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D’un commun accord, ils avaient repoussé la visite de Corentin à M. Il était encore trop tôt, mais Lucas y tenait absolument. Lucas retrouva donc seul la maison familiale peu avant Noël. Comme la fois précédente, son père l’attendait. Il leur avait indiqué l’heure d’arrivée, espérant et redoutant cette présence. Autant trancher dans le vif le plus rapidement, après la tempête de la Toussaint. Lucas n’était pas sûr de l’évolution de la situation. Pris dans son tourbillon, il n’avait pas pris le temps de les appeler. Il les connaissait, trop respectueux de sa vie pour prendre de ses nouvelles.

Lucas s’avança, attendant aussi bien une invitation à repartir qu’une invitation à l’accompagner. Le sourire de son père fit retomber les saccades de son cœur.

— Lucas. Je suis content de te revoir ! Pas de nouvelles pendant deux mois ! J’ai eu peur que tu sois fâché.

Tout ce discours avant même un bonjour ! Son père avait raison. Il était parti comme un voleur et les avait oubliés.

— Bonjour, papa. Oui, désolé, mais entre les cours et le petit boulot, j’ai été débordé.

— Et surtout Corentin…

— Tu connais son nom ?

— Ta mère me l’a dit. On a beaucoup parlé. Tu sais, je suis désolé d’avoir mal réagi la dernière fois.

— Je comprends ! Je vous ai bousculé avec mes choix. Mais je voulais être franc avec vous.

— Tu as bien fait ! Arrête-toi. Je te dois des explications.

— Tu ne me dois rien ! Déjà, que tu sois venu me chercher est une chose magnifique. Je sais que c’est dur pour toi…

— Écoute-moi, sans rien dire. J’ai réagi mal, car tout est remonté. Quand j’étais aux scouts, plus jeune que toi, j’ai eu une aventure… avec un garçon. C’était le chef de patrouille, plus vieux de quelques années. J’étais mignon, un peu comme toi, un peu moins quand même. Voilà ! C’était magique. Il me vénérait et me donnait du plaisir, beaucoup. J’étais innocent, mais je savais que c’était interdit, un péché capital. Ça a duré deux semaines seulement. Les sorties après, ce n’était plus possible, et puis il est parti. Je n’ai jamais osé chercher un autre garçon. C’était complètement impossible. Ton grand-père m’aurait tué. Réellement. Tu connais ces colères. Ta grand-mère n’aurait rien compris. Je ne pouvais pas. Pourtant, qu’est-ce que j’en ai rêvé ! Jamais je n’en ai parlé ! Toi, tu arrives avec les mêmes gouts et tu les assumes, tu demandes de vivre avec. Je n’ai pas pu rester à t’écouter.

Lucas se tait, sans oser regarder son père.

— Lucas…

Le fils se jette dans les bras de son père, bouleversé par cette confession. Comment deviner cela ? Leur étreinte dura, le temps de lâcher la tension. La main de son père caressait ses cheveux, geste de tendresse tant de fois prodigué.

— Tu as gâché ta vie, alors ?

— Mais non ! J’ai rencontré ta mère. Je crois qu’elle a deviné mon faible pour les jeunes hommes, bien qu’elle n’ait jamais rien dit et que je n’ai jamais rien fait. Et puis, surtout, il y a vous, les enfants ! Ça, c’est une expérience que je ne regrette pas. Chaque naissance, chaque progrès, chaque câlin sont des aventures merveilleuses et qui te remplissent. Tenir son grand fils dans ses bras est un bonheur sans nom !

Lucas le regardait avec des yeux nouveaux. Son père reprit :

— Ce qui me fait le plus plaisir, c’est ta liberté !

— Comment ça ?

— Que tu ais pu nous parler aussi librement.

— Je ne comprends pas.

— Moi, jamais je n’aurais pu parler comme ça à mes parents. Que nous t’ayons donné cette liberté est une grande réussite. Nous avons levé le joug !

— Je ne comprends toujours pas !

— Comme toi, j’étais le seul garçon, le seul à pouvoir continuer la lignée, à transmettre le nom !

— Ah, ces conneries !

— Justement ! Tu ne te rends pas compte de ce poids ! Au fait : pour Noël, il y aura tes grands-parents. Surtout pas un mot. Il est encore persuadé que tu prépares une école d’ingénieur. Je n’ai pas eu à force de lui dire. On verra dans cinq ans… On a le temps de le préparer !

— OK, je vais jouer le rôle attendu. Tu vas voir, je ne suis pas mauvais !

— Pareil avec Rebecca et Clara, pas la peine de…

— J’ai compris. On va laisser les choses se faire doucement !

— Encore un point : tu te rends compte de tes changements ? Ton look est vraiment particulier et il va entrainer des questions. Je t’ai regardé : tu as aussi changé tes gestes… Et le piercing à l’oreille…

— OK ! Retour du petit garçon sage et bien propre sur lui !

— Lucas, ne te méprends pas ! C’est juste que nous tenons à te garder avec nous ! Au fait, dans quinze jours, je monte à Paris. Ta mère veut m’accompagner : elle aimerait faire la connaissance de Corentin !

— Et toi ?

— Devine !

— Attends !

Il ne put se retenir d’avertir Corentin de cet événement fabuleux.

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