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Lou

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Pour la troisième fois consécutive, Léo s'écroule au sol dans un râle douloureux, alors que le pied toujours en l'air, notre professeur de sport vient de le frapper de plein fouet. Mais, comme à chaque fois depuis le début de ce combat, il se relève, de plus en plus tremblant, et titube quelque peu avant de reprendre son équilibre pour à nouveau faire face à monsieur Yersen.

  • Je ne peux pas t'enlever que tu as de la résistance gamin, sourit l'homme en attrapant mon ami par les épaules, avant de lui donner un coup de boule frontal.

Et cette fois-ci, il me semble bien que compte tenu de la force du coup, et de l'angle pris par monsieur Yersen, Léo ne se relèvera pas. Ou du moins, il ne se relèvera pas pour continuer le combat.

Cela dit, il s'est bien battu. Je crois qu'en plus du fait de vouloir ''venger'' le nez sûrement cassé de Mia, il voulait également se réaffirmer comme étant puissant, après son altercation face à David, qui selon les dires de Mia, aurait plutôt mal tourné. J'ai su, par son biais et celui de Elio, que David avait prit Léo à parti pour lui donner une ''bonne leçon'' à cause de leur légère dispute le soir précédent, à la cantine. Et de ce fait, je me suis sentit intimement lié, plus que touché par le fait qu'à la base de tout ça, Léo s'était énervé à cause d'une bousculade dont j'étais la cible. Moi, et pas lui.

Je sors du cercle, pour m'approcher de Léo, et avise son visage dont un sang écarlate s'écoule du front. Notre professeur ne l'a pas loupé.

  • Tu es un Nouveau toi aussi, non ?
  • Oui monsieur.
  • Ton ami a de la gueule, il deviendra un excellent Reborn. Mais pour le moment, il va falloir qu'il apprenne à être humble, afin de pouvoir progresser ailleurs.

Je hoche la tête, et ramasse Léo avant de le porter du mieux que je peux jusqu'à une sorte de gros tapis, ressemblant plutôt à un matelas en mousse, afin de l'allonger dessus, tandis que derrière moi, j'entends Elio s'avancer pour le combat suivant.

Il est lourd, c'est épuisant. Mes muscles, bien que présents, ont du mal à le soutenir, si bien qu'enfin arrivé au matelas, je m'effondre, en même temps que je le lâche.

Après Elio, c'est mon tour. Je vais me faire anéantir.

Au lycée, en MMA, j'étais loin, très loin d'être le plus fort. Comparé à des monuments comme Léo ou d'autres garçons de ma classe, je passais pour un débutant. Bien sûr, j'avais tout de même un petit niveau, car pour décrocher ma place à Liberty, il avait fallu que je prouve mes compétences en la matière devant des jurys. Cependant, dans une écurie de chevaux de courses, il y en a toujours un qui court moins vite, ou qui boîte un peu après un tour de piste. Et bien ce cheval, c'était moi. En vérité, j'ai toujours été plus ou moins le cheval boiteux de notre trio. Mais un cheval boiteux, qui s'efforçait de courir aussi vite que les autres, afin de ne pas les perdre de vue.

Je me souviens que le jour où j'ai rencontré Léo et Mia, en cours préparatoire, je ne me suis pas dit tout de suite qu'ils me deviendraient très vite indispensables. Non, car ce jour-là, je me souviens très bien de ce que j'ai ressenti : une peur farouche.

J'arrivais, en CP, d'une autre école, dans une autre ville, et ne connaissais personne. J'avais, je m'en rends compte aujourd'hui, de quoi angoisser. Mes parents me bassinaient de bons retours qu'ils avaient eus sur l'école, de sa bonne fréquentation, et du niveau excellent de ses élèves. De ce fait, je ne me suis pas méfié.

« Ma mère me tient la main, protectrice, tandis que nous avançons tous deux d'un pas plus ou moins assurés en direction du portail de l'école primaire. Je porte sur le dos mon nouveau sac à dos rouge, rempli de cahiers encore vierges et de crayons de couleurs qu'il me tarde d'utiliser. Pour la rentrée, maman m'a acheté un nouveau sweat-shirt, qui ressemble à ceux que portent les sportifs dans les séries américaines. Je suis plutôt fier.

Nous nous arrêtons, devant le portail, et sur le côté, je remarque de l'agitation, de grands éclats de voix, et beaucoup de rires. Ma mère ressert un peu son étreinte autour de ma main, et m'adresse un grand sourire.

  • Tout va bien mon chéri ?
  • Oui, maman, je réponds en retour, distrait par les deux enfants en train de crier près de moi.

L'un d’eux, les cheveux blonds cendrés, tient entre ses mains un bocal rempli de vers de terres, et l'exhibe fièrement devant un couple et leur fille, qui semble fascinée devant le bien du garçon.

