Chapitre 15 - Beibhinn

9 minutes de lecture


Je referme la porte de chez moi sur Ryan et les jumelles et Kieran qui s’en vont pour quatre jours. Les vacances d’octobre sont arrivées très vite. Entre la gestion des enfants, de la maison, et du travail, je n’ai pas vu le temps passer. Quant à mes tourments avec Lyam, c’est toujours le point mort. J’ai décidé d’arrêter de me torturer l’esprit avec la phrase de Noah. Enfin, c’est ce que je m’efforce de croire. En réalité, mon cœur bondit dans ma poitrine dès que je l'aperçois à l’école, mais je fais en sorte d'afficher un masque impassible devant lui et d’avancer comme si de rien était. J’ai l’impression d’être redevenue une ado, ne sachant plus gérer ses hormones. Je ne sais pas s’il a remarqué mon changement de comportement, s’il est touché, blessé ou même qu’il s’en moque complètement. En tout cas, il n’en montre rien.

La maison est silencieuse sans les enfants courant dans les escaliers et faisant la course dans les couloirs, leurs chamailleries et leurs cris. À cet instant, je ressens une tristesse s’insinuer en moi. Deuxième fois que leur père les prend, et comme la dernière fois au téléphone, il n'a pas manqué de me faire des réflexions. J’ai préféré serrer les dents et ignorer ses piques pour éviter de faire un esclandre devant les enfants, mais je ne compte pas en rester là. Il est hors de question qu’il se permette de me parler ainsi. Je n’ai pas souvenir que Ryan se comportait de cette façon lorsque nous étions mariés. Ou alors, étais-je trop amoureuse pour m’en apercevoir ? Ou le divorce l’a rendu aigri ? Quoiqu’il en soit, une discussion s’impose.

Je monte les marches menant à l’étage, sans réel but. J’entre dans les chambres des enfants pour respirer leurs odeurs, observer leurs antres pour m'imprégner d’eux et essayer de faire de cette absence un moment moins douloureux. Ce n’est que pour quelques jours, et ces vacances sont bien moins longues qu’au mois d’août, mais mon cœur est comme déchiré en morceaux. Comment font les autres parents pour pallier ce manque ? J’ai cette impression que je ne m’y habituerais jamais.

Je profite de cette pérégrination pour ramasser les vêtements qui traînent au sol, afin de les mettre à laver, quand la sonnerie retentit en bas. Je me dépêche de déposer ça dans la panière pour aller ouvrir.

Je tombe nez à nez sur Nya. Ce soir c’est Halloween au pub, et elle souhaite absolument qu’on y aille ensemble. Je suis étonnée de la trouver sur le seuil avec un grand sac de course. Je l’ai prévenu que je ne pouvais m’y rendre car je n’ai pas de déguisement. J’étais persuadée d’en avoir un, mais il a dû s’égarer dans le déménagement, ce n’est pas faute d’avoir tout rangé. De plus, qui dit soirée là-bas, dit Lyam. Et je ne suis absolument pas prête à voir une pintade pendue à son cou. Moi jalouse ? Juste un peu.

— Nya ? Que fais-tu ici ? Tu ne devrais pas être en train de t’amuser ? lui demandé-je tout en lui laissant l’abattant grand ouvert pour qu’elle puisse entrer.

— Bonjour, ma belle. Eh bien, il est hors de question que j’y aille sans toi. Alors comme le souci était que tu ne retrouvais plus ton costume, j’ai été t’en dénicher un !

Mince, je suis prise à mon propre piège. Je l’observe, bouche bée. Je dois ressembler à une carpe sortie de l’eau.

— Je n’ai pas vraiment le moral, Nya, avoué-je. Les enfants viennent de partir, et ça ne s’est pas très bien passé avec Ryan.

Je lui ai tout raconté sur les mots acerbes que mon ex m’a envoyés après sa petite crise au château. Cependant, ça n’a pas l’air de l’émouvoir plus que cela car elle dépose son sac sur la table basse et commence à en sortir tout un tas de choses. Dépitée, je referme la porte et la rejoins dans le salon.

