21 (partie 2)

12 minutes de lecture

t.

Lou

.

Miss Regina, effarée face aux larges brûlures s'étalant sur mes épaules et mes bras, rouspète en allant chercher du désinfectant. Léo assis à côté de moi, se mord la lèvre, la mâchoire crispée, tandis que ses quelques contusions au visage commencent doucement à se résorber.

  • Quelle bande de fils de putes, gronde t-il, mauvais.
  • Il faut dire qu'on a pas été en adéquation avec leur règlement intérieur aussi.
  • Tu plaisantes j'espère ?

J'en sais rien. Je ne sais pas si je suis vraiment en train d'assurer à Léo que nos blessures ne sont les fruits que de notre micro ''révolte'' durant le cours de détachement. Je ne saurais lui dire si ces blessures me font mal physiquement, ou mal moralement. Je ne peux pas lui avouer, qu'au fond de moi, je trouve que nous méritons ce qu'il nous arrive.

Il nous est possible d'évoluer, sans nous faire battre. Sauf que pour cela, il nous faut marcher droit, et ne pas faire d'écart, d'entorse au règlement intérieur de l'école. Je veux dire, les autres Reborn de la classe, vivent très bien leur formation sans subir de nuits correctionnelles, ou de brimade en plein cours. C'est bien que nous y sommes pour quelque chose. Certes, nous n'avons pas souhaité être ici, sauf que désormais nous sommes contraints d'y rester, et pour un bon bout e temps. Alors, si nous espérons vouloir survivre, il va nous falloir courber l'échine, et arrêter de prétendre être ce que nous ne sommes pas.

  • Tu penses à quoi là, maudit loup ?
  • À rien. J'ai mal à la tête.

Il pousse un petit grognement insatisfait quant à ma réponse, et se laisse tomber en arrière, se retrouvant alors allongé sur la largeur du lit de l'infirmerie.

  • Je leur ai dit pourtant, que ces perches étaient mauvaises pour votre organisme, mais ils ne m'ont pas écouté. Ils ne m'écoutent jamais. Regarde tes épaules mon pauvre petit, ils sont vraiment insupportables.

Miss Regina revient enfin, un tube de pommade entre les mains. Lentement, elle dévisse le bouchon, et laisse couler une bonne rasade de crème bleutée sur mes brûlures.

  • Les blessures infligées par ces perches sont celles mettant le plus de temps à cicatriser, pourles Reborn. Et ça, ils l'ont bien compris. Allez, étale mon garçon.

J'opine, et commence à masser mes épaules et mes bras avec la pommade à l'étrange couleur bleutée. La sensation, sur ma peau brûlée, me fait du bien ; cela ressemble à une vague de froid, qui viendrait calmer l'inflammation.

  • Tu as mal ?
  • À ton avis. J'ai la peau cramée à cause des chocs électriques.

Léo ne répond rien, se contentant de se redresser, et de toucher la peau abîmée de mes épaules du bout des doigts.

  • C'est carrément crade, souligne t-il.
  • Comme si j'avais pas remarqué.
  • Si je pose ma main comme ça, ça te fait du bien ?

Il laisse sa main courir sur mon épaule gauche, doucement, d'un touché aérien, de telle sorte à ce que je ne sente qu'une caresse.

  • ... non, je geins. Ça fait mal.
  • S'cuse .

La porte de l'infirmerie s'ouvre lentement, et une tête rousse en émerge, suivie de près par les cheveux en pétard de Mia. Elle semble sur les nerfs, le dos courbé et les poings serrés dans les poches de son pantalon. Elio quant à lui, affiche un air douloureux à notre vue, en s'approchant pour constater l'étendue de mes blessures.

  • C'est moche, conclut-il en se reculant.
  • Oui, je sais, arrêter de me dire ce que je sais déjà !

Notre infirmière revient, une poche de glace entre les mains, qu'elle tend à Léo, avec un sourire rassurant.

  • Le fait que tu sois un Reborn quatre a fortement aidé pour tes brûlures. Elles sont déjà presque toutes parties.
  • Un quoi ? interroge Léo.
  • Un Reborn quatre. C'est le nom que portent les rares personnes à développer toutes leurs capacités. Il existait jusqu'à maintenant des Reborn un – les classiques – et les Reborn deux. Ça n'allait pas au-dessus. Mais maintenant, il y a toi.

J'avise un air nerveux étirer les traits de Mia, tandis qu'elle s'approche de moi pour prendre mon visage en coupe entre ses doigts.