  • Combien tu dis ? s'exclame t-elle.
  • Au moins cinquante, je les ai comptés tout seul !

Il adresse un sourire victorieux à la petite fille, qui vient de lui prendre le bocal des mains. Ce qui doit être le père de la petite fille, un homme grand et musclé, s'est accroupi pour ébouriffer les cheveux du petit blond avec affection.

La sonnerie retentie enfin, le portail s'ouvre, nous libérant l'accès à la cour de l'école. Et ce n'est qu'à ce moment-là que mon ventre commence à se nouer, que la main de ma mère, qui va bientôt lâcher la mienne, commence à me sembler indispensable.

  • Allez mon loup, il va falloir y aller, me lance t-elle avec affection.

Je me tourne vers elle, et sens les larmes me monter aux yeux.

  • Maman je...
  • Tu es nouveau ?

Une main vient de se refermer sur la manche de mon sweat, et je constate que la petite fille de tout à l'heure m'observe avec ses grands yeux bleus. Elle me sourit, et derrière elle, je vois le blond en train de me fixer avec humeur. Il est plutôt effrayant, à dire vrai, avec son front plissé et son regard mauvais.

  • Euh...

Ma mère me pousse légèrement vers la fillette, et je sens la panique m'envahir. Puis, comme une bénédiction, la mère de cette dernière arrive et salue la mienne d'un grand sourire.

  • Bonjour, désolée pour ma fille, elle est un peu turbulente eh..., Mia ?

Mia, vient de me saisir par la main, et me tire désormais à sa suite, me forçant à lâcher la main de ma mère, à mon plus grand désespoir. Je tente vainement de résister, mais la force exercée par la petite fille sur mon bras est bien trop grande. Alors, je cède.

  • Mia !

Elle n'écoute pas sa mère, et me tire à l'intérieur de la cour, avant d'agiter la main en souhaitant une bonne journée à ses parents. Je fais de même, d'une petite voix, et me heurte alors, pour la première fois, au caractère ô combien sympathique de Léo Pogbal. Un chaleureux mélange de mauvaise humeur, d'agressivité, et d‘autosuffisance excessive, saupoudré d'un brin de fierté.

  • Mia, pourquoi tu as pris le nouveau ? Regarde-le, il est à deux doigts de chialer.

Il me pointe d'un doigt moqueur, et m'adresse un sourire carnassier. Ses yeux sont d'un noir terrifiant. On s'y perdrait presque. Je fronce les sourcils, constatant que l'on ne voit presque pas la limite entre sa pupille et son iris.

  • Laisse-le tranquille, c'est son premier jour, il connaît personne.
  • Et alors ?
  • Léo..., grogne t-elle en levant les yeux au ciel.

Son ton ressemble davantage à une menace qu'à une marque d'exaspération, que le fameux Léo accompagne d'une langue tendue et d'un doigt d'honneur dans ma direction.

  • Mia, c'est ma copine à moi, t'as pigé le nouveau ? Au fait c'est quoi ton nom hein ?
  • ... Lou, je murmure en baissant les yeux.

Il part d'un rire moqueur, tandis que Mia s'impatiente, et je laisse mes épaules s'affaisser. Je sais pourquoi il rigole.

  • Lou ? Mais c'est un nom de fille ça Lou ! T'es une fille en fait ?
  • Non, c'est un nom mixte, je rétorque avec hargne.
  • Oui, c'est ça. Lou.

Il finit de rire, et attrape le bras de Mia, pour la tirer à sa suite, tandis qu'il s'éloigne, la tête haute, me défiant de les suivre.

Ce que je fis ».

Au final, cette année-là, j'ai passé les trois quarts de mon temps à tenter d'échapper aux méchancetés de Léo, qui tentait par tous les moyens de m'éloigner de Mia. Sauf que, j'ai tenu, et aujourd'hui je suis encore avec eux, ce qui prouve bien que le cheval boiteux peut se fondre parmi les purs sangs.

Je me redresse, jusqu'à maintenant affalé tel une loque sur le tapis, et observe Léo revenir doucement à lui. Il cligne des yeux, très lentement, et inspire par le nez avant de se redresser et de me regarder. Je remarque un léger voile devant ses iris obsidiennes, ainsi qu'une étincelle d'étonnement quant à sa situation actuelle.

  • On est toujours au gymnase ?
  • Tu as fais un léger malaise, je marmonne en m'asseyant au bord du tapis. Le prof t'a misK-O, avec un coup de boule. Du coup, je t'ai traîné jusqu'ici le temps que tu récupères. Et laisse-moi te dire que tu es plutôt lourd dans ton style.
  • Putain...

