Chapitre 13 - Lyam

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J’ai la sensation qu’on me secoue, que l’on me parle. J’ouvre les yeux. Je me sens désorienté. La nuit semble être tombée sur Waterford. La brume s’étend sur le cimetière qui revêt une ambiance lugubre. Je me redresse, et sursaute lorsque la silhouette de Noah apparaît sous mes yeux le faisant ricaner.

— Purée, tu m’as foutu la trouille !

— Toi aussi mon vieux. Ça fait deux heures qu’on te cherche ! Tu ferais bien d’appeler ta sœur, elle est morte d'inquiétude.

Merde, Nya et Hope ! Je recherche mon téléphone et le trouve dans ma poche arrière. Lorsque je le déverrouille, j’ai vingt-trois appels en absence, essentiellement de ma frangine, et quelques-uns de Noah et Aaron. Je ne prends pas la peine de consulter ma messagerie, elle est sûrement pleine à craquer de messages vocaux ni même mes SMS. J’appuie sur le bouton et la sonnerie n’a pas le temps d’émettre un son que Nya a déjà décroché.

— Lyam ? Où es-tu ? Tout va bien ? m’assaille-t-elle de questions.

— Ça va. Mais toi, tu es où ? Et Hope ?

— On est chez toi. Je t’attends !

Je n’ai pas le temps de répondre qu’elle a raccroché. Je me retourne sur Noah qui attend, les mains dans les poches de sa veste.

— T’es en voiture ?

— Ouais. Allez, viens je te ramène.

Le trajet se fait dans un silence pesant. Noah me dévisage tout en conduisant. Lorsque nous arrivons, nous descendons tous les deux de sa caisse et il me suit.

— Qu’est-ce que tu fous ?

— Tu crois quand même pas que j’ai sacrifié ma soirée à chercher ta pauvre carcasse pour ne même pas savoir pourquoi ? Et j’ai hâte de voir le savon que va te foutre Nya.

Ça, moi aussi, mais je n’ai pas le même entrain que lui. Ma sœur va me pourrir, c’est certain, si en plus Bei lui a raconté ce qu’il s’est passé la veille, je suis un homme mort.

Nous montons les escaliers silencieusement pour ne pas embêter mes voisins vu l’heure tardive. J’ouvre la porte de mon appartement, et tombe sur Nya dans les bras d’Aaron qui est en train de la consoler. Je pose mon blouson à l’entrée et enlève mes pompes, essayant désespérément de reporter au maximum la discussion dont je ne vais pas pouvoir couper. Contre toute attente, ma sœur court vers moi et se jette dans mes bras. Elle pleure à chaudes larmes. Je la laisse évacuer ce surplus de stress tandis qu’elle tambourine mon torse de ses petits poings. Je la serre contre moi, essayant de la réconforter du mieux que je peux.

— Putain Lyam, tu étais où ? me demande-t-elle entre deux reniflements. J’ai eu tellement peur ! Tu ne répondais pas à ton téléphone !

— Désolée, petite chouette. J’étais au cimetière.

Instantanément, son visage se fige dans une grimace de compassion. Elle attrape ma main, puis nous dirige vers le canapé, les garçons nous emboîtent le pas.

— Ça va ?

Son pouce caresse ma main. Je profite de cet instant d’accalmie, je sais qu’il ne durera pas longtemps.

— J’avais besoin de faire le point.

Son doigt stoppe son attention et se crispe dans ma paume.

— Tu t’es comporté comme un véritable connard ! commence-t-elle à s’énerver.

— Je sais, Nya.

— Quelqu’un nous explique ? nous interrompt Noah.

Je la supplie du regard, mais un sourire sadique se forme sur ses lèvres.

— Ce goujat a fait une crise à Bei car elle s’amusait sur la piste et s’est comporté comme un parfait idiot après ça !

Je porte mes mains à mon visage que je frotte vigoureusement.

— C’était ça, hier ? demande-t-il.

J’acquiesce, penaud.

— Je suis désolé, dis-je à ma sœur et mon pote avant de souffler longuement. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Elle dansait avec ces connards, et j’ai vu rouge.

Mes amis et ma sœur semblent communiquer avec les yeux, se fixant sans se lâcher.

— Tu… tu as été jaloux ? me demande Aaron.

— Non ! m’exclamé-je, certainement trop vite pour être honnête.

— Qu’est-ce que ça te fait de savoir que j’ai passé une nuit entière avec elle ?

Ma mâchoire se crispe, mes yeux lancent des éclairs. Putain, ça me fait franchement chié ! Mais je ne veux pas me l’avouer. Mon attitude le fait marrer et ça me rend encore plus fou. Je bondis d’un coup de ma place et lui saute dessus. L’attrapant par le t-shirt, je l’acule contre un mur. Ma tête bourdonne de rage, mes naseaux frémissent. Aaron m’attrape par derrière et dégage ma prise pour libérer Noah.

— Si avec ça tu n’es pas jaloux… se marre ce dernier.

Je le fusille du regard alors que je suis amené à nouveau au côté de ma sœur qui me dévisage étrangement. Elle se lève avant de demander :

— Vous pouvez me laisser seule avec lui, les gars ?

