Fin de la transmission

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Une semaine après leur réveil, Sam prend son café devant la fenêtre de la cuisine. Il a repris un cycle de sommeil normal, et apprécie d’autant plus ces petits moments de calme au réveil. Après un long moment à observer les montagnes au loin, ses yeux font soudain la mise au point sur des gouttes éparpillées sur la vitre. Il râle intérieurement sur la quelconque personne à avoir envoyé valser du liquide sur le carreau, puis les essuie avec sa manche.

Mais elles ne partent pas.

Soudain, quelque chose attire son attention au loin.

Sam s’arrête. Son cœur s’arrête. Son cerveau s’arrête.

Puis sa tasse émet un fracas en heurtant le sol.

— IL PLEUT !!! s’écrit-il en courant hors de la cuisine.

— Il pleut sur Mars !

Journal de bord du docteur en biologie Sara Trelor — Jour 228

De l’eau qui tombe du ciel ! Ça me paraît si improbable ! Pourtant j’ai effectué des prélèvements et il s’agit bien d’eau douce ! Cette découverte est énorme, comment la NASA a pu passer à côté de ça avant notre départ ? C’est impossible que ce changement se soit produit pendant les six mois de notre voyage. Les glaciers de Mars se situent à l’autre bout de notre position, et il fait bien trop froid pour que l’eau s’évapore dans l’atmosphère et retombe en pluies diluviennes.

Nous étudions ça de plus près, je pense pouvoir définir d’où ça vient. En tout cas, ce que nous savions de l’eau sur Mars est totalement remis en question…

N’ayant toujours aucune nouvelle de la NASA, l’équipe s’est réunie pour définir la marche à suivre concernant cette nouvelle extraordinaire.

— Nous devons nous en tenir au plan, indique le docteur Giebers. Si évènement extraordinaire, contacter la NASA et suivre les instructions. C’est ce qui est écrit dans le manuel.

Certains acquiescent, d’autres secouent la tête. Sam se frotte le front puis passe une main dans ses cheveux.

— Écoutez… Après y avoir pas mal réfléchi, je pense que c’est… une hallucination collective…

Il place ses mains devant lui en signe de paix face aux protestations des autres.

— C’est impossible d’avoir ce genre d’hallu collective, dit Sara.

— Je n’en suis pas si sure, intervient le docteur Giebers, des cas similaires ont déjà été observés sur Terre, surtout en confinement.

— Ce n’est PAS le confinement ! s’écrie Sam soudain énervé. C’est ce fichu virus ! Quand vous étiez tous endormis, j’ai vu des choses…

Il ne leur en avait pas encore parlé jusqu’à maintenant, il hésita un instant puis leur raconta. Quand il eut terminé, Sara nia se souvenir de quoi que ce soit.

— C’est normal, la rassura Sam, ce n’était pas vraiment toi, c’était une hallucination. Et je suis certain que toute cette pluie c’en est une aussi ! Giebers, dit-il en se tournant vers le docteur, il faut absolument trouver ce qu’est cette maladie, on ne peut pas continuer de vivre dans cette situation… On va finir par faire quelque chose qui nous mettra tous en péril ! On oscille entre réalité et illusion…

Sara hoche négativement la tête, les sourcils froncés.

— Non Sam. Tu as tort. J’ai moi-même analysé une goutte d’eau. Les résultats ne peuvent pas faire partie, eux aussi, d’une hallucination qui est déjà commune ! Ça paraît improbable…

— Plus improbable qu’une pluie torrentielle sur Mars ? lui répond Sam cyniquement.

— Je veux en avoir le cœur net. Je vais sortir et marcher jusqu’à trouver quelque chose de plus tangible, prendre des échantillons et tout analyser. Ce ne peut être une hallucination…

Sam observe Sara enfiler sa combinaison spatiale, septique. Au plus profond de lui, il aimerait qu’elle ait raison, que cette pluie soit réelle, et que le virus n’existe plus. Mais après ce qu’il a vécu pendant toutes ces nuits seul, il a vraiment du mal à lâcher prise.

