Vert. Mouvement vers la gauche. Rouge. Mouvement vers la droite. Un temps d’arrêt, et reprise. La circulation des véhicules était parfaitement orchestrée dans toute la ville. Même ici, dans ce recoin insalubre d’un quartier défavorisé, personne n’osait enfreindre la signalétique à cet embranchement ordinaire.

Elle observait ce ballet depuis un moment, assise sur un banc, au bord d’une petite place située à la jonction des deux rues. Son téléphone vibra. Elle le sortit et regarda le message. Elle avait modifié elle-même son portable, objet que tous les citoyens recevaient de l’État, afin qu’il ne puisse pas être mis sur écoute sans qu’elle ne le sache. Elle avait aussi passé plusieurs jours à démonter et remonter tous les appareils utilisés par les autres membres de son groupe. Après avoir consulté les instructions, elle rangea son téléphone. Elle se leva et commença à marcher sur le trottoir gris. Elle traversa, et changea de rue. Par habitude, elle compta le nombre de pas entre chaque caméra camouflée. Cinquante. Odysseus était impitoyable. Elle marchait d’un pas tranquille, s’éloignant des zones fréquentées. On lui avait indiqué une cible dans les environs. Elle se rapprochait de son objectif, affectant de se promener sans but. Dans un quartier réputé malfamé. Enfin, elle était assez crédible en se rendant ici. Odysseus savait qu’elle se rendait souvent par là. Elle devait s’être constitué une réputation de vagabonde auprès de lui. Ou... de ça. Personne ne savait vraiment ce que c’était. Toujours était-il qu’il savait qu’elle venait d’un quartier aisé, et qu’elle se baladait souvent un peu partout dans la ville. Elle repéra un passant, et sut que c’était sa cible. En fait, il n’y avait personne d’autre qu’eux dans la rue. Cela lui facilitait la tâche, mais en même temps elle n’avait plus l’avantage de la discrétion. De toute façon, elle savait que chaque mission pouvait être la dernière. Il marchait à quelques pas devant elle, l’air de flâner en profitant de sa promenade. Dans un décor plus ou moins délabré. De dos, elle lui donnait à peu près le même âge qu’elle. Combien d’armes cachait-il sur lui? Il paraissait se diriger au hasard, mais aucun d’eux n’était dupe. Elle le suivit jusqu’à une avenue du bord de ce quartier périphérique. Elle lui laissait un peu d’avance, maintenant les apparences même si c’était inutile. Il tourna à l’angle d’une rue. Lorsqu’elle y arriva, il avait disparu. Classique. Elle poursuivit sa marche comme si de rien n’était. Un peu plus tard, elle entendit des pas derrière elle. Au rythme, elle sut que c’était lui. Normalement, elle devrait avoir le temps de...

L’infime déclic d’un pistolet qu’on arme. Le son de la détente. Le tempo d’une balle de pompe. Le craquement des os. Le murmure d’une effusion de sang. Le bruit sourd d’un corps qui tombe. Le soupir de l’agonie.

La musique de la mort. pensa-t-il.

Il jeta à peine un regard au corps de celle qu’il venait d’abattre. Il vérifia qu’il n’y avait personne dans les parages. Mais qui viendrait par ici?

« Odysseus, disparition du corps. »

Cinq secondes plus tard, des appareils arrivaient pour le nettoyage et la récupération d’indices. Il s’en alla d’un pas tranquille. Avant d’arriver aux artères plus fréquentées de la ville, il rengaina son arme. Un merveilleux modèle, ce pistolet à pompe. Il avait toujours aimé les armes un peu sanglantes. Une simple balle, c’était propre et efficace. Une cartouche de plombs, ça ajoutait au spectacle. Il se rendit à pied jusqu’au quartier général. Une fois à l’intérieur, il alla directement faire son rapport.

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L’idée de l’appât a fonctionné. Le lieutenant rebelle a été éliminé.

Puis il alla s’installer dans son bureau. Quelques instants plus tard, sa coéquipière le rejoignit.

« Ah, tu es rentré. Comment ça s’est passé, Ulysse? »