Le virus

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Journal de bord du professeur Sam Gladen — Jour 218

Il s’est passé quelque chose de vraiment étrange cette nuit. Je pense qu’il y a des… choses… sur cette planète. J’ai vu Sara se lever dans la pénombre, elle a arraché sa perfusion et a marché vers moi, les yeux grands ouverts. Je lui ai parlé, j’ai essayé de la faire boire, mais elle ne réagissait pas. Elle s’est arrêtée devant moi, et s’est mise à hurler. Elle s’est ensuite jetée sur moi, je ne savais pas comment réagir, alors j’ai pris la fuite.

Je me suis enfermé à double tour dans la cuisine du dôme. Puis les minutes passant, ses hurlements se sont calmés, jusqu’à retrouver le silence de ces derniers jours. Ce matin, c’est de la cuisine que j’écris dans mon journal. Je n’ai pas encore osé sortir. Si seulement la NASA pouvait enfin me répondre… Deux jours que j’attends ! Qu’est-ce qui leur prend autant de temps ? Est-ce que Sara a coupé les communications ? Je ne compte même plus le nombre de messages que je leur ai envoyés !

Sam prend son courage à deux mains et sort lentement de la cuisine. Discrètement, il se rend dans le dortoir, et observe ses collègues. Il frissonne. L’air lui semble plus frais que la veille. Tous les colons sont paisiblement allongés sur leur lit, les visages impassibles. Sara ne semble pas les avoir malmenés. Le professeur s’avance lentement et les regarde de plus près. Son cœur s’arrête de battre. Sara est allongée dans son lit, sa perfusion en place.

Un bip sec le fait sursauter. Il se dirige vers l’ordinateur du dortoir à reculons, ne quittant pas Sara des yeux, de peur qu’elle se réveille de nouveau.



Message de la Terre — John Malkomy — Directeur de la NASA

Professeur Gladen, veuillez nous communiquer immédiatement l’état de santé de tous les membres de l’équipe, vous y compris.

Portez un masque et des gants pour les toucher. Puis une fois les informations envoyées, placez-vous en quarantaine.

Vous y attendrez notre prochaine communication.

Fin de la transmission.



Journal de bord du professeur Sam Gladen — Jour 219

Je n’en reviens pas… Sara est allongée comme si elle n’avait jamais arraché sa perfusion. Son visage aussi impassible que celui des autres. Est-ce que j’ai eu une hallucination ? Je vais finir par devenir fou !

Comme ordonné par mon responsable hiérarchique, j’ai rassemblé les documents demandés, mais j’ai soigneusement évité d’envoyer les notes du docteur Giebers sur mon cas d’agrypnie, et sur ma potentielle vision de cette nuit.

Je me retrouve coincé dans la cuisine du dôme, pour pouvoir boire et manger, sauf que si personne ne s’attelle à prendre soin des plantes, je n’aurais plus de quoi me nourrir ! Sérieusement… En quarantaine…

Et puis franchement, porter un masque et des gants… je les ai touchés hier encore pour prendre leur pouls, je n’ai pas sombré dans le sommeil infini pour autant !

Bon sang, je réalise tout à coup qu’aujourd’hui est mon 116ème jour sans sommeil, je viens d’atteindre le plus long cas d’agrypnie observé sur Terre… Et si je m’endormais maintenant ? Est-ce que je ne me réveillerais plus, comme eux ?

Il faut absolument que je reste éveillé, quoi qu’il arrive ! Je dois les sauver !



Sam choisit de désobéir à la NASA. Il s’échappe de la cuisine sur la pointe des pieds, comme s’il pouvait se faire prendre en train d’enfreindre les règles, à des millions de kilomètres de son chef sur Terre. Il néglige volontairement de porter un masque et des gants, puis entre dans le dortoir. La température a encore chuté depuis la veille. Il s’en inquiète et prend la précaution de recouvrir ses collègues de couvertures de survie. « Bon… un problème à la fois », se dit-il après un bâillement accompagné de frissons. Il ne peut sans doute pas réussir à soigner ses collègues sans compétences en médecine, mais au moins le problème de chauffage paraît être dans ses cordes.

Le Professeur s’équipe d’un capteur de radiation, puis arpente lentement le dortoir. D’un geste sûr et précis, il passe l’appareil sur tous les murs en contact avec l’extérieur. Mais le compteur ne s’alarme jamais. Il n’y a aucune fuite. C’était pourtant son hypothèse la plus probable. Pour lui, ce ne peut être un problème d’équipement ou de logiciel. Ils ont été créés, fortifiés, et rodés sur Terre. À la NASA, ils ne lésinent pas sur la qualité des matériels. Tout doit être parfait pour éviter le maximum de problème dans l’espace.

Sam range l’appareil de mesure, puis accède à l’ordinateur du dortoir. Debout devant le poste il fait craquer sa nuque de gauche à droite, puis se la masse doucement. Il insère ses identifiants, se trompe deux fois de mot de passe, bougonne un peu, puis, enfin, parcours les différentes options, et clique sur la ligne température. Une petite fenêtre s’ouvre et lui bloque la page, un message rouge s’est affiché : Accès non autorisé.

– Comment ça « Non autorisé » ! s’écrit-il en tapant sur le clavier.

Il essaye rapidement chacune des pages, mais toutes affichent le même message.


Accès non autorisé

Accès non autorisé

Accès non autorisé

Accès non autorisé


Une autre fenêtre s’affiche soudain par dessus :

Ceci est un message automatique de quarantaine. Vous n’êtes pas autorisé à accéder à cette pièce. Veuillez immédiatement rejoindre votre zone de confinement et y attendre les instructions de votre supérieur.


L’alarme générale se met alors à rugir et résonner dans tout le dôme. Sam tente par tous les moyens de récupérer un semblant d’accès à l’ordinateur, au moins pour arrêter la sirène qui lui réveille une migraine. Mais impossible. Le poste est bloqué. Il court dans les autres pièces, essaye sur les autres postes, sans succès. Épuisé et à bout de souffle, il finit par se retrancher dans la cuisine. Sam s’assoit, se bouche les oreilles et parvient à s’apaiser un instant. Il ferme les yeux et pose ses coudes sur la table devant lui. Il n’entend plus que sa respiration saccadée.

Inspire. Expire. Inspire. Expire.

Le professeur parvient à se calmer. Trop peut-être.

Il se réveille quand sa tête heurte violemment la table. Sam se redresse rapidement, se lève et secoue la tête. La sirène stridente lui revient comme un boomerang dans les tympans, ricochant dans son cerveau déjà parsemé de douleurs.



Journal de bord du professeur Sam Gladen — Jour 219

Je viens de m’endormir ! Ça n’a duré que quelques secondes, mais ça y est mon corps veut que je dorme… C’est vraiment pas le moment ! Heureusement que ma tête a heurté la table, ça m’a réveillé d’un coup. Je dois faire très attention pour que ça ne recommence pas !

J’ai renvoyé un message à la NASA… Il faut absolument qu’ils se dépêchent de trouver une solution pour réveiller les dormeurs… Sinon je ne serais plus là pour la mettre en place !

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