— Raison de plus, Bei ! Ce soir, tu oublies tout ! Tiens, regarde ce que je t’ai dégoté, il ne restait que ça au magasin, dit-elle tout en me tendant des vêtements noirs.

Je secoue la tête en attrapant la tenue avant de rejoindre ma chambre. Décidément, Nya ne me laissera pas tranquille. J’étends la tenue faite de plusieurs épaisseurs de tulles sur mon lit et l’observe. J’ai comme l’impression qu’il manque des mètres de tissus à cette robe pour qu’elle ait l’air convenable. Et on en parle des collants qui ressemblent plus à un filet à saucisson qu’à quelque chose qui galbe les jambes ? Je me déshabille avant d’enfiler des sous-vêtements de la même couleur, puis les pseudos collants, et enfin la robe qui glisse agréablement sur ma peau. Contrairement à ce que je pouvais penser de prime abord, elle me va. Cependant, elle est vraiment très courte ! Je me dirige jusqu’à mon psyché pour m’observer. La robe a de longues manches évasées au niveau des mains remontant vers les épaules et le cou en matière transparente, de l’organdi je pense. Le haut de la robe est un bustier à lacets en jacquard avec des motifs floraux compressant légèrement mon poitrail, faisant remonter ma poitrine qui se sent à l’étroit. La jupe, quant à elle, est un amoncellement de tulles, un peu comme les danseuses étoiles. Un ange noir. C’est une tenue très sexy, trop peut-être pour une femme de mon âge. Je sors de la chambre pour rejoindre Nya qui attend patiemment entourée de maquillage et de longues plumes.

— Tu es canon, Bei ! Ouah ce corps que tu as ! s’exclame-t-elle.

— Houla, on ne doit pas voir la même chose, rigolé-je. C’est quoi ? demandé-je en pointant les plumes noires pour changer de discussion.

— Oh, ce sont tes ailes !

— Hmm, je comprends mieux la tenue, mais tu l'as prise au rayon enfants ? blagué-je. Parce que c’est tout de même un peu court.

— Très drôle. Non, ce soir tu es une femme fatale et tu vas faire mordre la poussière à mon frangin.

— Quoi ? Mais je ne veux pas Nya ! Je te l’ai dit, tu te fais des idées.

Parce que oui, cette demoiselle au flair aiguisé, a bien compris qu’il se passait quelque chose entre son frère et moi, bien que je pense qu’elle n’ait pas tous les tenants et aboutissants.

— C’est cela, à d’autres, veux-tu ? Allez, viens je te maquille rapidement les yeux et ensuite on file.

Après un soupir las, je m’assieds face à elle, et patiente pendant qu’elle sort ses pinceaux et autres fards. Au bout de plusieurs minutes à essayer de faire le vide en moi, il faut que je me rende à l’évidence. Je suis plus que pétrifiée en songeant à la soirée qui arrive. Je ne peux enlever les souvenirs qui affluent de la blonde assise à califourchon sur Lyam, lui chuchotant sûrement des choses obscènes à l’oreille. Il faut absolument que ces images sortent de ma tête une bonne fois pour toute ! Techniquement, nous ne sommes pas ensemble, il n’y a aucune raison de ressentir de la jalousie ! Alors pourquoi cette émotion germe-t-elle en moi, mettant à mal tous mes principes ?

Nya me sort de mes pensées au moment où elle se redresse pour ranger tout son petit bazar. Elle me tend les longues ailes noires et m’aide à les mettre. Une lueur passe dans ses iris, ce n’est pas la première fois qu’elle m’observe ainsi, je dirais que ça ressemble à de la mélancolie. Je ne sais pas si je souhaite savoir à quoi elle pense, mais ma curiosité prend le dessus.

— Nya ? Quelque chose ne va pas ?

— Je … Je ne suis pas née de la dernière pluie, tu sais. J’ai bien compris que c’était explosif entre mon frère et toi, quoi que tu en dises. Il m’a dit qu’il s’était mal comporté avec toi. Je ne suis pas là pour prêcher la bonne parole, rassure-toi. Mais je ne peux m’empêcher de me dire que vous pourriez construire quelque chose de beau.