  • Lou, la prochaine fois je t'en prie, va dans leur sens.
  • Je n'y manquerai pas, je marmonne.
  • Et toi, ce n'était pas intelligent du tout de te jeter dans la mêlée comme ça !

Tournée face à Léo, les poings sur les hanches, elle attend visiblement de sa part une réponse qui tarde à venir. Cependant, je sens au son de la voix de mon amie, que sous l'agacement, se cache autre chose : de la peur. La première cause des cheveux blancs de Mia, ce sera Léo, à coups sûrs.

« Tous deux assis dans le salon des Dos, Mia et moi regardons avec passion un documentaire sur la danse à la télévision, tout en ingurgitant une dose non négligeable de Nutella à même le pot. Sa mère est au travail, et son père est dans le jardin, en train de débarrasser sa cour des feuilles mortes à grand coup de souffleur. Le bruit, infernal, ressort alors même que le son de la télé est assez haut.

Ma tête, reposant sur l'épaule de mon amie, bouge légèrement lorsque cette dernière se penche en avant pour attraper son téléphone portable sur la table basse.

  • Des nouvelles de la bad bitch à cheveux blonds ?
  • Non. Il m'énerve à me laisser sans nouvelles comme ça.

Nous devions tous nous retrouver en début d'après-midi chez Mia, afin de pouvoir travailler notre dernière chorégraphie e date pour le cours de danse du lycée. Sauf qu'à désormais seize heure quinze, nous attendons toujours Léo ayant visiblement décidé de sécher ces heures de cours supplémentaire en plein milieu des vacances.

  • Tu veux que je l'appelle avec mon portable ?
  • Oui, si tu veux.

Je hoche la tête, et me redresse, quittant le canapé pour me rendre dans l'entrée, où j'ai abandonné mon portable dans la poche de ma veste. En le sortant, je marque une pause face à l'écran, où seul un message, datant de une heure trente à peine, attire mon attention. Ce n'est pas un message à proprement parlé, mais une localisation. Envoyée par Léo. Puis, un message : « Help. Dis rien à Mia stp ».

Ce n'est pas la première fois qu'il me fait ce coup-là. Et comme à chaque fois, il me met dans une mauvaise posture, alors que j'hésite vraiment à en parler à mon amie.

  • Alors ? me lance t-elle depuis le salon.
  • Rien, par contre ma mère a besoin de moi..., une histoire de peintures...

Avec l'excuse de ma mère, elle ne cherchera pas à creuser. Du moins, je l'espère.

  • Ok, bah si tu veux, hésites pas à repasser dans la soirée. Et on se tient au courant si on a des nouvelles de Léo.

Sa voix est douloureuse, tellement que l'espace d'un instant, j'ai envie de ne pas écouter Léo et de la mettre au courant de sa dernière lubie en date : les combats de rue.

Cependant, je ne me sens pas de remettre en péril la confiance que Léo m'accorde enfin, durement gagnée.

Rapidement, je quitte la maison des Dos, salue le père de Mia, et enfourche mon vélo, bien décidé à aller retrouver Léo, pour lui passer un nouveau savon dont il n'aura sûrement, rien à faire.

Je pédale environ vingt minutes, avant d'enfin arriver au point que m'indique mon portable.

Un des quartiers sud de la ville, ben tiens. Au moins, il ne fais pas dans l'original en restant toujours dans ce coin-ci, pour se battre et se retrouver dans un piteux état.

  • Léo ?

Je descends de mon vélo, le laisse tomber sur le trottoir dans un bruit métallique, et cours presque jusqu'à l'endroit exact que m'indique mon GPS. En tournant à un coin de rue, le cœur battant, je ne suis presque plus étonné de trouver Léo avachi par terre, les genoux remontés sous le menton.

  • T'as bien choisit ton jour espèce de trou de balle.
  • Ta gueule, et viens m'aider. Je crois que je me suis foulé la cheville.

Je soupire, et reste statique quelques instants pour bien marquer mon mécontentement, avant de le rejoindre en quelques quatre longues enjambées. Son visage, lorsqu'il redresse la tête pour capter mon regard, me donne un léger coup de poing dans le ventre. Je devrais être habitué pourtant, à voir son visage tuméfié, son nez en sang et ses yeux gonflés. Mais non, je ne m'y fais toujours pas. Et je pense que je ne m'y habituerai jamais. Comment pourrais-je m'habituer à voir celui que je considère comme mon meilleur ami, couvert de sang et d'hématomes ?

  • Tu fais chier Léo.
  • Ouais, ouais... aïe putain fais gaffe !