— Viens avec moi, lui propose Sara. Je vais te prouver que tout ça est bien réel.

Les deux explorateurs parcourent plusieurs kilomètres avec leur Rover, un véhicule tout terrain aux six roues motrices. Puis au point de non-retour, après plusieurs heures de route, ils sortent enfin et marchent lentement sur le sol au sable mouillé. Tout est humide autour d’eux, des rafales de vent et de pluie les balayent et ne facilitent pas leurs déplacements.

Crrrrchhh

Leur radio à longue portée résonne dans leur casque.

— Ici Base 1 pour Sara et Sam… à vous, dit une voix dématérialisée.

— Ici Sara, nous sommes au point 12-32 de la zone alpha. Nous marchons vers la frontière de la zone bêta. La tempête s’accentue ici, mais la situation est tenable. RAS. À vous.

— Nous venons de… communication de la NASA… date de… ils indiquent… pour notre bien… Ils sont fous ! … dépêchez-vous ! À vous.

Sara et Sam se regardent dubitatifs, puis se séparent pour essayer de mieux capter le signal radio.

— Base 1, nous ne captons pas bien, veuillez répéter. À vous.

— … NASA… dormi… attention… revenez…

Sam continue d’avancer malgré le vent qui se fait de plus en plus fort. Des gouttes d’eau se déversent en torrent sur son casque, et il doit user de toute sa force physique pour se maintenir debout.

— Attention ! s’écrie Sara en le tirant en arrière.

Sam tombe lentement au sol et se redresse avec difficultés.

— Mais qu’est-ce qui te prend ? C’est déjà assez difficile comme ça !

Sara ne lui répond pas. Elle tend un bras vers l’endroit où était Sam quelques secondes auparavant. Il se relève enfin, avance vers sa collègue puis observe devant lui.

Une immense étendue d’eau s’étale face à eux. Le vent fait onduler la nappe sombre et des milliers d’impacts de gouttes parsèment sa surface.

Sara et Sam sont de retour à la base. Ils se défont avidement des combinaisons étroites, puis retrouvent enfin leurs coéquipiers. Leurs visages sont pâles, leurs mains tremblantes. Certains secouent la tête, d’autres soufflent.

— Que se passe-t-il ? les interroge Sam la voix rauque.

Il est encore sous le choc de la vision du lac martien, et le comportement de ses collègues ne lui dit rien qui vaille. Le docteur Giebers s’assoit et leur fait signe de suivre son mouvement, puis il leur explique enfin.

— Nous avons réceptionné un message de la NASA…

Il observe du coin de l’œil les autres membres de l’équipe, puis reprend.

— Je… ils… oh et puis lisez le, vous verrez bien !

Message de la Terre — John Malkomy — Directeur de la NASA

Chers membres d’Octopa Mars One, ceci est une communication automatique. Si vous lisez ce message, c’est que la mission est un succès.

Vous faites partie d’une mission plus grande appelée Terra Planet System. Cette mission consiste à placer des groupes d’êtres humains sur toutes les planètes du système solaire, dans l’espoir qu’un jour ces planètes soient habitables.

Vous avez été placé en hibernation pendant plusieurs siècles, jusqu’à ce que le dôme détecte des changements importants sur la planète, favorisant son habitabilité. Si vous êtes réveillés aujourd’hui, c’est que Mars est devenu habitable.

Vous trouverez en pièce jointe le manuel de colonisation à grande échelle que nous vous conseillons de mettre en place. Ceci afin de favoriser la croissance de l’espèce humaine sur cette nouvelle terre.

N’ayant aucune information sur l’année de votre réveil, ne vous étonnez pas si vous ne recevez aucune réponse de notre part. Il se peut que la vie humaine sur Terre ait évoluée d’une manière qui impacterait nos potentiels échanges. Veuillez donc considérer que vous êtes seuls dans l’univers.

Nous vous souhaitons du courage et de la détermination pour cette colonisation. Vous êtes peut-être les derniers survivants de l’espèce, et même les derniers êtres vivants dans l’espace.

L’humanité compte sur vous.

Fin de la transmission.

FIN

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