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Lucas était à la bourre. Gaspard venait de lui indiquer qu’il y avait un tableau au CROUS avec toutes les offres. Ils avaient sympathisé et s’étaient refilé des tuyaux à force de se croiser devant chaque guichet. Deux semaines de courses ! Le logement, les inscriptions diverses, l’organisation… Sa débrouillardise et sa volonté l’avaient bien aidé. À dix-sept ans et demi, se retrouver seul et autonome dans cette ville l’avait exalté. Il avait tellement attendu son entrée à l’université, quittant enfin sa petite ville étriquée pour la grande ville, la grande vie !

Il voulait aussi trouver un boulot, non pas qu’il en ait besoin, ses parents assumant tout et plus, mais pour pouvoir se sentir libre et indépendant. Sur la centaine d’offres qui, parait-il, s’affichaient il y a quinze jours, il n’en restait que deux.

— Forcément les plus pourries, se lamenta Gaspard !

— Ou les plus récentes, corrigea Lucas l’optimiste.

— Serveur dans un fast-food de la gare ou serveur dans un club privé ! Celle-là, je te la laisse. Ce genre de chose, c’est pas mon truc.

— Bof, moi non plus ! Mais serveur au premier sous-sol, je te laisse. Je vais aller voir. On ne sait jamais…

— Tu me raconteras !

— Of course !

L’annonce était intrigante : « serveur » dans un club privé. Les guillemets l’intriguaient. « De 20 h à 24 h, certains soirs de la semaine. » Cela lui convenait, car il s’agissait sans doute des trois soirs du weekend. L’adresse était à l’autre bout de la ville, mais le métro était direct. Pas très cool, pensa Lucas, en lisant la mention « Rémunération principale au pourboire ». Mais le montant n’était pas sa préoccupation. Intrigué, il décida d’appeler. Sans risque, se disait-il.

La place était toujours libre. S’il y allait maintenant, il pouvait commencer le soir-même, s’il était embauché. Ignorant si une préparation ou un look était nécessaire, il avait accepté le rendez-vous. Une demi-heure après, il sonnait au numéro indiqué, une porte pleine, munie d’un judas. Avant, il avait vérifié le numéro, car aucune plaque, aucun signe n’indiquait ce que ce lieu était. Il attendit un long moment avant que la lourde porte s’ouvre.

Un homme vint lui ouvrir, l’invitant à le suivre. Ils traversèrent une grande salle, confortablement aménagée, avec un bar le long d’un mur. Une petite piste de danse occupait le mur opposé. Les lumières étaient au minimum, ne lui permettant pas d’apprécier tous les éléments. On devinait une sorte de café cossu, fait pour de longs moments de présence. Il s’attendait à trouver une boite de nuit, il fut étonné.

Une porte discrète, un escalier et on l’introduisit dans un bureau. La pièce était petite, fonctionnelle, avec de nombreux écrans de surveillance. Un homme en costume, la quarantaine chauve, se leva, lui sourit amicalement avant de lui serrer la main.

— Lucas, c’est ça ? Laissez-moi te regarder. Tu es tout à fait mignon, tu as l’air bien bâti. Je ne pouvais espérer mieux ! On va faire affaire, si tu veux bien. Moi, c’est Joe.

Lucas hocha la tête, ne sachant quoi répondre. Il était embauché avant d’avoir ouvert la bouche, comme si seul son aspect comptait. Il n’était pas malhabile, mais il n’avait jamais tenu un plateau dans ses mains.

— Je peux vous demander de m’expliquer un peu le job ?

— Faire le service ! Prendre les commandes, les apporter, encaisser.

— Ça doit être dans mes cordes !

— La classe, c’est de mémoriser sans noter et de mettre en face de chacun son verre.

— Je devrais pouvoir y arriver ! J’ai une très bonne mémoire.

— Bon, tu as compris que c’est un club un peu spécial…

En quoi cet endroit pouvait-il être spécial ?

— Je t’embauche pour ton physique ! Les hommes qui viennent ici apprécient beaucoup d’être servis par de beaux jeunes gens. Ici, c’est un club privé, fréquenté uniquement par des hommes, avec une adhésion qui permet d’écarter les indésirables. Que du beau peuple, avec des gouts qu’ils aiment partager dans un endroit calme et protégé. Tu verras, ils ne sont pas regardants pour leur plaisir !

« Pourquoi pas, après tout ? », se dit-il, sans comprendre le sens de la phrase.

— Ils aiment être servis par de jolis garçons. Je pense qu’on peut te classer sans problème dans cette catégorie. C’est le plus ici, les serveurs. Ils sont déguisés. Tu verras le choix de costumes ! Tu prendras celui que tu veux.

« Bizarre, mais si ce n’est que ça ! », se dit-il. Il était habitué et indifférent aux regards admiratifs qui se posaient facilement sur lui.

— Autrement dit, ils aiment regarder en détail les serveurs. Ils aiment parfois les caresser… Est-ce que cela te posera un problème ?

Des hommes qui aiment caresser d’autres hommes… Ils savaient que certains hommes étaient homosexuels, qu’il devait s’en méfier. S’agissait-il de cela ?

— Je n’ai jamais été touché par un homme, enfin si c’est ce que vous voulez dire…

— Je m’en doutais ! Écoute, ce n’est pas si terrible et, ici, il ne se passera jamais rien. Tu es en sécurité. Ah oui ! C’est payé cinquante euros par soirée et tu auras la totalité des pourboires que tu toucheras. Ce sont des personnes généreuses, si on a été généreux avec eux. Tu comprends ?

Il hocha la tête. S’il se laissait tripoter, un peu, il aurait des pourboires. Bêtement, il posa la question :

— Ça monte à combien ?

— Cent euros par soirée, plus ou moins. Mais tout dépend de toi.

— Je ne sais pas. C’est un peu bizarre comme job !

— Tu es beau et tu vends ton image, c’est tout ! Profites-en ! Tu remplaces Ludo. Un étudiant, comme toi. Très brillant. Et très beau. Ici, il a rencontré un protecteur et maintenant, il vit de son corps.

— Il a arrêté ses études ?

— Je crois ! Cela n’a pas d’importance, c’est sa vie.

Lucas revint sur la question qui le préoccupait :

— C’est ce que vous me proposez ? Que je sorte avec des hommes ?

— Mais non ! Juste pour te dire qu’une papouille n’engage à rien. Qu’on soit clair : ici, ils sont serveurs, rien d’autre. Ce qu’ils font après, cela ne concerne ni la boite ni moi. Nous avons un contrat. Lis. Tu travailles ici, tu es couvert. À toi de présenter tes charmes. De leur côté, ils savent qu’en cas de non-respect, ils peuvent perdre leur accès. Ce n’est jamais arrivé. Donc, aguicheur sans draguer ! Serveur et entraineur, quoi. Tu dois pousser à la consommation. Tu t’es déjà fait caresser les fesses, le sexe ?

— Oui ! Par des filles !

— Quelle différence ? Bon ! On ne va pas y passer vingt ans ! Tu prends ou pas ?

— Je…

— Tu hésites. Tu ne sais pas si tu vas aimer te faire tripoter par des inconnus ? Je te propose une expérience. Tu veux bien te déshabiller, s’il te plait ?

— Viens près de moi et laisse-toi faire. Tu m’arrêtes quand tu veux.

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