10ème partie

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(Deux nouveaux personnages entrent en scène. L'un est tiré à quatre épingles dans son costume noir, il tient une sacoche de cuir à la main et semble très imbus de lui-même. L'autre, plus décontracté porte un sac-à-dos et des baskets)

Femme : Yvan ?

(Elle s'adresse à l'homme en costume)

L'humaniste : Eh oui, Yvan ! Ça fait une demi-heure que j'ai quitté mon travail et que je poireaute dans le hall d'accueil ! Une demi-heure que je t’attends dans le froid ! Mais qu’est-ce que tu faisais, bon sang ?

Femme : Pardonnes-moi mon chéri, je n'ai pas vu l'heure. Je discutais avec des gens très intéressants et d'avis divergents, et j'ai oublié le temps. Tu ne m'en veux pas, j'espère ?

L'humaniste : Non... non...ça va... Tiens, au fait, tu ne connais pas Gaston ?

Femme : Je ne crois pas, non...

L'humaniste : Gaston Lapelouse ! Tu sais, le fils de la voisine dont je t'ai parlé l'autre jour ?

Femme : Ah oui ! Bien sûr ! Gaston Lapelouse ! Bonjour, comment allez-vous ? Et votre maman ? Comment se porte-t-elle ?

L'écologiste : Bien... Je vous remercie.

Femme : Et vous travaillez dans la tour, vous aussi ?

L'écologiste : Non, je suis prestataire de service. C'est moi qui gère le nettoyage des locaux. BIO C'NET, c'est moi ! C'est mon entreprise ! Bon, une toute petite entreprise pour le moment, puisque nous ne sommes encore que sept. Mais enfin, ça grimpe... ça grimpe.

Femme : Et vous vous êtes croisez dans le hall d'accueil, tous les deux avec Yvan ?

L'écologiste : Tout juste ! Votre ami m'a dit qu'il s'impatientait de ne pas vous voir et que vous ne répondiez pas au téléphone. Comme nous étions partis à discuter en plein courant d'air, il m'a proposé d’aller prendre une boisson chaude et nous réchauffer à votre étage.

Femme : Il a bien fait... Il a bien fait... Chéri, pardon, mais mon téléphone est resté dans mon bureau.

L'humaniste : Mmm...

Femme : Au fait, je ne t'ai pas présenté Adam ? Adam Labrosse, un collègue de la compta.

L'humaniste : Monsieur.

Le chrétien : Monsieur.

Femme : Yvan Pèreetmère, mon compagnon, Adam Labrosse. Ah ! Et aussi, Gaston Lapelouse, le fils d'une de nos voisines.

L'écologiste : Monsieur.

L'humaniste : Et quelle était donc ce sujet si  absorbant qui vous a fait oublié le temps ?

Femme : Une question me turlupinait depuis le début de la journée, et tu sais comment je suis. Tu sais que quand quelque chose me turlupine, je ne cesse d'y penser. Par chance, j'ai eu des personnes de qualités et d'horizons différents qui ont essayé de répondre à mon questionnement.

L'humaniste : Y sont-ils arrivés ?

Femme : Plus ou moins...

L'humaniste : Et quelle était donc cette chose qui te tracassait tant ?

Femme : Bien que je connaisse déjà ton point de vue - que je ne partage pas - je m'interrogeais sur la nature de l’être humain. Je me demandais si l’homme était un animal comme les autres...

L'humaniste : Et c'est pour ça que tu m'as fais attendre ! Pour une question qui peut se résoudre en à peine deux minutes ! L’homme n’a rien d’un animal, point à la ligne !

Femme : Non, pas point à la ligne, Yvan ! Tout n'est pas aussi simple que tu le voudrais. Je n'ai pas tes certitudes, moi ! Je m'interroge, je considère, je pèse le pour et le contre, mais rien ! Je ne parviens pas à me positionner !

L'humaniste : L'humanité est parfaite, et l'homme est au sommet de la pyramide ! Cette vision animaliste selon laquelle "l'homme serait un animal comme les autres", est une hérésie ! L'animal n’est absolument pas comparable à l'homme !

L'écologiste : Comment ça, pas de comparaison ?

L'humaniste : l’homme est au-dessus de la création animale ! Il n’a rien à voir avec les animaux !

L'écologiste : Eh bien, je ne vous pensez pas aussi obtus et inhumain, monsieur Pèreetmère ! Cela m’étonne de vous... et cela m’attriste aussi...

L'humaniste : Oh, laissons-là ces considérations. Nous n’allons pas nous fâcher pour savoir si les animaux sont ceci ou cela. Tout cela n’est d’aucune importance.

