lui regonflant le cœur d'espoir. La chaleur ouatée s'infiltra dans ses veines et vint se faufiler dans son épaule pour la soulager. Certes il ne faisait que fuir en apparence, sauter, esquiver, plonger, parfois même, pour rouler au sol et se relever juste à temps. Sa soif de sang, résultante de sa faim et de sa fatigue, le forçait à produire davantage d'efforts de volonté pour tenir. Il puisait avidement dans la source de vitalité que lui offrait l'astre lunaire.

Lorsqu'il eut condensé assez d'énergie pour la moduler en magie, Sephenn cessa de fuir et fit jaillir un bouclier de lumière argenté autour de lui. Vint s'écraser dessus sans le fissurer un bras de roche créé magiquement par son adversaire. Il se laissa guider par ses automatismes, pour économiser ses forces. Confiant en sa protection magique, il gonfla ses jambes et ses bras, pour les renforcer tant en termes de résistance qu'en puissance.

Ses préparatifs magiques achevés, Sephenn engagea la contrattaque. Il avait opté pour un combat au corps-à-corps, guidé principalement par son besoin de se rassasier de sang. Ce revirement ne désarçonna l'humain que le temps de se reprendre, avec l'adaptation indispensable à sa survie. Face à la tactique de l'adolescent, il répondit en usant de ses sorts d'élémentaires, pour se forger des renforts de terre sur le corps, et des compléments de flamme à ses coups.

Pris d'une furie méthodique de sang, le métis déviait les attaques magiques grâce au tramage spécifique dont il avait tissé son bouclier. Le temps qu'il avait passé à aspirer l'énergie de la lune s'avérait dorénavant payant, car sa défense était impénétrable pour l'humain à cette courte distance. Il finit par placer un coup de poing bien placé dans ses côtes, lui coupant le souffle.

Sephenn profita de cette défaillance pour lui enlacer le cou et planter ses canines dans la partie charnue, le liquide chaud qui en perla l'excita au point de lui faire perdre la tête. Il aspira goulûment jusqu'à se remplir l'estomac, laissant l'odeur du liquide chaud lui remuer les sens. Ce sang humain se révélait délicieux, sans commune mesure avec celui des animaux qu'il avait bu jusqu'alors.

La pulsation qui rythmait le corps chaud s'affaiblit, ramenant le jeune homme à la réalité. Il lâcha l'humain, qui s'effondra lourdement sur le sol. Sephenn revint à ses sens et fut assourdi par les huées de la foule, le combat l'avait plongé dans un état second, le coupant de l'animation autour. Il contempla sa victime inconsciente sans trop savoir ce qu'il ressentait.

– Je t'avais laissé ta chance, murmura-t-il, avec une pointe de culpabilité.

Il se glissa dans son esprit, pris de la curiosité de savoir ce qui avait amené l'homme ici. Des images de massacre de village défilèrent sous ses yeux. L'humain était emprisonné pour de vrais crimes. Sephenn n'eut plus aucun remords du sort qu'il lui avait réservé.

Un cri stridulant le fit se retourner, pour tomber nez à nez avec une chimère mi-femme, mi-serpent. Elle avait des pupilles allongées de serpent et des crochets menaçants.

Le combat précédent l'avait laissé encore réactif. Il leva instinctivement le bouclier d'énergie qui lui avait sauvé la vie, et commença à courir sur le côté, en gardant la chimère du coin de l'œil pour voir sa réaction. Elle le poursuivit avec une rapidité remarquable, il bondit alors le plus haut possible, elle le suivit sans peine avec une détente prodigieuse.

Une douleur vive lui traversa l'épaule gauche. L'adolescent s'était trop approché des gradins et un spectateur venait de le toucher à l'aide des petites billes. Grimaçant de son erreur, il évita de peu un coup de griffe mortel, qui ne fit que lui entailler légèrement le bras gauche. L’atterrissage fut un peu plus rude, Sephenn roula sur le sol, tandis que la chimère s'écrasait avec violence, là où il s'était échoué. L'adolescent ressentit de nouveau la douleur vriller entre ses omoplates, lorsque la queue serpentine lui retomba dessus achevant de détruire son bouclier.

Sephenn se jeta sur la créature avant qu'elle ne se retourne et s'agrippa à elle, de sorte de lui immobiliser les bras. Elle se débattit avec une telle violence, qu'il dut renforcer ses muscles pour la maintenir, le temps qu'il lui morde la nuque, en visant le nerf entre les vertèbres. Il réactiva dans le même temps un bout de bouclier dans son dos, pour parer les réactions de la queue  ; celle-ci répondit à l'étreinte  par la contrition, tandis que la partie basse de son corps s'enroulait tant que possible autour du métis.

Ses dents crissèrent sur la colonne vertébrale de la chimère sans parvenir à atteindre le nerf. La pression reptilienne commençait à l'oppresser, le tramage lunaire se fissurait, reléguant petit à petit toute la pression sur le corps du garçon. Il ne parvenait pas encore à renforcer l'ensemble de ses muscles et de sa peau dans le même temps et la furie avide de liberté de la chimère le contraignait à condenser toute son énergie dans ses membres. Son dos devenait vulnérable. Cette prise de conscience l'emplit d'une nouvelle angoisse de mourir étouffé ou broyé avant d'avoir pu défaire cet adversaire.