Ils acquiescent et commencent à se rhabiller. Aaron et Nya se trouvent dans l’entrée, il l’enlace et la touche un peu trop à mon goût. Voulant échapper à cette vision, je longe le couloir donnant dans la chambre de ma fille. J’entre-ouvre sa porte et la regarde dormir paisiblement. Si loin de ce conflit qui naît en moi. Derrière moi, des pas légers avancent dans ma direction. Ma sœur se poste à mes côtés et observe sa filleule. Au bout de plusieurs minutes de silence apaisant, elle pose sa main sur mon biceps et me fait signe de la suivre. Un dernier coup d’œil à ma merveille et je referme avant de la suivre.

Je la retrouve dans la cuisine, elle sort une boîte de pizza du four et la pose sur la table basse du salon. Elle repart chercher deux bières qu’elle décapsule et me rejoint. J’attrape une part et croque dedans. Mon estomac gargouille de bien-être face à cette nourriture, je n’ai rien mangé depuis ce matin.

— Vas-y, je t’écoute.

J’avale ma bouchée. Ça me laisse le temps de réfléchir, mais je reste encore complètement perdu par tous ces derniers événements.

— Je sais pas, Nya, soufflé-je. Vraiment, je ne me comprends pas.

— Moi, je pense que si, mais tu n’oses pas te l’avouer.

Je pousse un râle tout en m’avachant en arrière sur le canapé.

— Peut-être que tu as raison. Mais c’est impossible.

Ma sœur attrape mes mains dans les siennes, et me regarde droit dans les yeux.

— Pourquoi ? Pour Erin ? Arrête un peu, Lyam.

J’ouvre la bouche pour l’interrompre, mais elle ne m’en laisse pas l’occasion.

— Laisse-moi parler un peu. J’en ai marre que tout le monde te materne ! Erin est la grande sœur que j’ai toujours voulu avoir. Je l’aimais énormément, tu le sais. Mais, es-tu sûr ne serait-ce qu’un millième de seconde, qu’elle aurait souhaité tout ça ? Que tu vives comme ça, refusant de t’ouvrir aux autres ! Vis, merde ! Pour Hope, pour nous, mais surtout pour toi ! J’ai mal de te voir aussi triste, jour après jour.

Elle essuie les larmes qui coulent seules, comme si la digue, qui était fêlée, venait enfin de rompre. Nya a toujours eu le don d’appuyer là où ça fait mal. Parfois le réveil peut-être long, pour moi il aura pris huit ans, mais qu’est-ce que c’est douloureux. J’ai cette impression que je perds une seconde fois Erin en acceptant mes sentiments, et ça je ne suis pas encore prêt. Tant d’années où son fantôme me hante, où j’ai endossé toute la faute de sa mort, la culpabilité d’avoir rendu Hope orpheline de sa mère. Tout ça me ronge depuis tant de temps.

— Ouvre-toi, Lyam, me supplie ma sœur, elle aussi en larmes. La vie est belle. Tu as une famille, des amis qui t’aiment, la plus merveilleuse des petites filles. Mais l’humain est fait pour aimer.

— J’ai tellement peur de m’y prendre mal. J’ai l’impression que je ne sais pas comment faire les choses. Mais par-dessus tout, je crains de blesser Beibhinn si je n’y arrive pas, et de foutre tout en l’air par rapport à Hope.

— Tu sais, la peur n’évite pas le danger. Laisse-toi un peu de temps, que dans ta tête ça aille mieux. Bei est une grande fille, mais surtout, c’est une femme intelligente. Je ne pense pas qu’elle ferait ressentir de l’amertume à Hope si les choses se passaient mal. Tant que tu la respectes, et que tu es sincère, elle saura faire la part des choses. Ton avenir peut être avec Bei, comme ça peut l’être avec une autre. On ne peut être sûr de rien..

J'acquiesce. Parfois, je me demande qui des deux est le plus âgé. En tout cas, Nya est bien plus mature que moi. J’attrape ma bière pour désaltérer ma gorge devenue sèche.

— Et sinon, Aaron et toi ?

Ma sœur rougit comme une ado, et ça me fait marrer. L’ambiance se détend.

— Alors, sache mon cher frère que cela ne te regarde absolument pas.

— T’es vache ! Je viens de me confier et toi tu me balances ça ?

Je commence à la chatouiller et elle se tortille sous mes mains.

— Si tu veux que j’arrête, faut que tu craches le morceau.

Comme elle ne répond rien, je me dirige vers elle pour recommencer.

— Ok, ok, se résout-elle. Pour le moment, il ne se passe rien, on ne fait que flirter. Tu ne sauras rien de plus.

Je l’observe, étonné. Depuis quand mon ami ne fait que flirter avec une fille.

— Arrête de bugger, Lyam, se marre-t-elle. Allez, on se mate un film ?

Je valide l’idée en attrapant la télécommande et en lançant Netflix. Elle ne lâchera rien de plus, il ne me reste plus qu’à demander à Aaron où il compte aller comme ça avec ma sœur.

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