Chapitre 3 : La tribu des géants (Aldur)

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Aldur leva sa nouvelle hache, contemplant ému la finesse de l’ouvrage qui composait l’arme. Le fer de la hache brillait de mille feux, les rayons du soleil se reflétant sur le métal tel un miroir. Le manche de la hache en os était ciselé de superbe façon, un loup en pleine course mêlé à une flamme y étaient représentés à la base, une merveille.

Dès qu’il avait vu l’arme, il avait très vite réalisé que le niveau de compétence d’artisanat qu’il avait fallu déployer pour forger cette hache dépassait de loin ses connaissances de forgeron. En effet c’était lui qui avait forgé la hache et le bouclier qu’il avait utilisé durant sa formation de Parle-Braises, ainsi que tout le reste de son équipement. Cette passion pour la forge l’avait pris bien avant de devenir un Parle-Braises, d’après Rayba son affinité avec le fer et la flamme était un premier signe de son don.

Une journée s’était écoulée depuis la cérémonie d’intronisation du jeune homme. À la suite de quoi le village avait donné une grande fête, où l’hydromel et la bière avaient coulé à flot. Bien qu’il ait étanché sa faim en viande de gibier et de galettes de céréales, Aldur n’avait pas bu la moindre goutte d’alcool, il n’avait pas ressenti le besoin de s’enivrer cette nuit-là. Il avait déjà bu de l’alcool certes et en avait apprécié les effets au début, mais la gueule de bois qui avait suivi l’avait convaincu que l’alcool en forte consommation lui ferait plus de mal que de bien. De plus il avait encore besoin de repos, et il avait des projets pour le lendemain. Il sentait le besoin urgent de tester son nouvel équipement au combat.

Il se dirigeait donc vers la grande bâtisse construite sur la colline surplombant le village, dont la forme ovale lui donnait des airs d’arènes de combat. Ce bâtiment de pierre, de bois et d’os servait de salle d’armes aux guerriers du village mais aussi de maison au maître d’armes. Hache à la main, Aldur poussa la porte en bois massif du bâtiment. Devant lui s’étendait un large terrain d’entrainement sur lequel étaient placés, d’un côté, plusieurs mannequins de bois cloutés à certains endroits, et de l’autre des carrés de sables délimités par des cordes reliées via des poteaux en bois.

Au lendemain d’une fête à cette heure matinale, où le soleil commençait tout juste à se dévoiler au-dessus des pics montagneux, le terrain était bien sûr désert. Mais Aldur se moquait de cela, il était là pour pratiquer l’art du combat. D’un pas assuré, le Parle-Braises se dirigea vers les mannequins d’entrainement. Il se mit en garde face à l’assemblage de bois et de clous, leva sa hache et frappa.

La hache d’acier volcanique émit un sifflement dans les airs qui se conclut en un choc métallique brutal et clair, un bruit presque mélodieux aux oreilles d’Aldur, pour le forgeron qu’il était. Une arme capable de produire un tel son ne pouvait qu’être de facture exceptionnelle. Savoir cela renforçait la fierté du jeune homme d’avoir obtenu ses galons de Parle-Braises avec cette hache.

Dans ses puissantes mains, l’arme voltigeait et frappait le mannequin avec force et vitesse. Cette hache semblait lourde au premier abord pourtant dans les mains d’Aldur elle était d’une grande légèreté.

Alors qu’il répétait ses mouvements, se familiarisant peu à peu avec sa nouvelle arme, Aldur réalisa qu’il ne lui avait pas encore donné de nom. Or une telle arme méritait qu’on lui donne un nom puissant et mémorable. Il se mit à marmonner les noms possibles pour sa hache.


 « Vulca…Non…Fire-Claw…Non…

Mais il avait beau réfléchir, Aldur n’arrivait pas à trouver un nom adéquat.

 -Ce n’est pas comme ça que tu trouveras un nom pour cette hache Aldur.


Le jeune stoppa ses enchaînements et se retourna en direction de la voix. A sa gauche se tenait un homme à la silhouette fine et élancée, dont émanait pourtant une puissance guerrière indéniable. Seulement ce n’était pas un homme, ses oreilles pointues et sa peau noire comme l’acier trahissait sa véritable nature. Cet individu était un drow : un elfe noir.


 -Bonjour maître Al ’varis.

Répondit Aldur, saluant ainsi le maître d’armes du clan et gardien de la bâtisse.

