21

6 minutes de lecture

Sylvie était particulièrement fâchée contre Doc mais en même temps, son attitude l’intriguait et son rire était communicatif. Elle fit effort sur elle-même pour se contenir. Ce type avec son tempérament insouciant avait quelque chose d’attachant ? « Oh non ! » songea la brunette. « C’est un gosse en réalité ! ». Cependant son analyse ne s’arrêtait pas là, elle cogitait ferme.

— Tu sais quelque chose, toi, souffla-t-elle à Doc.

— Moi ? Je ne sais rien… Je suis innocent ! fit-il, odieusement agaçant.

Le professeur s’approcha de Doc :

— Le coffre a été forcé !

— Évidemment…

— Je dirai même vandalisé ! C’était une pièce historique ! Vandale ! Inculte ! C’est un crime !

— En même temps, ça t’évite d’avoir à le faire.

— Humm… Ce n’est pas faux. Mais je suppose qu’il ne reste rien.

— Le thesaurus est toujours dedans…

— Comment ? Vous dites que… Je ne vous crois pas !

— Bah, ouvre le machin, fit Doc avec désinvolture.

Sylvie bouillonnait de rage.

— T’es un vrai collabo en fait, surtout facilite-lui bien la tâche !

— C’est vrai Doc, c’est honteux, chuchota le père Pain.

— Mais quoi ? s’insurgea Doc, il vaut toujours mieux être du côté du manche !

— Mais c’est qu’il est ignoble, gronda Sylvie.

— Traître ! insulta Louise.

Pendant ce temps, le professeur rongé d’un mélange de curiosité, d’impatience et d’appréhension, car l’histoire était en marche, souleva lentement le couvercle qui grinça lugubrement. Pif en profita pour y passer la tête, renifla et éternua à la consternation du prof.

— Enlevez ce chien idiot de là, fit-il à Sylvie.

— Pauvre bête, il est si mignon, dit la belle blonde, tout en papouillant l’animal, fort satisfait de ce câlin qui agitait la queue frénétiquement.

La tête du professeur disparut, cachée par le couvercle vermoulu, couvert par endroits de runes étranges et de symboles mystiques. On l’entendit farfouiller.

— Mais qu’est-ce que… commença-t-il…

— Un problème ? fit Doc.

Le professeur exhiba un paquet.

— C’est quoi ce truc ?

Doc s’approcha et sans la moindre gène s’agenouilla à côté du professeur.

— Ça ? Fais voir… Ah… Bah, c’est un paquet de Jouissur, c’est marqué dessus. Tu connais pas ?

— Jouissur ? marmonna Cécile, fine connaisseuse éberluée, un paquet de capotes ?

— Pas « un » paquet de capotes. La capote pour jouir en sécurité ! corrigea Doc.

— C’est une blague… commença Sylvie avant de partir en fou rire.

— Ça va mal se terminer cette histoire, prophétisa le père Pain.

— Si on meurt dans une église, on va direct au paradis, hein mon père? demanda la prudente Louise.

— Certes, admit le père avec bienveillance.

D’un bond le professeur se releva.

— Je veux savoir ce que fait cette ignominie là-dedans !

— Ignominie, ignominie… La perversité de l’existence humaine se trouve résumée dans cet objet, fit Doc, doctoral.

— Hein ? fit le professeur.

— On croit qu’on va baiser gentiment une meuf sympa, un coup vite fait, l’appel de la nature et des hormones, un besoin vital… enfin pour l'homme parce que les femme et la baise ça fait deux... Enfin bon... Et la merde s’abat sur le malheureux. La chaude pisse et les bébés, cadeaux de femelles sournoises et manipulatrices ! Jouissur est un bienfait pour l’homme honnête ! Voilà.

— Certes… Je n’ai aucune objection à formuler sur ce point, dit le professeur, dodelinant du chef, observant le paquet avec bienveillance.

— Mais qu’est-ce que c’est que ce myso odieux ?! s’indigna Sylvie.

— Non mais Doc, quand même ! emboîta Cécile, aiguillonnée par la sororité outragée.

— Quoi ? La vérité ! Père Pain, votre avis sur la question.

— Oui, quelle est l’opinion du clergé ? demanda le professeur, complètement mystifié par Doc.

— Le clergé est indigné par cette chose... qui offense ma vue ! C’est contre la doctrine papale ! La contraception est…

— Non mais alors là on croit rêver ! rugit Sylvie.

— La contraception est un droit ! clama Cécile.

— Et bientôt vous aller nous revendiquer le droit à l’avortement ? persifla le Doc, soufflant sur les braises.

— Mais ce mec ! Ce mec ! Tu as tous les vices en fait, cria Sylvie, perdant toute contenance Suisse.

— Mais qu’est-ce que c’est que réac ? gronda Cécile.

— Les hommes sont des irresponsables immatures, proclama Sylvie.

— Et des cavaleurs... Des queues... Des queues ! renchérit Cécile.

— Quand est-ce qu’on va pouvoir rentrer et dormir ? demanda benoîtement Louise, non parce qu’avec vos conneries, j’ai pas mangé ma soupe, moi !