L'écologiste : D’aucune importance ? Mais au contraire, cela en a beaucoup ! Tenez, par exemple, vous parliez de non-comparaison entre l’homme et l’animal, et bien je vous demande pourquoi ?

L'humaniste : Parce que ! Tout simplement ! Passons à autre chose, voulez-vous !

L'écologiste : Non ! Pas question ! Vous avez touché un point sensible et je ne me tairai pas sans avoir dit ce que j’ai sur le cœur ! Bien sûr, vous préféreriez que nous changions de conversation ! Cela vous arrangerez, vous et vos petits copains les humanistes indifférents à la souffrance animale, que nous, les voix de ceux que l’on maltraite au nom de la jouissance de l’homme, nous fermions nos bouches ! Malheureusement pour vous, ça ne marche pas comme ça ! Non ! En tant qu’hommes avec des droits, nous avons droit à la parole. Ouvrez-bien vos oreilles monsieur Pèreetmère ! Pour en revenir à la comparaison qui vous offusquez tout à l’heure, je sais que cela vous dédouane de ne pas avoir à comparer l'homme et l'animal. Oui, parce que si vous deviez le faire, vous verriez que l'animal est totalement ignoré dans son identité dégradée d’animal ! Les humanistes tels que vous, ont fait une coupure franche entre l'homme et l'animal, au profit exclusif de l’homme. Mais l’homme est-il aussi parfait, qu’il n’ait aucun devoir envers la Terre et s’octroie le droit de faire n’importe quoi, n’importe comment ? L’humanité est-elle le point culminant de l’univers pour que l’homme s’autorise à bafouer sans vergogne, la nature et tout le reste du vivant ?

L'humaniste : Une identité ? Les animaux ? Mais c'est une blague Gaston ? Vous voulez rire ?

L'écologiste : Croyez-vous que j'ai envie de rire quand je songe aux horreurs que l’animal subit dans nos pays "civilisés" ? Croyez-vous que j'ai le cœur à plaisanter quand je sais que la souffrance animale n'est rien en comparaison d'une assiette de viande ? Après tout - pour vous - ce ne sont que des bêtes. De vulgaires bestioles sans conscience ni émotion, sur lesquelles on ne doit pas s'apitoyer. N’est-ce pas ? Selon vous, c’est une perte de temps, que de se pencher sur la condition des bestioles qui sont justes bonnes à vous remplir les bedaines !

L'humaniste : Vos réactions sont extrêmes ! On croirait entendre un de ces défenseurs de la cause animale. En seriez-vous un ? (Voix forte et accusatrice)

Femme : Et alors Yvan ? Et alors ? N'en a-t-il pas le droit ?

L'écologiste : En quelque sorte. Disons que je suis plutôt un défenseur de mon monde et de toutes formes de vies dans ce monde. C'est comme pour la nature, tant que l'homme l'a craignait, il l'a respectait, mais quand il s'est cru plus fort qu'elle et qu’il a vu qu'il pouvait l'assujettir technologiquement, il a commencé à la maltraiter et à l’utiliser selon son bon vouloir. Quid de la biodiversité ? L’homme fait partie d’un écosystème, il n'en est pas le maître ! L'homme n'a pas l'exclusivité de la Terre ! Depuis des décennies, l'homme détruit et maltraite la nature et les animaux ! Il est temps que ça s’arrête ! Il est temps que l'homme prenne enfin conscience qu’il ne peut pas faire ce qu’il veut avec cette planète ! L’homme se pense le plus fort, seulement, un jour ou l'autre, la nature reprendra ses droits. Elle reprend toujours ses droits...

L'humaniste : À vous entendre Gaston, on pourrait croire que je suis un monstre qui n’a pas de cœur. C’est faux. Vous vous trompez. J’ai une certaine affection pour les animaux. Nous en avons d’ailleurs un à la maison. Un boxer que nous avons baptisé "Canaillou".

L'écologiste : Laissez-moi rire ! Vous dites apprécier les animaux, sous prétexte qu’il y a un gentil toutou chez vous. Une peluche apprivoisée qui vous obéit au doigt et à l’œil, et que vous avez certainement éduqué et dressé pour faire pipi dans les clous. Non, ceci n’a rien à voir. L’animal de compagnie est une autre forme de nombrilisme. S’acheter un toutou est un acte personnel et égoïste. Acquérir un chien, ne sert qu’à se faire du bien. À se faire plaisir... Cela n'a rien d'altruiste et de désintéressé...