Il grommelle, et se prend la tête entre les mains. Ses bras sont agités de légers frissons, tandis que du sang continu de couler de sa blessure au front. Le liquide carmin goutte silencieusement de son menton jusqu'au sol, et je finis par me mordre la lèvre, peu à l'aise face à la vue de tout ce sang qu'il serait pourtant bien simple d'essuyer.

  • Tu veux pas un mouchoir ? Ou du papier toilette ? Pour essuyer t...
  • Pas b'soin, ça va se refermer tout seul, marmonne -il.

Je hausse les épaules, et décide de le laisser à son sort, compte tenu de son manque de réceptivité face à l'aide que je lui propose. D'un geste, je me redresse, et rejoins le cercle d'élèves, et plus précisément Mia, en pleine concentration face au combat entre Elio et monsieur Yersen.

  • Tout va bien mon loup, murmure t-elle sans même se tourner vers moi.

Elle attrape mon poignet, et je réponds, dans un filet de voix, que l'appréhension de mon futur affrontement commence doucement à me tordre le ventre. Amusée, tout en restant rassurante, elle prend ma main au creux de la sienne, en se retournant enfin face à moi.

Son nez s'est presque totalement redressé, et sans ses cheveux en bataille, il serait difficile d'imaginer son combat, ne datant pourtant que de quelques dix, vingt minutes.

  • Il ne faut pas que tu ais peur, Lou. Toi et moi, on sait que tu as déjà vu pire.
  • Peut-être, mais là on parle d'un type qui a littéralement éclaté le crâne de Léo. Rien à voir avec les types qui me cherchaient des poux au lycée.
  • T'en fais pas, Elio est en train de l'épuiser.

Elle se retourne face au combat, que j'avise d'un œil inquisiteur ; effectivement, Elio se contente d'esquiver tous les assauts de monsieur Yersen avec une facilité qui me pétrifie sur place. Il donne l'impression d'arriver à prévoir les coups de son adversaire, tout en sachant exactement comment l'éviter sans risquer de s'exposer à une autre attaque. Cependant, je remarque qu'il ne tente à aucun moment d'attaquer.

Son aptitude qui a été augmentée, est la vitesse, ce qui fait que dans un duel où ne se joue que l'esquive, il est diablement bon. Mais tout cela l'épuise, et je le vois bien. Il va bien arriver un moment où il sera obligé de donner un coup, ne serais-ce que pour achever le combat.

  • Elio, lance Mia avec assurance. Il va falloir penser à riposter, non ?

Il lui lance un regard étonné, de part le ton de sa voix et sa simple intervention, et c'est ce moment que choisit monsieur Yersen pour lui attraper la gorge à une main, avant de le soulever du sol.

  • Ta copine a raison. Ici, on ne forge pas des Reborn pacifiques.
  • Bah alors..., pourquoi m'avez-vous chois... ?
  • Parce que tu as quelque chose, comme tes trois camarades, qui fait de toi, un candidat idéal. Tu n'as pas hésité à te jeter dans la mêlée la nuit de l'attentat, pourquoi ?

Elio gesticule, tente de se libérer de l'emprise de notre professeur, en vain. Son visage commence légèrement à se teinter de rougeurs caractéristiques de son essoufflement, et je sens mon palpitant s'accélérer.

Notre professeur à raison : même si nous le désirons pas, il va désormais nous être obligatoire de combattre, afin de rendre ‘’utile’’ la nouvelle vie qu'ils nous ont ''offerte''. Bien que cela ira pour la plupart d'entre nous, à l'encontre de nos principes.

  • J'ai pas réfléchi...
  • Et bien ne réfléchis pas, et bats-toi.

D'un geste vif, il le projette au sol. Pris d’une quinte de toux rauque, mon ami se roule en boule sur le sol, les genoux contre le menton.

Je me mords pensivement la lèvre, en avisant Yersen s'approcher de lui, et sens alors la main de Mia glisser de mon étreinte, tandis qu'elle part s'accroupir auprès de Elio, faisant signe au professeur qu'elle n'en a pas pour longtemps.

De ce que je vois, elle ne dit rien, ou seulement quelques mots, et se contente de passer sa main dans les cheveux écarlates du fils de notre ancien proviseur, avant de se redresser, et de revenir sur ses pas.

Et, miracle, il se redresse, une nouvelle expression étirant ses traits d'ordinaire passifs. Ses yeux sont plissés par son froncement de sourcil et un sourire entre la détermination et l'appréhension, barre son visage.

Puis, il se lance sur Yersen.

  • Qu'est ce que tu lui as dis ? je glisse à Mia.

Elle reste silencieuse un court instant, avant de me répondre, les yeux rivés sur Elio et son adversaire.

  • Que si il n'avait pas envie de vivre pour lui, qu'il avait au moins intérêt de se battre, et de rester en vie pour ceux qui sont attachés à lui. Vu que dans cette école, la devise semble être ''Se battre ou mourir''.

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