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Je n’ai pas bien dormi cette nuit.

Aujourd’hui, je reprends le boulot avec une boule au ventre et une énergie proche de zéro. J’espère que la journée passera très vite, que je puisse refouler les derniers évènements. Je pars presque en retard.

Au moment de quitter mon appartement, un détail m’interpelle. La fenêtre qui donne sur mon balcon est ouverte. Je la ferme. Mon sang se met à bouillir.

Arrête de psychoter, c’est rien. Tu as dû avoir chaud cette nuit et tu es trop fatiguée pour t’en souvenir.

Ma petite voix à raison. Je verrouille ma porte puis, une fois sur le parking, saute dans ma voiture.

*****

Le trajet n’a pas été de tout repos. Enfin, dans un certain sens, si. Je n’ai pas arrêté de cligner des yeux. Je crois même m’être endormie au volant pendant un court instant. Il a fallu qu’une voiture me klaxonne en effectuant un évitement d’urgence pour que je reste éveillée sur les dix dernières minutes de route.

Je me range sur le parking et m’extirpe de ma Fiat. Pierre m’apostrophe :

— Tu as quinze minutes de retard ! Tu aurais pu au moins me prévenir. Le service ne va pas tarder à débuter, va te changer.

Il ne va pas commencer à me gonfler celui-là.

— Je suis désolée Pierre, j’ai eu une fuite d’eau et d’autres complications ce week-end. Cela ne se reproduira plus.

— J’espère bien. Je compte sur toi. Ne me déçois pas.

Ce que les hommes m’horripilent avec leur caractère supérieur.

Je prends mon tablier, puis me jette de l’eau sur le visage. Quelques heures à fond, et après je pourrai me reposer dans ma voiture.

Nous dressons les tables, faisons un peu de ménage et lavons les verres sales restants de la semaine dernière. Élodie, l’autre serveuse en compétition avec moi pour le poste, me demande :

— Ça a été ton week-end ? Tu ne parles pas beaucoup depuis une demi-heure.

Je lui réponds sur un ton harassé :

— Je suis morte de fatigue. J’ai accumulé galère sur galère et je préfère ne pas parler de tout ceci. Il n’y a rien de bon à retenir.

Elle se contente de cette réponse et n’insiste pas.

Les premiers clients s’attablent. Mes jambes ont dû mal à me soutenir. Je commence à voir flou.

Au moment de les servir, mon corps relâche ses muscles. Je m’écroule avec les plats dans les mains.

Au début, les regards convergent sur moi.

Pierre court et m’attrape par le bras pour m’aider à me relever. J’ai l’impression que la pièce est avalée par un tourbillon. Même le cuisinier profite de l’accalmie pour se rendre compte de mon état. Les sons sont brouillés. Un tel niveau de fatigue ne s’est jamais manifesté. C’est comme si nous étions plusieurs dans la même personne.

Pendant un instant, je me touche le ventre et réalise que je suis célibataire depuis deux ans. Impossible d’être enceinte.

Lorsque je reprends mes esprits, assise sur une chaise, Pierre me dévisage en croisant les bras.

— Écoute Léa, tu travaillais très bien jusqu’à présent. Je ne comprends pas.

Avec difficulté, je tente de lui répondre.

— Je vous l’ai dit. J’ai passé un week-end très compliqué.

Il soupire et s’assied sur un coin de la table, face à moi :

— Mais enfin Léa, tu n’es plus à l’école ! Je ne peux pas accepter ce genre d’excuses. Je comprends qu’il y ait des périodes difficiles dans la vie. Nous en vivons tous. Tu dois les refouler. Ressaisis-toi !

Ma tête se dirige vers lui, plongeant mon regard dans le sien. Il doit certainement l’intimider, puisqu’il descend doucement de la table et me montre une posture défensive.

— Avoue, tu m’as prise parce que je suis bonne c’est ça ? Tu voulais me mettre dans ton lit. Maintenant, que tu comprends que je suis inaccessible, tu veux me le faire payer pas vrai ?

Je ne me reconnais pas. Ma bouche expulse ces mots d’elle-même.

Il fait les gros yeux, crispe sa bouche, puis me montre du doigt :

— Je t’interdis de me parler sur ce ton ! J’exige des excuses immédiates !

Je suis certaine qu’Élodie et le cuisinier entendent tout ce qui se dit. Ils se trouvent dans la pièce voisine et font semblant de travailler en servant des clients abasourdis devant cette altercation.

Je m’esclaffe d’un rire que jamais je n’aurais cru possible :

— Qu’est-ce qu’il va faire le patron ? Me virer ? Dans un mois je suis riche, alors j’ai pas besoin de ton boulot de merde, t’inquiète pas mon gars.

Je récupère mes affaires et passe le seuil de la porte sans me retourner.

Qu’est-ce que tu viens de faire ?

— Léa, reviens ici tout de suite ! hurle Pierre.

Je suis déjà dans ma voiture. Fais vrombir le moteur. Je regarde ma tête dans le rétroviseur intérieur de ma voiture. Je ressens de la fatigue, de la souffrance.

Oui, tu es belle ma chérie. Quittons cet endroit.

Je démarre sans prêter attention aux menaces de Pierre. Il est temps de vivre ma vie comme je l’entends.

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