L'humaniste : Mais, au fond, quel est votre combat, Gaston ? Vous vous battez contre les hommes pour défendre les animaux ? Vous adorez les animaux au détriment des hommes ? L’homme a-t-il encore de la valeur à vos yeux ? Où va votre préférence, à l’homme ou la bête ?

L'écologiste : J’aime et je respecte tous les êtres vivants présents sur cette Terre, quelque que soit la nature de ce vivant. Pour moi, quelque puisse être sa fonction et ses capacités, tout ce qui existe, est digne de respect et ne peut être considéré comme une sous-espèce ou un déchet !

Femme : C'est une bonne chose Gaston ! Une bonne chose !

L'humaniste : Mais qui blâmez-vous ? Pourquoi s’en prendre aux humanistes ? Nous ne sommes pas pires que les autres. Nous tentons d’augmenter le bien-être de l’homme ; d'éradiquer la maladie, le handicap ; de reculer la vieillesse et la mort. Est-ce mal ?

Le Le chrétien continue de jouer les prophètes de malheur.)

Le chrétien : Ainsi parle l'Éternel, maudit soit l'homme qui se confie dans un être humain, qui prend la chair pour son appui, et qui écarte son cœur de l'Éternel ! Béni soit l'homme qui se confie en l'Éternel, et dont l'Éternel est l'assurance !

L'écologiste : Vous, les humanistes qui jouaient les apprentis sorciers avec le transhumanisme, ne vous croyez pas "tout puissant" ! Votre inhumanité ne fait pas l'unanimité, soyez-en sûrs ! L'empathie, l'amour, l'affection, l'attachement, ne sont pas des sentiments réservés au seul genre humain. Chez les animaux observés, à quelques exceptions prés, on a pu constater que l’animal était capable d'empathie et d'amour envers ses congénères. C'est d'ailleurs grâce à ses dispositions naturelles que les animaux parviennent à vivre ensemble sans se dévorer ou chercher à s’entre-tuer. C'est grâce à cela qu'ils se reproduisent ; qu'ils procréent dans des lieux sûrs et assurent ainsi la continuité de leur espèce. C'est grâce à cette sensibilité intuitive et instinctive, qu'ils prennent soin des plus fragiles au sein de leur groupe ; qu'ils défendent les leurs en usant de force ou d'astuces ; qu'ils se protègent du climat et des attaques en se rassemblant ; qu'ils s'entraident et se prodiguent de l'affection...

L'humaniste : Qu'il soit sortit des mains de mère Nature, ou qu'il fut crée par Dieu, l'être humain est l'être humain ! L'animal n'est rien en comparaison de l’homme !

Le chrétien : Monsieur, vous et vos amis humanistes, êtes autocentrés sur vous ! Vous êtes dans une auto-idolâtrie qui vous mènera au vide et au chaos ! Sachez-le monsieur ! L'arrogance de l'homme sera courbée et son orgueil sera abaissé. Un jour, monsieur, L'Éternel seul sera élevé !

L'écologiste : Pfft... Parlons-en de la religion ! Durant des siècles, l’église a proclamé que les animaux n'avaient pas d'âme, et a fermé les yeux sur la destruction de la Terre et de la faune en s'appuyant sur leur verset de la Bible "Croissez et multipliez-vous, remplissez la Terre et soumettez-la" !

Le chrétien : Et alors ? Ce n’est pas pire que la science et les laboratoires qui ont fait des dégâts parmi la population animale ! Pas pire que l’humanisme qui a élevé l'homme au-dessus de toute la création et catégorisé l’animal en tant que "chose" ! Pas pire que les gouvernements qui ont permis l'abattage à outrance et l'élevage intensif !

(La femme parle seule en écho à ce qui se dit. Elle est triste avec un air désolé)

Femme : L'élevage intensif... L'abattage à outrance... L'humanité n'a plus de cœur... plus de cœur...

L'humaniste : Et alors, l'élevage intensif et l'abattage à outrance ? Et alors ? Le monde bouge, progresse et avance ! À un moment donné, on ne peut plus se permettre de faire du sentimentalisme !

L'écologiste : Mais, ouvrez les yeux ! Nous vivons dans un monde étonnant et unique ! Malgré ses imperfections, essayez plutôt d’œuvrer à le rendre plus beau, plus juste et plus solidaire, au lieu de penser à votre nombril ! Plutôt que de détruire ce qu'il y a de plus beau en lui, essayez de vivre en harmonie avec la nature avec les espèces vivantes qui l'habitent, ça vous rendra plus humble et ça vous ouvrira des horizons de compréhension et de tolérance !

