Chapitre 7 - Lyam

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Note d'Auteure : avant toute chose, je vous conseille de relire les chapitres précedents. Effectivement, des prénoms ont été changés, des détails ont été apportés.

Belle Lecture <3

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Après avoir rattrapé mon retard, je quitte la cristallerie à l’heure. Je m’engage dans la circulation de Waterford pour la librairie de Nya. Je trouve une place, puis la rejoins rapidement. Sa boutique est dans une rue piétonne du centre-ville. La devanture est dans un style complètement traditionnelle de la ville et de couleur orange. Ça peut paraître explosif comme ton, mais à côté des autres boutiques peintes en vert ou bleu, au final c’est la moins criarde. J’entre et aperçois ma sœur perchée sur une échelle des livres au creux de son avant-bras. Je m’avance vers elle le plus discrètement possible.

— Bouh !

Elle hurle en lâchant les bouquins, pendant que je me marre comme un idiot. Comme ça fait du bien de lâcher la pression !

— Putain, Lyam ! T’es stupide quand tu t’y mets ! J’aurais très bien pu tomber.

Elle descend tout en râlant alors que je ne peux m’empêcher de me foutre d’elle.

— T’es vraiment un gamin.

Je l’attrape par la taille et lui fais un câlin. J’adore tellement nos petits jeux d’enfants qui n’ont jamais réellement cessé malgré les années.

— Allez, fais pas la gueule ma petite chouette.

Elle essaie de me repousser lorsque j’emploie le surnom que je lui donnais pour l’embêter quand nous étions plus jeunes. Il faut dire qu’elle portait des lunettes au moins triple foyer – je n’ai jamais vu des trucs aussi épais. Malheureusement pour elle, Nya n’y arrive pas, il faut avouer que comparé à moi, elle n’est pas très épaisse. Je me mets à la chatouiller pour qu’elle capitule et arrête de me faire la tronche.

— Ne m’appelle plus jamais comme ça ! râle-t-elle, le visage rouge de colère.

— À une seule condition, que tu arrêtes ton boudin.

— Je ne bouderais pas si tu n’avais pas manqué de me faire tomber en m’appelant ainsi ! ronchonne-t-elle.

— Tu marques un point.

Je la libère après lui avoir fait un bisou sur la joue en guise d’excuse. Je regarde autour de moi. Le rangement a l’air d’être fini. Des livres à perte de vue sur des étagères, une partie avec des liseuses. Des poufs sont disséminés ici et là ainsi que de petites tables, il y a également des coins plus cocoon avec des causeuses rondes. L’ensemble est à l’image de ma sœur, chaleureux. Ça donne envie de se poser, de bouquiner, enfin, pour ceux qui aiment ça.

— T’as bien bossé, c’est cool. Tu ouvres quand ?

Nya se dirige vers le comptoir et dépose les bouquins qu’elle a ramassés.

— Début de semaine prochaine normalement. J’attends de recevoir la caisse et de la programmer.

Je la suis lorsqu’elle se déplace vers la partie café.

— Et la partie restauration est presque finie.

En effet, derrière les vitrines réfrigérantes, un plan de travail en inox est installé. Tout un tas d’appareils servant à faire à manger et un grill sont installés dessus. Un four et un frigo sont sur le mur d’en face.

— Ça va, tu ne sembles pas stressée, m’étonné-je.

— Oooh si, ricane-t-elle. Mais j’ai tellement à faire en ce moment que je n’ai pas le temps de m’en préoccuper, et le soir je suis trop fatiguée, donc je m’endors rapidement. Ce ne sera sûrement pas pareil dimanche pour la crémaillère.

— Tu vas assurer. Je te fais confiance.

Elle me lance un timide sourire qui n’atteint pas ses yeux. Je ressens que quelque chose ne va pas.

— Qu’est-ce que tu as ma petite chouette ?

Ses yeux se lèvent machinalement au ciel.

— Et si je me plantais ? laisse-t-elle échapper tout en baissant la tête.

Je lui attrape le menton pour la forcer à me regarder.

— Nya, j’ai beau te taquiner, je t’assure que c’est super ce que tu as fait de cet endroit. Je suis tellement fier de toi et d’être ton grand frère. Je suis persuadé que ça va faire un carton ton café littéraire et en plus, d’après ta super nièce qui est au courant de tout, c’est à la mode.

Je la serre dans mes bras un instant pour la réconforter. Elle me repousse légèrement avant de me faire un baiser sur la joue.

— Je prends mon sac, et on va chercher Hope.

Je me tourne lorsque sa voix me rappelle.

— Merci, Lyam.

Le chemin est rapide jusqu'à l’école. Une fois sur place, quelques femmes me lancent des œillades concupiscentes, mais je ne donne pas dans les mères de famille. Nya se moque ouvertement de moi jusqu’à ce que les grilles s’ouvrent enfin, et dans un même mouvement tout le monde entre pour récupérer leurs garnements.