Je m'excuse à demi-mot, en passant un bras autour de ses épaules pour l'aider à se redresser. Effectivement, une fois debout, je remarque enfin sa cheville enflée et mon nez se retrousse avec inquiétude.

  • Je suis en vélo, il va falloir que tu tienne en équilibre sur le porte bagage.
  • ... génial.
  • Parce que tu croyais qu'en plus de venir te ramasser, j'allais venir en voiture ? Allez, avance.

Il grogne à chaque pas, et moi-même sous son poids qui n'est pas négligeable, je commence légèrement à me plaindre. Il s'appuie sur moi comme si j'étais une béquille, et me broie le dos. Son souffle, à côté de mon oreille, me donne des frissons.

  • Et combien tu as gagné pour finir dans cet état ?
  • Cent balles mec, juste ce qu'il faut pour le cadeau d'anniversaire de Mia.

J'hésite à ajouter quelque chose, mais me force à garder la bouche fermée : qui suis-je pour faire des commentaires sur cette noble attention ? Atteint certes par des moyens plutôt violents, mais partant d'un bon sentiment.

Lorsque nous arrivons enfin à mon vélo, et que je l'aide à s'asseoir du mieux que je le peux sur le porte bagage, je le maudit quelques instants, et prends place sur ma selle.

  • Tu te tiens à moi, pigé ?
  • Ouais, ouais. Me donnes pas d'or...

Je me retourne, le foudroie du regard, et le coupe dans toutes protestations. Son air renfrogné se détend, et je le laisse passer ses bras autour de ma taille, avant de commencer à pédaler.

Nous mettons une demie-heure avant d'enfin arriver chez moi. Il fait presque noir.

Mes parents, lorsque nous entrons, ne sont même pas surpris de voir l'état dans lequel est Léo. Mon père se contente de secouer la tête avec dépit, tandis que ma mère part chercher la trousse de premier soins, dans la salle de bain. Le tout en agitant les bras et en jurant en espagnol.

  • T'as gagné j'espère ? lance distraitement mon père.
  • Ouais m'sieur. Un contre trois. Mais bon, ils ont eu le temps de me défoncer la cheville.
  • Toi ne l'encourage pas dans ces conneries, je rabroue mon paternel. Regarde dans quel état il est.
  • Ton copain est un guerrier, mi hijo. Prends-en de la graine.
  • J'ai pas envie de finir la gueule dans cet état, je tiens à mon faciès.
  • Madré de dios Javier, tu n'es tout de même pas en train d'encourager notre fils à se battre ?

Ma mère revient à ce moment-là et me tend la petite trousse rouge tandis que j'aide Léo à s'asseoir sur une chaise à la table de la salle à manger.

  • Merci mamá.
  • De rien. Léo tu dors ici. Si ta chevilles n'a pas dégonflée demain, on ira aux urgences.

Je vois Léo hocher distraitement la tête tandis que j'attrape un mouchoir humide pour lui nettoyer le visage.

  • Mia était super inquiète, tu es au courant de ça ?
  • Oui, j’imagine.
  • Tu lui enverras un message après ok ? Pour la rassurer. Tu vas lui donner des cheveux blancs à force. J'espère que tu es fier de toi.

Il ricane, et me laisse le soigner sans mots dire, conscient que le simple fait de sentir son regard reconnaissant sur moi, me suffit amplement. »

Une semaine après le tragique épisode du cours de détachement, je conclus avec plus ou moins d'agacement que les traces de mes brûlures resteront. Que les cicatrices des coups de perche électrique ne me quitteront pas, malgré tous les soins que Miss Regina pourra m'apporter.

Je suis un peu déçu car, jusqu'à maintenant, tout au long de ma vie, j'avais réussi à préserver mon apparence de toutes les agressions extérieurs : pas de cicatrices, très peu d'acné, une silhouette plutôt agréable à regarder et des cheveux à la tenue et à la texture satisfaisante. Chez nous, on accordait, mes parents et moi, un véritable culte à notre apparence physique. Pas étonnant, lorsque l'on sait que ma mère est mannequin, et que mon père fait autant attention à son apparence qu'une candidate concourant au titre de Miss. C'est pourquoi depuis tout petit, on m'a appris à faire attention à l'image que je renvoyais aux autres, à ma prestance et à mon image publique.

Alors, de savoir que toute ma vie, je me baladerais avec des parties de ma peau plus sombres que les autres à cause de coups de perche électrique, ne me mets pas tellement en joie.

Debout face au miroir de la salle de bain de notre étage, je m'observe sous toutes les coutures, soucieux de trouver d'autres nouveaux défauts à mon corps.