Il crocheta la colonne vertébrale avec ses canines et la tira dans un retrait brusque de sa tête. La créature poussa un hurlement strident et fut prise de telles secousses, que l'adolescent fut projeté plus loin, soudainement libéré de la contrition. L'adrénaline lui permit de se relever rapidement, pour regarder la femme serpent gesticuler sous les affres de la souffrance. Sephenn profita de cette pause pour absorber de nouveau l'énergie lunaire qu'il condensa dans ses mains.

La dompteresse ne laissa pas sa créature dépérir sur le terrain et était entrée avec deux comparses pour la récupérer. Sephenn joignit les mains et renvoya l'énergie condensée en un faisceau lumineux sur la maîtresse des jeux. Celle-ci esquiva par anticipation, d'un salto arrière plein de grâce. Malgré cet échec, il s'acharna en se précipitant à sa rencontre tout en se rechargeant encore et toujours. Sa force résidait dans sa capacité à exploiter la lueur de la lune pour se ressourcer et il s'en servait sans vergogne pour recharger son énergie vitale, tout en en conservant une partie destinée à combattre.

Grâce à ce biais, il pouvait compenser la faiblesse de son épaule meurtrie, qui ne guérirait totalement que grâce au temps, la malnutrition, la fatigue physique et mentale, mais également la dépense d'énergie consacrée à la somarythmie.

Il n'avait plus le temps de retisser son bouclier et n'avait en tête que l'attaque rapide, car il était conscient que la femme était un adversaire bien plus dangereux que les deux précédents. Son objectif était de lui infliger le plus de dégâts possible, dans l'idéal, la vaincre comme un boss de fin de niveau, dont la défaite lui permettrait d'avoir le champ libre.

Obnubilé par cette idée, Sephenn condensa toute son énergie destinée au combat dans ses mains, pour faire jaillir un orbe de lumière qui explosa en mini-soleil sous les yeux de la vampiresse. Elle poussa un cri de surprise, tout en ayant un geste de recul pour se protéger les yeux. L'adolescent en profita pour achever sa course, il fut accueilli par la morsure du fouet.

La maîtresse des jeux avait renforcé le cuir de son arme de clous, pour augmenter sa puissance de frappe et la maniait avec dextérité. Elle ne laissait pas le temps à l'adolescent pour placer une attaque, ni même concrétiser ses essais de magie.

Il devint évident à ce moment qu'il ne pouvait pas vaincre cette femme en face-à-face. Pas dans un élan de rage brutale.

Explose.

Cette voix sortie de nulle part, résonnant avec incongruité dans son esprit, le perturba bien plus que tout ce à quoi il s'était confronté depuis son emprisonnement. Certes, la télépathie faisait partie intégrante de sa nature, mais cette voix arrivait sans source identifiable, dans un territoire hostile, dont les habitants étaient incapables d'un tel phénomène.

Explose.

Sous l'effet de ce mot prononcé sans intonation belliqueuse, le flux magique contenu dans le corps de Sephenn s'agita, créant une chaleur impatiente, qui ne demandait qu'à être expulsée. Il se laissa guider par cet instinct, encouragé par l'inconnu. Il eut la sensation de bouillir de l'intérieur, sous l'effet de cette agitation, digne d'une fission nucléaire, cette vision lui inspira l'idée de condenser tout ce maelström, pour exciter sa tendance à exploser.

Une gangue de silence l'enveloppa, filtrant les sons et les déformant au rang de murmures graves, tandis que chaque fibre de son corps se tendait à l'extrême pour résister à l'agitation moléculaire qu’elle contenait. Les rayons lunaires absorbés s'étaient dissous dans le flux magique, que le métis générait naturellement, se muant en une énergie nouvelle qui ne demandait qu'à se libérer sous son impulsion.

Le temps même semblait s'être figé. Sephenn guettait le moment propice, lorsque la maîtresse des jeux ne pourrait plus se défendre. La voix avait laissé une empreinte dans sa conscience, elle unissait sa perception pour l'aider à sélectionner l'instant opportun.

Explose.

L'ouragan imperceptible se libéra, fusant hors du corps de son créateur et semant le chaos sous le dôme, sans affecter l'entité dont il était issu.

La déflagration fut aussi brève que destructrice. Les corps de la maîtresse des jeux de ses aides, de la chimère et de l'humain étaient déchiquetés et gisaient de manière éparse sur le sol, le tout recouvert du sable qui projeté dans tous les sens. Sephenn leva la tête pour voir que la surface du dôme était écaillée  ; il était plutôt fier de sa réussite surprise et envisagea d'en profiter pour fuir.

N'essaie pas de fuir maintenant. Les Esprits Rouges sont aux aguets. Reprends des forces, je viendrai te sauver au jour venu.

Sephenn le crut, il ne savait pas vraiment pourquoi, peut-être parce que la voix venait d'un télépathe. En tout cas, il avait raison au sujet de sa tentative d'évasion. Sephenn se baissa pour ramasser l'avant-bras de la dompteuse et le leva au-dessus de sa tête en le pressant pour en faire expurger tout le sang qu'il savoura. Cette fois, à sa saveur spécifique, le liquide vital ajoutait le plaisir malsain du cannibalisme.

Alors que la grille d'entrée des prisonniers se rouvrait, Sephenn ne put s'empêcher une dernière provocation. Il se tourna vers les maîtres, tendit le morceau de bras vers eux et bascula le pouce de sa main libre vers le bas. C'était par ce signe que les citoyens romains condamnaient à mort les perdants. Il fut satisfait de constater que les vampires en comprenaient le sens. Il ne profita pas longtemps de la joie sombre de sa fanfaronnade, un choc violent l'écrasa au sol puis les ténèbres de l'inconscience l'envahirent.

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