 -Vos frères ne sont pas là ?? Demanda le jeune guerrier.

L’elfe fit non de la tête.

 -Ils dorment encore à cette heure, surtout après la fête d’hier soir. Ha-ha-ha !

Dit-il en riant.


En dépit de ce que l’on pouvait croire, le clan des loups écarlates n’était pas composé exclusivement d’humains. En effet, il y a près de trois siècles dans le nord de l’empire une guerre entre une coalition de drow et une tribu humaine nommées les loups de fer, chassa bon nombre de tribu de leurs terres.

Si certains des drows et des humains extérieurs au conflit fuirent vers le sud chacun de leur côté, d’autres lassés d’être pris dans le feu croisé des combats partirent vers le nord, suivant la voix des esprits. C’est de cette union que naquit le clan des loups écarlates, et aujourd’hui beaucoup d’enfants sont des semi-elfe ou des petits-enfants d’elfe.

Mais ce n’était pas le cas d’Al’ varis : il était l’un des premiers elfes, il était là depuis le début. Il avait vu cette guerre, l’exil des siens et des humains. Son ancienneté lui valait le respect de ses pairs et des Parle-Braises, tous le considéraient de ce fait comme le représentant des drows au sein du clan. En tant qu’ancien maître d’armes de son clan elfique, il avait pris sur lui la charge de former les guerriers du clan. Une tâche dont il s’acquittait avec une quasi-perfection.


 « J’ai beau chercher, je n’arrive pas à trouver de nom approprié pour ma hache. Reprit le jeune          homme.

 -Je vois ça mon cher disciple. La raison de ton problème est simple : elle n’a pas encore fait couler      le sang. Une fois que tu l’auras suffisamment maniée au combat son nom te sera révélé.

Lui répondit l’elfe.

 -Vraiment ?

 -Crois en mon expérience de vétéran.


Aldur eut un petit rire aux paroles du maître d’armes, il savait bien que « l’expérience » dont il parlait dépassait celle de tous les autres membres du clan, même celle de Rayba.


 -Je constate que tu ressens le besoin de t’exercer, alors à défaut de t’assigner un partenaire de ton      niveau je te propose d’être ton adversaire. Allez en garde gamin !


Sans laisser à Aldur le temps de répondre, Al’ Varis se mit en garde et chargea le jeune home lance en avant.

Le temps sembla ralentir, Aldur vit la pointe de la lance d’acier rouge sang fondre sur son visage. Levant d’instinct le bras gauche, in extremis sa targe bloqua le javelot. L’acier drow crissa sur les écailles tannées produisant une gerbe d’étincelles.

Aldur se dégagea d’un revers du bras, et riposta d’un coup de pied dans le sternum. Al’ Varis culbuta en arrière le souffle coupé.


 « Non mais ! Décidément je ne me ferai jamais à votre manie de lancer des attaques surprises.

 -Pourtant…toux…ça te réussit, tu m’as bloqué et repoussé avec une facilité proche de l’instinct. »


Aldur ne répliqua pas, il savait que l’elfe avait raison. C’est grâce aux méthodes brusques et peu orthodoxes d’Al’ Varis qu’il avait acquis la maîtrise des armes et les réflexes quasi surhumains qui lui avaient permis de triompher du serpent des glaces. On pouvait donc critiquer le maître autant que l’on voulait sur sa méthode d’enseignement, on ne pouvait pourtant en réfuter les résultats.

Aldur hocha la tête et se mit en garde. Il se ramassa sur lui-même, sa colonne vertébrale et les muscles de son dos se tendirent comme la corde d’un arc. Et en un éclair la silhouette du jeune guerrier se mua en une forme floue d’acier et d’écailles sombres.

Levant son arme au-dessus de sa tête Aldur l’abattit a une vitesse fulgurante droit sur la tête d’Al’ Varis. Malgré la puissance de l’attaque, le drow ne laissa paraître aucune surprise et avec une grâce et une dextérité dont lui seul avait le secret, il fit tournoyer sa lance d’acier écarlate et fit glisser le fer de la hache de son adversaire le long de la hampe.

Il tenta de déséquilibrer Aldur, mais le jeune humain tournoya sur lui-même utilisant l’élan de sa précédente attaque pour asséner une puissante frappe latérale. Al’ Varis para l’attaque du manche d’acier de son javelot. Un violent son métallique retentit dans le terrain d’entrainement, et le maître d’armes fut projeté en arrière sur plusieurs mètres.


