Chapitre 14 - Beibhinn

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Demain, c’est la sortie à la cristallerie de Waterford, et j’appréhende un peu. Depuis mon altercation et ce jusqu’à aujourd’hui, j’ai fait en sorte d’éviter un maximum ou au moins de me retrouver seule avec Lyam lorsqu’il amenait ou récupérait sa fille. Je suis encore blessée par son attitude. Lorsqu’il s’est enfuit l’autre jour, je n’ai pas réussi à me contrôler et j’ai fondu en larmes dans les bras de Nya. J’avais si peu dormi que mes émotions étaient exacerbées. Elle m’a écoutée, n’a porté aucun jugement. Je craignais qu’elle ne souhaite plus être mon amie, mais elle continue de prendre de mes nouvelles régulièrement. Nous avons d’ailleurs prévu de faire Halloween au pub, pour une soirée spéciale, ensemble car les enfants seront avec leur père. Elle m’a prévenue qu’il y aura son frère, mais que tout se passera bien.

Tout le monde est enfin au lit, je me fais un thé avant de m’installer dans mon fauteuil avec un livre à la main. Je l’ai à peine ouvert que je reçois une notification d’appel sur WhatsApp de Lena. Je décroche immédiatement, espérant qu’elle arrive à me changer les idées, voire me conseiller.

Alors que j’imaginais ne voir qu’une seule de mes amies, les trois me font face.

— Salut les filles ! Comment allez-vous ?

— Hello ma bichette, s’exclame Abby.

— Comment tu vas ? me demande Neve.

Voir cette dernière, avec tout ce qui est arrivé dernièrement, me met dans un état fébrile.

— Tu es toute blanche, dit Lena.

— Non, ne vous inquiétez pas les filles ! Ça va très bien. Mais, qu’est-ce que vous faites toutes les trois ensemble ?

— C’est la bonne question, se marre Neve. Lena nous a invitées ce soir et dès qu’on est arrivées, elle a passé la visio.

Nous portons toutes trois nos regards sur l'instigatrice de l’appel.

— Ok, ok, les filles. Alors je voulais vous annoncer une merveilleuse nouvelle. Cameron et moi, allons avoir un bébé !

Nous crions toutes de joie ! Abby saute même sur place.

— Je suis tellement heureuse pour vous Lena, dis-je, des trémolos dans la gorge. Depuis le temps que vous essayez d’en avoir un.

— Et du coup, tu es enceinte de beaucoup ? demande Neve.

— Seulement trois semaines. Je sais que ce n’est pas prudent de l’annoncer si vite, mais j’avais tellement envie de partager ça avec vous. Cameron est adorable, mais alors il ne fait que me materner, limite il me ramènerait un seau pour faire pipi pour que je ne bouge pas. J’ai l’impression d’étouffer.

— Laisse-lui du temps, la réconforte dans ses bras Abby.

— Tout se passe bien pour le moment ? interrogé-je.

— Oh oui, mis à part que je déteste l’odeur du café le matin, que je ne supporte plus les clients à l’agence et que mon cher et tendre est tout le temps sur mon dos. Mais sinon, nickel !

J’éclate de rire. Ah les hormones sont au maximum apparemment.

Nous partageons encore plusieurs minutes sur l’arrivée de ce futur bébé tellement souhaité et attendu par ses parents, lorsque la conversation dévie sur la future mutation de Neve aux États-Unis.

— J’appréhende un peu. Mais j’aime les défis, et j’ai tellement travaillé dur pour obtenir ce poste que je commence à avoir hâte ! En plus, ce sera l’occasion de tester les américains au lit. Depuis le mec au pub lorsqu’on était chez toi, Bei, il n’y en a aucun qui lui est arrivé à la cheville.

À cet instant, je dois ressembler à un poisson rouge avec ma bouche grande ouverte et la couleur de mes joues que je sens brûlantes.

— Que se passe-t-il, Bei ? demande Abby

— Ne me dis pas que je t’ai choquée, tout de même ? D’ailleurs tu as revu celui avec qui tu es partie ?

— Non, non, tout va bien, balbutié-je. Oui, j’ai revu Noah, mais pas comme tu l’imagines. Je… euh…

— Va droit au but, m’ordonne Lena.

Je porte à ma bouche ma tasse de thé devenu froid, puis, tête baissée, je leur explique tout ce qu’il s’est passé depuis la rentrée scolaire. Ma surprise de l’avoir retrouvé dans les couloirs de l’école, son agressivité, le pique-nique avec son lot de confidences et l’attirance que j’ai cru percevoir, la dispute au pub, pour finir par sa fuite. Lorsque je reporte mon regard sur le téléphone, elles me dévisagent.

— Fais attention à toi, Bei, me dit avec tant de compassion Lena. Je ne suis pas persuadée que cela soit le type de mec à se caser, et je ne supporterai pas qu’il te brise le cœur.

— Merci, Lena. Neve ? continué-je en essuyant les larmes sur mes joues. Je suis désolée, je t’ai un peu évitée ces derniers temps, je ne savais pas ce que je ressentais réellement, j'étais tellement perdue, et j’avais peur de te blesser.

— Ma chérie, je ne t’en veux pas. Je serais même rassurée de savoir que quelqu’un prend soin de toi. Cependant, reste prudente. Aaah je suis dégoûtée que l’on soit par téléphone interposé, j’ai tellement envie de te faire un câlin.