— Tu es trop fleur bleue, Nya.

Le rire qui s’échappe de mes lèvres n’est tellement pas naturel que moi-même, il me paraît vide de sens à mes oreilles. Je ne sais pas ce que Lyam a réellement dit à sa sœur ou même à Noah, mais je crains qu’ils ne se fassent des idées. Ce n’est pas moi qui me morfond dans un passé, douloureux certes, mais qui n’a pourtant plus raison d’être. La vie m’a, dès le plus jeune âge, mis des épreuves sur mon chemin que j’ai toujours surmontée. Quoi qu’il m’en coûte. Avancer droit devant, ne jamais regarder en arrière. La personne qui s’empêche de vouloir essayer quelque chose est bien Lyam, pas moi. Même si mon divorce a été acté récemment, cela fait bien longtemps qu’il est terminé. J’ai eu assez de temps pour faire une introspection sur ma vie, mes envies et désirs. Et quand bien même serait-il prêt à s’ouvrir, j’ai besoin de me retrouver en tant que femme.

***

Une file de plusieurs dizaines de mètres longe le pub. La soirée à thème semble être un véritable succès ! Je capte quelques regards sur moi ou plutôt sur mes jambes quasiment nues et cela ne fait qu’augmenter mon mal être qui n’a eu de cesse de se propager sur le trajet. Nya m’attrape la main pour éviter que nous soyons séparées tandis que de l’autre j’essaie désespérément de baisser le bas de la jupe pour cacher un peu de ma peau.

La voix d’Aaron perce parmi la foule, et c’est tout naturellement que ma compagne de soirée nous y dirige. Déguisé en Thor, il est accompagné d’un leprechaun nommé Noah, et d’un rockeur aux yeux bleus qui semble statufié sur place. Lyam ne cesse de me déshabiller du regard me faisant très certainement rougir au vu de la chaleur qui se répand sur mes joues et du crépitement qui né dans mes reins. Aaron et Noah me donnent une accolade puis un baiser sur la joue. Lorsque vient le tour de saluer Lyam, je me demande si je dois partir en courant et me cacher.

— Bonjour, Beibhinn, me dit-il de sa voix devenue rauque.

Il hésite également à s’approcher. Je sens les yeux du reste du groupe, mais je n’arrive plus à penser à quoi que ce soit de cohérent. Fuir. L’embrasser. L’ignorer. Et dire qu’il y a à peine trente minutes, j’essayais de me convaincre de vivre ma vie sans attaches alors qu’un seul de ses regards me trouble plus qu’aucun autre. Soudainement, une blonde en démon sexy fait irruption. Tara. Elle salue tout le monde, puis part chuchoter quelque chose à l’oreille de Lyam. Son bras, à lui, se pose naturellement sur sa hanche, et elle en profite pour se coller contre son corps. Voilà. L’instant qui semblait n’être qu’à nous s’est dissipé en un éclair. Le crépitement se transforme en un amas de lave qui bouillonne de la même intensité que la jalousie qui monte en moi. Je détourne le regard, écœurée. Que disaient déjà Nya et Noah ? De lui laisser du temps ? Mais pourquoi finalement ? Espérer quelque chose qui ne viendra jamais. Mes amis m’observent tristement, augmentant ce trou dans mon cœur. Je ne sais pas si Lyam s’aperçoit du mal que cela me procure, mais, pourquoi s’en préoccuperait-il ? Nous ne sommes finalement que des connaissances. Et si j’ai eu du mal à me rentrer cette information dans le crâne, à cet instant, il n’y a plus de doutes possibles.

Ma copine m’attrape par l’épaule et me sert contre elle. Je sais qu’elle est désolée pour ce qu’il se passe, ce n'est pas de sa faute. Il y aura toujours des femmes plus belles, moins grosses, plus jeunes qui lui feront les yeux doux, et Lyam reste définitivement un homme à femme.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Lucie "LaFéeQuiCloche" Lake ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0