 « Impressionnant ! Mon apprenti. S’exclama Al’ Varis un large sourire aux lèvres dévoilant ses            dents blanches.

 -Merci maître. Répondit Aldur, une profonde satisfaction emplissant son esprit.

Le son d’une corne retentit sur les coups de midi, tirant Aldur et Al’ Varis de leur concentration martiale. Ils prirent alors conscience qu’ils s’entrainaient depuis presque 3 heures sans interruption.


 « Ils sont là. Dit Aldur tandis qu’un sourire se dessinait sur ses lèvres. Les géants.

 -Je pense que nous devrions y aller maître, nos amis les géants sont là.

 -En effet Aldur, il serait impoli d’être en retard. »


Sans plus de cérémonie les deux combattants rengainèrent leurs armes et se mirent en marche vers l’autel des esprits.

Sur le chemin, en dépit de sa fierté et de sa confiance, Aldur ne put s’empêcher de sentir l’excitation et l’angoisse monter en lui. Il s’apprêtait à rencontrer les chamans géants, les Parle-Braises primordiaux. Ceux qui avaient enseigné au clan des loups écarlates le savoir d’Ignis et de Loupa.

Lorsque le clan, guidé par les visions de ses chamans, était arrivé dans les hautes montagnes. Son peuple était épuisé et affamé. Mais ce n’est pas la mort qui vint les trouver, mais les géants. Ignis et Loupa avait guidé la tribu auprès de leur enfant.

A cette époque les tribus nomades dont étaient issus les loups écarlates, ne pouvaient communiquer avec les esprits que par l’intermédiaire de leurs chamans. Leur pouvoir ne comptait donc que la divination et n’avait rien à voir avec celui des Parle-Braises.

Il y avait certes une poignée de clans, dévouée entièrement à Loupa, qui avait réussi à se lier corps et âme à son pouvoir. Ils avaient donné naissance à ceux que le commun des mortels appelait loup-garou.

Mais les loups écarlates n’avaient aucun pouvoir de ce genre. Les chamans géants avaient transmis leur savoir au chaman du clan, et ainsi les Parle-Braises des loups écarlates étaient nés. Depuis cette époque à chaque nomination de Parle-Braises, une délégation des géants est envoyée pour saluer le nouvel initié. Et aujourd’hui c’était au tour de Aldur.

En arrivant près de l’autel le jeune Parle-Braises fut accueilli par une série d’hochement de tête et de bravade de la part des villageois. Mais Aldur n’eut pas le temps de faire attention à cela, en effet sur le plateau de l’autel des esprits se dressait cinq immenses silhouettes. Les géants.

Rayba s’avança, d’un geste de la main elle invita Aldur à s’avancer. Ce dernier s’exécuta, devant lui se trouvait cinq géants. Mesurant environ 6 mètres chacun, ils étaient vêtus de peaux de bêtes et avaient tous une barbe broussailleuse et une longue chevelure. Trois d’entre eux étaient armés de lances et d’arcs gigantesques forgés dans le même acier que la hache d’Aldur, de l’acier volcanique. Un autre portait une grande épée dans son dos, le cinquième lui portait deux haches courtes à sa ceinture.

Enfin le dernier, le plus âgé le chef du groupe, était vêtu d’une longue tunique en peau de serpent des glaces et tenait un immense bâton dont la conception était identique à celui de Rayba.

Aldur déglutit bruyamment, l’imposante stature du géant et la puissante aura magique que son lien avec les esprits lui conférait l’intimidait. Le regard inquisiteur qu’il posait sur lui n’arrangeait rien, Aldur était à deux doigts de se faire dessus.

Le chaman géant fit un pas en avant puis s’agenouilla devant Aldur. De ses grands yeux bleus, le colosse à la barbe grisonnante, dévisagea le petit humain de la tête aux pieds pendant quelques secondes. Puis il se leva.


« Je te salue jeune Parle-Braises ! Soit bienvenue dans notre ordre.


Le géant avait parlé dans l’ancienne langue, celle des géants et des esprits. Aldur pouvait certes la parler mais il avait encore quelques lacunes dans ce domaine. Malgré tout Aldur répondit au chaman en veillant de bien articuler :

-Je vous salue également grand chaman, et vous remercie de cet honneur.

À peine le jeune homme avait-il fini sa phrase que la corne d’alarme de la porte sud retentit : quelqu’un approchait du camp.

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