— Je vous aime les filles.

— Nous aussi, on t’aime, disent-elles en cœur.

Lorsque je raccroche, je me sens à la fois soulagée et rassurée de ne pas avoir brisé mon amitié avec Neve. Mais aussi, complètement vidée. Au lieu de lire, je pars me coucher. Demain je vais avoir besoin de toutes mes forces.

La nuit a été longue. Je n’ai pas arrêté de me tourner et retourner sans cesse.

Assise sur un tabouret de l’ilot central, je bois mon premier café de la journée, il m’en faudra certainement d’autres pour tenir. Je ressasse inlassablement la soirée avec Lyam, ma discussion d’avec les filles. Je pense qu’elles ont raison, je crains que cette histoire ne me fasse plus de mal que de bien. Cependant, j’ai ce foutu cœur qui bat plus vite lorsque je songe à lui. Mes ongles s’agacent sur la surface en bois, je m’énerve seule à me comporter comme une adolescente en proie à ses premiers émois. Je suis pathétique. J’avale d’une seule gorgée le reste de mon café lorsque j’entends les enfants descendre les escaliers.

C’est parti pour une nouvelle journée éreintante !

Dans le bus qui nous amène à la cristallerie, les enfants sont surexcités. Ma tête me fait mal tant elle tambourine. Lorsque le véhicule s’arrête, je me redresse, regarde toutes ces petites têtes blondes qui me font face.

— Les enfants, nous sommes arrivés. Je vous demanderais de rester en rang, deux par deux. Nous allons découvrir comment sont créés les objets en cristal. Nous descendrons du bus dans le calme et en silence.

Dehors la première, je compte un à un les élèves qui en sortent. Les deux mamans qui nous accompagnent apparaissent en dernier. Tout le monde avance dans un calme relatif vers l’usine, alors que mon cœur bat la chamade, et que mon stress monte d’un cran.

Nous sommes attendus par le guide dans le grand hall où un énorme lustre en cristal de la manufacture nous accueille. Je suis satisfaite, les enfants répondent avec entrain aux premières questions qu’il leurs pose, et s'intéressent à tout ce qu’ils voient. Nous longeons ensuite un couloir avant d’arriver dans une immense pièce où des flammes s’éveillent dans des fours allumés, plusieurs grosses machines, et où de nombreuses personnes s’attèlent à différentes tâches. Le guide nous dirige vers un pôle où des souffleurs récupèrent du verre liquide en fusion avec une longue tige et soufflent dedans.

— Papaaaa ! s’exclame une Hope surexcitée de retrouver son père en plein travail.

Lyam se retourne sur sa fille et lui adresse un magnifique sourire, puis son regard s’accroche au mien. Nous restons ainsi plusieurs secondes à nous dévisager. Pourquoi ? Pourquoi fait-il cela alors que je ne l’intéresse pas ? Se joue-t-il de moi ? Il ne peut que se douter de l’effet qu’il me fait. Moi, qui me pensais tellement supérieure à toutes celles qui lui tournent autour, je ne suis pas mieux. Je détourne les yeux lorsque je perçois la discussion des mamans qui m’accompagnent ce jour.

— Mon Dieu, que j’aimerais le retrouver dans mon lit le papa de la petite ! chuchote la première.

— Oh, tu pourrais me le laisser, tu es mariée, toi, ricane la seconde.

— Nous n’aurons qu’à se le partager.

— Si seulement… Il refuse toutes…

Je n’entends pas la suite, mes oreilles bourdonnent si fort que j’ai l’impression de perdre l’équilibre, et aie besoin de me maintenir à une rampe pour ne pas chuter. Ce poison qu’est la jalousie se distille dans mes veines. Mais pourquoi ? Je ne cherche pas à me caser, et nous ne sommes même pas un plan cul, comme il les accumule.

Punaise, Bei ! Reprends-toi !

Une main ferme me redresse. Mes yeux papillonnent le temps de refaire place à la réalité. Noah me sonde de ses yeux verts.

— Ça va, Bei ?

J'acquiesce alors, tout en cherchant une petite bouteille d’eau dans mon sac à main. Ma gorge est sèche, je peine à avaler ma salive. L’eau coule dans ma gorge, libérant une partie de cette gène. Mes yeux cherchent Lyam, le trouvent. Il me dévisage, l’air inquiet. Noah nous regarde comme un match de tennis. Sa main caresse affectueusement mon bras.

— Laisse-lui un peu de temps.

— Je… Je ne comprends pas, bégayé-je.

— À d’autres, jolie abeille, ricane-t-il. Je sais interpréter ce que je vois.

Et que voit-il exactement ? Sûrement une pauvre nana qui ne sait plus gérer sa libido et un mec canon qui s’amuse de ça.

— Je dois y aller, Noah. J’ai été ravie de te revoir.

— Demande mon numéro à Nya, si tu as besoin d'une oreille attentive.

Il se retourne d’un coup, me laissant seule face à mes pensées. Mais je suis vite rappelée à l’ordre par le guide qui me demande si nous pouvons continuer la visite. Apparemment, j’ai râté son speech de présentation.

J’avance, le regard fixé droit devant moi. Je m’exempte de ne pas tourner la tête pour voir ce qu’il fait. Me regarde-t-il ? Je dois rester focus sur ma classe, mais les paroles de Noah tourne dans ma tête, et ce jusqu’au soir. Que voulait-il dire par “laisse-lui du temps” ?

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