La marque des Exilés (2)

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À l’extérieur, le soleil avait poursuivi sa course et le ciel commençait à s'assombrir. Alors que la pénombre prenait place peu à peu, Vyrian assistait à un spectacle surprenant. Le long du sentier, des fibres luminescentes sortaient de terre et tissaient sous le regard ébahi du chercheur une rangée d’arbres étincelants.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Des arbres de nuit. Passé le milieu d’après-midi, ils sortent de terre et s’épanouissent. Les bourgeons éclosent diffusant une douce lumière. Puis, dès l’aube, les végétaux disparaissent jusqu’au lendemain.

La lumière émise teignait les murs des habitations de nuances chatoyantes. Sous le soleil déclinant, Vyrian eut un nouvel aperçu du village. Le ballet de couleurs qui se déroulait sous ses yeux l’émerveillait. Il n’avait qu’une hâte, que la nuit s’installe pour qu’il puisse apprécier ce spectacle à son paroxysme.

Le trajet du retour passa rapidement. Arrivé devant le foyer de la jeune femme, des cris s’élevèrent de la maison. Le chercheur reconnut les voix de Yomi et de sa sœur. D’après le ton que prenait la conversation, elles devaient se disputer. En s’approchant, Vyrian vit qu’elles se tenaient sur le pas de la porte.

— Où étais-tu passé ?

Poings sur les hanches, buste en avant et sourcils froncés, Ylméria sermonnait la retardataire. Pourtant, malgré le regard noir que lui lançait la jeune femme, Yomi, y était complètement indifférente.

— C’est Xam, il m’inquiète. Je suis allée voir Dungal pour qu’il me conseille. C’est vrai, je suis en retard, mais sa vie est plus importante que cette cérémonie arriérée ! Au pire, si je ne me présente pas cette année, je le ferai l'année prochaine.

— Ne croit pas t'en tirer à si bon compte ! Tu n'échapperas pas à ton devoir ! Tu serviras ton village pour le remercier des années qu'il a passées à te former !

— Laisse-moi le temps de me changer et j'arrive.

Yomi se précipita dans la cage d'escalier en laissant derrière elle sa sœur, qui peinait à décolérer. La projection s'attarda quelques instants sur Ylméria et Vyrian vit la même poupée végétale que précédemment apparaître. La créature regarda la Mysticienne de ses grands yeux avant de les baisser sur ses poings et de secouer la tête d'un air consterné. Ylméria sourit face à ce petit brin de plante. Elle inspira plusieurs fois et invita la poupée à grimper sur sa main, la créature ne se fit pas prier et entama l’escalade de son bras.

— Je sais, je ne devrais pas m’emporter si facilement, mais c'est plus fort que moi. Yomi est... bornée et je dois parfois me montrer aussi têtue qu'elle pour essayer de lui faire entendre raison. Même si je dois admettre que cette fois, elle a eu raison, si elle pense que cette fripouille de Xam couvre quelque chose, alors elle a bien fait.

La poupée à présent assise sur l’épaule de la Mysticienne la regarda avant de glisser sur son bras et d’atterrir dans sa main. La jeune femme s’amusa de la situation et porta directement la créature en haut de son bras pour lui permettre de s’amuser à nouveau. Satisfaite, la marionnette agita son bras moussu en guise d’au revoir et réintégra sa plante.

Ylméria se redressa et s’épousseta.

— Bien, il est temps d’aller rejoindre Yomi.

Mère devança la jeune femme et Vyrian retrouva rapidement à l’étage. Yomi avait procédé à plusieurs essayages et ses tenues se retrouvaient éparpillées sur le sol déjà bien encombré. Elle avait revêtu un pantalon moulant recouvert par une tunique bleu électrique, sans manche, dont l'un des côtés, plus long, descendait jusqu'à mi-mollet ainsi que des coudières en tissu et d'épais gants.

Ylméria rejoignit sa sœur et l'aida à finir de se préparer, coiffant ses cheveux en une tresse serrée.

— Te voilà prête.

— Pourquoi s'encombrer avec cette tenue ?

— C'est la tenue réglementaire, pour que tout le monde soit dans les mêmes dispositions.

— C'est n'importe quoi. À la fin de cet examen, on sera autonome, mais personne ne nous aura appris à affronter de vrais dangers, nous serons juste bons à parader. Tu crois vraiment que des brigands vont se gêner d’avoir une tenue personnalisée avec des poches remplies d'armes ? Cette cérémonie est bidon !