  • T'as pas bientôt finis de te mâter sous tous les angles ?

La voix de Jeremy me surprends, et je me retourne vivement pour le considérer avec un sourire gêné.

  • Je..., je regardais mes cicatrices.
  • Ouais, on dira ça. Je te pensais pas si narcissique.
  • Je ne suis pas... narcissique.

Il hausse les sourcils, comme pour me faire comprendre qu'il ne croit pas un traître mot de ce que je lui raconte, et me salue avant de partir en direction des cabines de douche.

Après l'avoir vu s'engouffrer dans une d’entre elles, je trottine en direction de ma chambre, et ouvre la porte dans un élan de vivacité qui me surprend moi-même, étant donnée l'heure déjà bien avancée à la pendule.

À l'intérieur, je trouve Mia, assise sur son lit, un livre entre les mains, face à Alexia, l'une des filles de notre classe.

  • Tu es toute seule ? je lance en attrapant un tee-shirt pour couvrir ma semi-nudité.
  • Non, Léo et Elio sont cachés sous les lits. Allez, faut sortir maintenant les garçons !

Je retrousse mes babines, découvrant mes dents dans une grimace que j'espère représentative de mon niveau d'amusement face à sa ''plaisanterie'', et m'approche d'elles en jetant un regard par-dessus leurs épaules pour constater la nature du livre qu'elles tiennent entre les mains.

  • Qu'est ce que c'est que ça ?

Je fronce les sourcils, en avisant le livre, que j'apparente facilement à un roman, d'après l'absence d'image et les guillemets de dialogue plutôt récurrentes sur le paragraphe que j'observe.

  • Ne le dis à personne, Lou. C'est Jelena qui me l'a ramené, elle l'a trouvé durant une mission.
  • Bon sang, depuis novembre que j'avais pas vu un roman. Il est bien ?

Mia se tourne vers moi, un sourire lui fendant le visage d'une oreille à l'autre. Visiblement, sa réponse est affirmative, bien qu'elle n'en touche mot, préférant se replonger dans sa lecture.

La lecture, a toujours été l'une de mes passions. J'ai été bercé par les contes que me racontait ma mère, et les histoires d'aventure et de pirate qu'inventait mon père en ponctuant son récit de grands gestes. Dans mes souvenirs, je le revois me prendre dans ses bras, et me jeter en l'air pour me faire voler, comme les personnages de son récit, tandis que ma mère poussait des cris apeurés derrière nous. Elle m'a confié un jour, qu'avec mon père, c'était un miracle que je sois encore en vie. Et encore en capacité d'utiliser mes jambes. Lors de mon entrée au collège, j'ai commencé à inventer moi-même mes histoires d'aventure, que je rédigeais dans un cahier aussi simple que neutre, afin que personne ne me débusque.

J'y inscrivais des nouvelles, des chapitres orphelins de romans avortés, ainsi que des poèmes, dont le sens parfois, m'échappait à moi-même. J'ai commencé à laisser Mia lire mes écrits vers la fin de quatrième, en la faisant jurer de ne jamais en parler à Léo ; il trouvait déjà bien assez matière à me pourrir la vie, pas la peine de lui fournir encore plus d'éléments pour me rendre l'existence impossible. Et elle a tenu parole. Ensemble, nous échangions sur mes récits, sur mes personnages, qui partageaient beaucoup de singularités communes avec elle, ou Léo. Elle a ensuite proposé de lire mes nouvelles à son petit cousin, sans lui dire qu'elles venaient de moi. Et contre toute attente, il a adoré.

J'ai cessé d'écrire lors de mon entrée en seconde, bien trop pris par la danse et le combat pour me consacrer à autre chose. De plus, l'internat rendait la tâche compliquée, réduisant mes périodes de tranquillité à la douche et à mes virées aux cabinets.

Mais là, entre les mains de Mia, ce roman me redonne un souffle d'envie, un flot imaginatif trop longtemps réprimé. J'ai envie d'écrire à nouveau, de conter notre histoire ô combien singulière, de coucher les mots pour faire vibrer les gens autant que je vibre moi, face à tut cela.

  • Léo et Elio, où ils sont pour de vrai ?
  • En bas, avec Tim.

La réponse, ou plutôt la voix de Alexia me surprend : on ne l'entend pas énormément en cours, et c'est dommage, car sa voix, douce et chantante, est vraiment agréable à entendre.

Je la remercie d'un petit geste de la main, et descends rejoindre mes deux amis, où qu'ils puissent être.

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