Axe 1 : L'Ere de la Rupture

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Morceau d'une histoire entièrement fictive, invitée spécialement pour ce défi, donc aucune suite n'est prévue. Bonne lecture ;)

« À l'Ere de l'Enfance, les Demoiselles Nature grandissaient en harmonie avec l'Humanité, sous la vigilante présence de leur Créateur. Ainsi, le Monde connût son âge d'or ; la fraterie coexistait sans qu'aucunes des deux parties n'empiètrent sur la seconde. Hélas, comme dans toutes relations à long terme, les conflits arrivèrent à l'Ere du Détour. Les Demoiselles Nature souhaitaient une plus grande reconaissance de la part de l'Humanité. Au fil des décennies, elles se plaignèrent du manque de considération envers ses insectes, ses sources, ses plantes et son abondante richesse utilisée à tort et à travers par l'Humanité. Il n'y eut pas de voix arbitraire pour calmer les soeurs et les frères. Fatalement, le Monde entra en perdition. La peur s'empara de tout esprit humain, la méfiance de tout végétal. Cependant, l'Humanité et les Demoiselles Nature ignoraient une chose. Chose qu'ils apprirent à leurs dépens. Sans humains pour les choyer, les complimenter, les faire rougir, les Demoiselles Nature dépérissaient silencieusement en une lente agonie. Il en vallait de même pour l'Humanité, qui déclinait à vue d'oeil. L'Océan de Verre voulait sauver ses enfants définitvement, de manière à ce que plus jamais une erreur pareille ne se reproduise. Il divisa la terre de sa descendance en deux parties équitables qu'il disposa à sa guise, et à ce que les Demoiselles Nature ne revoient plus leurs cadets. Ainsi, les humains et la Nature sauvage vécurent chacun de leur côté, sans chercher à reprendre contact. Ce fut le début de notre ère, l'Ere de la Rupture.

« Telle est la légende, mes enfants, que nos ancêtres nous ont légués, conclu la prêtresse en déposant un couvercle sur l'encens. Depuis des millénaires, de courageuses femmes et de courageux hommes sont partis en expéditions pour retrouver nos soeurs et apaiser cette colère qui ne mérite plus d'avoir lieu d'être. Le dernier Départ date d'il y a des années, et nul n'en est jamais revenu.

Les enfants en bas âge refoulaient leurs larmes alors que les adolescents se réveillèrent lentement de leur létargie ; les plus vieux connaissaient ces vieilles histoires qu'on leur apprenait dès le berceau . Et cela faisait des années que Dania et Nielsen n'écoutaient plus que d'une oreillle distrète les contes d'Antan. Quand les deux jeunes sortirent de la grotte aux figues, le ciel diurne laissait place à la nuit et ses étoiles, qui essayaient de percer les lourds nuages gris d'été.

Comme à leur habitude, les deux amis ldévalèrent la pente en coupant par un raccourci connu d'eux seuls. Sur leur chemin, ils n'eurent qu'à tendre leurs mains pour remplir leurs poches de fruits du dragon, appelés Pithaya. L'Île tirait son nom du fruit qui y poussait en abondance, grâce au climat exotique. Le ventre bien rempli, les deux adolescents courraient à pleine vitesse. Arrivés sur la grève, Dania salua Nielsen et rejoignit sa maisonnette portuaire. L'Océan de Verre brillait de mille feus ardents ; il reflètait les poissons de cristal qui décrivaient des arches scintillantes de perles salées sous la voute céleste. Nielsen ne s'attarda pas plus longtemps pour contempler la merveilleuse vue éphémère et courut pour rejoindre le coeur du village, où on l'attendait impatiemment à la boutique. Le jeune homme passa devant la vitrine du pub "La Rose des Vents". L'odeur des cuisines se faisait sentir dans tout le quartier, mêlant les fleurs d'oranger qui serpentaient les façades en pierres à la fumée de la viande soigneusement grillée. L'on pouvait deviner le bal endiablé des silhouettes noires à travers les carreaux fumés de la devanture. À peine Nielsen eut-il passé le seuil que la patrone le réprimanda :

— As-tu vu l'heure à laquelle tu rentres ? J'en parlerai à notre tantine, elle qui te loue si responsable ! Le premier service a déjà commencé ! Hop ! hop ! hop ! du nerfs le grand, enfile ton tablier et va prendre les commandes !