Ylméria ne prit pas la peine de répondre et balança à la jeune femme une épaisse cape bleue nuit, recouverte de poussière. Yomi toussa en la réceptionnant, devant le regard amusé de sa sœur.

— Enfile-ça ! Je t’attends en bas et oublie pas de vérifier ton équipement !

Ylméria tourna les talons laissant sa sœur finir de s’apprêter. Yomi finit de se débattre avec la cape et la revêtit. Elle saisit son bâton et en déclipsa les extrémités. Deux dagues apparurent. Yomi réalisa une série de moulinets. La lumière du soleil se réverbéra sur les lames, projetant aux quatre coins de la pièce une myriade de couleurs qui se superposèrent à l'ombre de la jeune femme.

D’une torsion de poignet, la Mysticienne lança l'un de ses couteaux. L'arme effectua une rotation dans les airs avant de redescendre, pommeau vers le bas, et d'atterrir sur l'extrémité du manche de la seconde. Les poignées fusionnèrent. La jeune femme passa sa double-lame dans son dos et reprit ses moulinets. Elle enchaîna par quelques estocades avant de pivoter sur elle-même en visant une cible imaginaire. Elle arma son bras, fit coulisser d'un habile mouvement de doigts les bagues présentes sur le manche et la lame le réintégra en tournant sur elle-même. Satisfaite, elle envoya sa lance nouvellement formée. L'arme ondula dans les airs et, avant qu'elle ne se fiche dans le mur, Yomi exécuta une rapide roulade et la réceptionna au vol. Elle fit rentrer la seconde lame, exerça une légère torsion de la structure du centre vers les extrémités. L'armature suivit ses mouvements et s'arqua, tandis qu’un compartiment s'ouvrait. Yomi saisit la corde et la flèche qui se présentèrent, banda l'arc en direction de la porte. Elle tint cette position pendant quelques secondes, légèrement essoufflée et décoiffée, puis laissa ses bras retomber le long de son corps.

La jeune femme serra les poings et se mordit la lèvre.

— Juste bonne à parader.

Vyrian, quant à lui était subjugué, l’enchaînement ne lui avait pris qu'un instant. Si bien qu’il n'avait pas prêté attention à l'onglet encyclopédique qui s'était ouvert sur une représentation 3D de l'arme. Il pouvait voir les mécanismes à l’œuvre dans cette ingénieuse invention. Les matériaux sélectionnés conféraient à la fois souplesse et solidité à l’instrument tout en conservant son équilibre et sa légèreté. Vyrian prit note du nom de la technologie, "arme convertible" et referma l'onglet. Impressionné par la maîtrise de la jeune femme, il voulut en savoir plus sur les Mysticiens, mais un cri mit fin à ses interrogations.

Yomi se tenait la main, alors que son bâton roulait mollement sur le sol. Sa peau enflait. Des stries apparaissaient. D'abord anarchiques, elles s'organisèrent sur le dos de sa main gauche. Un symbole à trois branches apparut. Les ramifications qui le composaient se rejoignaient pour former un triangle. Chaque branche avait une extrémité différente : l’une était constituée d’engrenages, une autre de volutes d’énergie et la dernière d’une double hélice. L'étrange dessin disparut aussi soudainement qu'il était apparu. Vyrian observa Yomi palper sa main avec précaution, mais rien ne se produisit. L'expression de la jeune femme resta inchangée, aucun cri ne franchit ses lèvres. Elle avait beau regarder sa main sous tous les angles, le symbole n'y figurait plus.

— Qu'est-ce que ...

Yomi n’acheva pas sa phrase. Elle se précipita à son bureau, sortit une feuille et dessina le symbole. Une fois terminé, elle plia le papier et le fourra dans sa poche. Vyrian supposa qu'elle le montrerait à son mentor dès qu'elle en aurait l'occasion. La jeune femme revint sur ses pas, ramassa son arme et après s'être assurée que sa prise était bonne, elle jeta un dernier regard à sa main. Plus aucune trace du symbole. Des cloches sonnèrent non loin et firent sursauter la jeune femme qui se précipita dans la cage d'escalier pour rejoindre sa sœur.

L’apparition du tatouage donnait une inquiétude supplémentaire au chercheur. Les événements s’enchaînaient bien plus vite qu’il ne l’aurait pensé. Il aurait aimé bénéficier de plus de temps pour découvrir ces mondes.

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