L'humaniste : Gaston, vous êtes un rêveur et un utopiste ! Redescendez sur Terre et penchez-vous sur la question de l’homme, à la place d'user votre énergie pour la protection des bestioles.

Femme : Yvan ! Ce n’est pas parce que toi, tu penses ainsi, que Gaston est dans l’erreur !

L'humaniste : Mmm...

Femme : Dites-moi Gaston, vous qui appréciez particulièrement les animaux, dites-moi ce que vous pensez du fait, que nous, êtres humains, soyons cousins de ces singes qui font l’amour à toutes heures de la journée et avec toutes sortes de partenaires ?

L'écologiste : Je dis que ces animaux ont tout compris !

Femme : Mais comment donc ? Vous insinuez que nous devrions nous comporter comme des bêtes et forniquer en continu ?

L'écologiste : Nullement ! Leur méthode est très primaire, je vous l'accorde... Cependant, elle ne vient pas d'une volonté perverse et d'une réaction compulsive, mais plutôt d'une nécessité de régler les conflits par la relation et par la proximité.

Femme : Mmm... (Moue dubitative et hochement de tête non convaincu)

L'écologiste : Oui ! Les bonobos - puisque c'est d'eux dont il s’agit - font l’amour en termes de relations sociales. La sexualité est leur mode de communication principale. Plutôt que de s'entre-déchirer, ils ont choisi de faire l'amour plutôt que la guerre. Même si la méthode ne peut se transposer à l'homme, l’intention reste louable.

Femme : Mmm... soit... Mais enfin, tout de même, imaginez-vous que nous n'ayons pas eu ce 1 pour cent et quelques, qui nous distingue de ce singe et nous permet d'avoir de la jugeote et le la réflexion ? Imaginez, si nous n’avions pas eu cette différence fondamentale, notre monde serait un vaste bordel ?

L'écologiste : Ouais, un grand baisodrome !

Femme : Oui, un lupanar à ciel ouvert ! Pfft... Eh bien, nous l'avons échappé belle... (Soupir)

L'écologiste : M'ouais... Pas si sûr... Regardez les hommes et leur relation au sexe. Le sexe crée l’attachement et apaise bien des conflits.

Femme : C’est vrai, si on y songe... C’est vrai que les colères se règlent parfois sur l'oreiller...

L'écologiste : Vous voyez ! Il y a bien quelque chose du bonobo en nous...

(Énervé, et comme s'il était sous inspiration divine, le Le chrétien débite ses verset comme un prophète des derniers jours prévenant du jugement dernier)

Le chrétien : D'où viennent les luttes, et d'où viennent les querelles parmi vous ? N'est-ce pas de vos passions qui combattent dans vos membres? Confiez-vous en Dieu ! Il vous donnera la paix qui surpasse toutes paix ! Confiez-vous en Lui avant qu'il ne soit trop tard !

Homme 6 : Dieu ! La  belle affaire ! Dieu est une fabrication humaine ! Une illusion ! Un produit de l’imagination ! Un palliatif au déficit existentiel de l’homme ! La foi quant à elle, est une aliénation de l’homme projetant un absolu de vie et de pensées sur Dieu ! L'homme amélioré et son devenir, voici une noble cause et un fort beau programme. L'homme de demain - le "post-humain" - voilà la seule cause légitime et défendable de ce bas-monde !

(Bible en main, le Le chrétien égrène des versets)

Le chrétien : Prenez garde ! Prenez bien garde ! Sachant avant tout, que dans les derniers jours, il viendra des moqueurs avec leurs railleries, marchant selon leurs propres convoitises, ne vous confiez pas en l'être humain dans les narines duquel il n'y a qu'un souffle. Car, de quelle valeur est-il ?

L'humaniste : Jean-Paul Sartre considérait "que la Foi était illusoire et que Dieu privait l’homme de la plénitude de sa liberté". Restez dans vos dogmes si cela vous satisfait, mais laissez à l'homme sa liberté !

Le chrétien : L'homme est capable du pire comme du meilleur, mais quand Dieu est balayé, il reste un trou en forme de vide, que l'on remplit par l'argent, le sexe, le pouvoir... Par tout et par n'importe quoi...

Femme : Oui, il y a certainement un vide en forme de Dieu que rien ne peut combler... Il n’empêche,  ma question demeure... Suis-je ou ne suis-je pas ? Suis-je homme ou animal ? Suis-je un animal comme les autres ? (s’adressant au public) Et vous, qu’en dites-vous ?

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