— Désolé Mary-Lou, la prêtresse n'en finissait pas aujourd'hui, s'excusa Nielsen.

Il se changea en vitesse, saluant au passage son père dans la cuisine et embrassant sa deuxième soeur derrière le comptoir. Le jeune homme se fit interpeler à l'instant même par la grosse moustache de son oncle qui rentrait du boulot.

— Nielsen ! Une canette de bierre aromatisée à la cerise, s'il-te-plait. C'est pour emporter directement à la maison. Tu diras à ton père que je n'ai pas eu le temps de rester. Oh, bonsoir Salina ! Embrassez-le bien fort de ma part.

— Ça roule, Bishop ! répondit avec entrain le jeune homme.

Une fois l'oncle servi, Nielsen fila de table en table, mémorisant chaque demande et bavardant un peu des derniers potins avec les habitués. Dans ce coin de l'île, tout le monde connaissait tout le monde. Le quotidien qui rythmait le village balnéaire de Santa Angelo semblait idyllique ; aucune tache n'enlaidissait la douce peinture aux nuances pastelles depuis le Départ.

Nielsen fit quelques pas habiles vers la table des pêcheurs d'où s'élevait un mélange de voix bourrues.

— Qu'est-ce que je vous sers ? demanda-t-il sans dévetir son grand sourire.

— Sept pintes de bierre pour plus tard, et ta frimousse de suite, exigea Roseline en obligeant Nielsen à s'assoir sur la chaise face à elle. Le jeune homme ne pouvait plus se relever sans le conscentement des marins rapprochés autour de lui.

— J'espère que t'as bien nettoyé tes esgourdes ce matin, p'tit gars, se lança Roseline sous les visages attentifs de ses compagnons de navire. Avec les gars, aujourd'hui, on est allés s'attraper du bon saumon pour le marché de demain. Donc on était bien équipés, les filets révisés, hameçons apparés, la totale.

Nielsen n'osait pas l'interrompre et l'écoutait tant bien que mal, la mine un peu contrarié.

— Eh là, ça nous a fait une sacrée surprise ! Au lieu de croiser un banc de saumon, on a croisé un bateau de commerçants qui viennent du Nord de l'île ! Ils viennent jamais dans notre petit coin perdu, d'ordinaire. Ça nous a intrigués, tu comprends p'tit ? Avec les gars on a hissé les cordages et on s'est rendus sur leur gros bateau. Qui eut cru que ces gars du Nord pouvaient être accueillants ? On pensait devoir acheter quelques unes de leurs babioles pour délier leur langue, quelques pièces en échange d'informations croustillantes, mais c'était inutile ! Leur capitaine, c'était une véritable fontaine à paroles ! Bavards, le gars, pire que moi, tu vois un peu ?

Le jeune homme ne voyait pas ce qu'il avait à voir dans cette histoire aux antipodes du passionant. Il se fit violence pour ne pas la remballer immédiatement et reprendre son service. Mary-Lou allait encore lui courir après !

— Il nous a offert le digeo et nous a déballé son affaire, continua Roseline. Là où ça se gâte, c'est que le gars en savait beaucoup sur notre patelin, et que lui et son équipage n'avaient pas fini dans les eaux de Santa Angelo pour admirer les poissons cristaux.

Roseline prit une grosse inspiration et planta ses deux billes ambrées qui lui servaient d'yeux dans ceux de Nielsen alors que les autres pecheurs détournaient leur regard. La pêcheuse annonça sur un ton grave :

— Elle est de retour. »

De la suie venait d'être balancée sur le tableau de la vie de Nielsen.

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