— Ouah, ouah, fit le pauvre Pif en entendant parler de bouffe.

Tout l’assistance fut saisie. Le professeur sembla sortir d’une torpeur, secoua la tête, marmonna quelques mots, puis braqua son arme sur la tempe du Doc.

— C’est toi ! Tu me rends dingue, fit-il menaçant.

— Allons professeur, calmez-vous, s’alarma Cécile.

— Vous ne voyez pas qu’il nous manipule ?

— C’est un démon, approuva le père Pain. Si vous saviez ce qu’il a osé faire… Rien ne l'arrete !

— Un voleur, confirma Louise.

— Un petit baiseur avec ses capotes Jouissur, fit Sylvie se laissant emporter par un bon mot malgré la situation dramatique.

— C’était les capotes à Fabrice d’abord ! se justifia Doc.

— Silence ! J’ai besoin de réfléchir ! bougonna le professeur qui se mit à marcher de long en large, dédaignant le coffre.

Doc se baissa, farfouilla dans le coffre et ressortit triomphant, joyeux.

— Des Pez ! Des Pez ! Bordel, ça fait des années que j’en avais plus vu. Vous croyez qu’on peut encore les bouffer ?

Toute l’assistance regarda froidement Doc, comme on regarde le pire du pire. Un souffle glacial s’abattit sur le groupe.

Soudain un grand fracas se fit. Les portes de l’église s’ouvrirent en grand, livrant passage à un groupe compact "malades Français", une spécialité Française.

— Hé, il y a quelqu’un ici ? cria un homme.

— On cherche ce salaud de Doc ! Vous l’avez vu ?

— On a besoin d'un Doc !

— N'importe quel Doc !

— Il nous faut Doc !

Le groupe d’otages se tourna vers Doc.

— Il est là, fit Louise, se précipitant vers eux, profitant de la diversion.

— Il est là, confirma le père Pain, lui emboitant le pas.

— Asile, asile ! beugla Doc.

— Allez au… Vous m’avez compris, dit le père avec humeur. Vous êtes impossible Doc, assumez vos fautes, repentez-vous !

— Putain, c’est la merde pour toi, Doc, fit Sylvie goguenarde.

— Alors toi… fit Doc, la menaçant d’une fessée, ce qui déclencha une nouvelle crise de fou rire.

— Doc, vous m’aidez à charger le coffre dans ma voiture et je vous sauve, dit le professeur.

— Le coffre ? Cette merde ? Mais il n’y a plus rien dedans. Les seuls trucs de valeur, c’étaient les Pez et les capotes.

— Hein ? firent Cécile et le professeur.

— C’est ce con de Kévin… Toujours à jouer avé le Zippo… Un pyromane ce mec… Une plaie. Il en a fait cramer des trucs... Le thesaurus... Pfff !

— Mais bordel, il y avait quoi dans ce coffre ?! s’énerva Cécile, étranglant Doc avec virulence.

— Sauvez-moi et je vous explique tout. Tout est là !

Doc indiquait son gros cerveau de son index. Il ajouta :

— Vous avez une voiture ?

— Une Citroën… garé un peu plus loin, indiqua le professeur.

— Une Citron ? Je monte pas dans cette merde…

— Mais il est con ce mec ! Il est con ! fit Sylvie ne contenant plus son hilarité.

— Tu as raison… Allons-y ! fit Doc. Des fois je perd le sens des réalités. Une nouvelle séance de nuit d'arrets maladie... je n'y survivrai pas.

Avant que Sylvie ne comprenne ce qui se passait, elle courait entraînée par Doc, la tenant par la main.

— Doc ! Lâche-moi ! J’en ai marre de ces…

— Courre et tais-toi !

— Mais je ne veux plus être une otage, moi ! Je ne suis pas une "collabo" !

— Mais son flingue est un jouet ! T’es bête, toi !

— Hein ? Attends ! fit Sylvie le forçant à s’arrêter.

— Quoi ?

—Tu le sais depuis longtemps ?

— Mais ce con me l’a collé sur la tempe. C’est plastique !

— Non mais attends…

— On regagne ma voiture, on se trouve une chambre d’hôtel cosy et on s’aime d’amour tendre, comme deux tourtereaux. Tu aimes ce plan ?

— Bah non ! Jamais de la vie ! Va mourir, espèce de malade.

— J’ai un paquet de Jouissur, bordel !

Que pouvait répondre Sylvie à un type pareil ? Il n’y avait plus de mots. Le petit groupe improbable constitué de deux enseignants paumés, d’une écolo-Suisse-écoresponsable-anti-mondialiste et d’un Doc en rupture de ban, un Doc-Valjean en somme, couraient dans la nuit en direction d’une misérable Citron, plus souvent en panne que roulante.

Doc avait-il une chance de conclure avec Sylvie ? Telle était la question, parce que "être ou ne pas être", n’interesse personne. Baiser or not, voilà le truc fondamental.

Cependant, Doc avait des arguments de poids ; un paquet de Jouissur et un distributeur de Pez ! Les jeux sont faits, rien ne va plus…

Annotations

Vous aimez lire docno ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0