Devant la porte de la classe d’Hope, les élèves sortent un à un. Beibhinn, qui m’a pourtant remarqué, n’appelle pas ma fille même lorsqu’il ne reste plus qu’elle.

— Tout s’est bien passé ? demandé-je inquiet.

— Je voulais justement te parler.

Elle jette un regard vers Nya, ne sachant pas si elle peut parler devant elle, j’imagine.

— Je te présente Nya, ma sœur.

Elle acquiesce et nous lance un sourire.

— Bonjour, je suis Beibhinn, la maîtresse d’Hope. Alors, la journée s’est relativement bien déroulée. Elle a passé la majeure partie de son temps avec Ciara et Aylin. Cependant, il y a eu un incident lors de la pause méridienne.

Le répit aura été de courte durée. Mais putain, comment des gamins peuvent être aussi méchants les uns avec les autres !

Beibhinn pose une main réconfortante sur mon bras lorsqu’elle remarque mon agitation.

— Deux élèves de la classe s’en sont pris à ta fille et l’ont bousculée. Elle est tombée au sol, mais n’est pas blessée, je m’en suis assurée. Ceux-ci ont été punis et les parents vont être convoqués. Là, elle joue avec mes filles.

Ne me voyant pas répondre et bouillir intérieurement, Nya prend la relève.

— Merci beaucoup. Viens, Lyam, on y va.

Je hoche la tête machinalement alors qu’elle s’avance vers l’entrée de la classe et que j’entends le cri de joie de ma fille en voyant sa tante.

— Ça va, Lyam ? s’inquiète Beibhinn.

Mes poings sont serrés si fort que je sens mes ongles s’enfoncer dans mes paumes.

— Tu as intérêt à faire le nécessaire avec ces merdeux, ou c’est moi qui m’en occuperais, craché-je entre mes dents.

Son visage compatissant change en un quart de seconde pour prendre un air sérieux que je ne lui ai jamais vu.

— Écoute, je sais ce que j’ai à faire, chuchote-t-elle pour ne pas être entendue mais d’un ton ferme. Je comprends que ça puisse être compliqué pour toi, mais ne te laisse pas contrôler par ta colère. Pense à Hope.

— Mais putain ! C’est justement à elle que je pense. Ça dure depuis l’année dernière ! Ce n’est pas toi qui essuies ses larmes à cause de ces petits cons !

Nous nous fixons. Moi, lançant des éclairs, elle avec ses yeux bienveillants malgré la tournure de la discussion.

— Papa !

À la douce voix mélodieuse de ma baby, je détourne le regard et plonge dans celui du même bleu que le mien mais avec une tache marron en plus. De la même couleur que ceux d’Erin, comme si elle lui avait légué une étoile. Et là, toute ma rage me quitte.

Contre toute attente, la semaine s’est bien déroulée. Comme me l’avait assurée Beibhinn, les parents des merdeux ont été convoqués, apparemment, cela n’avait jamais été fait l’année précédente, personne ne semblait même au courant de ce que subissait Hope. Je suis également convié à la réunion.

Ma mère m’accompagne, on sait très bien elle et moi que sans sa présence, je pourrais très facilement m’emporter. Je prends énormément sur moi pour ne pas exploser de colère devant l’assemblée ou de dévisager d’un mauvais œil les gamins. J’avoue que Beibhinn et la direction font preuve de pédagogie et d'une grande fermeté. Les enfants ont l’air de comprendre la gravité des choses et promettent de s’excuser auprès d’Hope.

Les parents fuient presque au pas de course les lieux, après s’être également excusés, leurs progénitures à leurs basques. À l’approche de Beibhinn, ma mère aborde un large sourire, alors que je reste encore sur mes gardes.

— Madame Healy, comment allez-vous ? demande ma mère.

— Très bien, merci madame O’Connell. Bon, je pense que les enfants ont compris ce qu’ils ont fait, et les répercussions que cela peut avoir. Cette semaine, nous avons pu voir en classe ce qu’était le harcèlement en faisant des jeux de rôle. La police devrait également venir faire de la prévention un après-midi.

Ne me voyant pas réagir, Bei me dévisage longuement.

— Es-tu rassuré ?

— Je le serais uniquement si ça ne se reproduit pas cette année.

— Je comprends, Lyam, vraiment. Mais ce sont des enfants, ils font des erreurs. L’important est qu’ils aient compris que leur comportement était inadmissible. Laisse-leur le temps de se racheter.

Putain, elle me gonfle avec ses leçons de morale ! Ces gamins resteront des petits cons, j’en suis persuadé !

— Si tu le dis, réponds-je d’une voix blanche, histoire qu’elle me foute la paix.

— Oh oui, nous le savons très bien. Je suis sûre que tout ira pour le mieux, désormais, ajoute ma mère.

Beibhinn nous répond par un sourire. Cependant, je sens bien qu’elle ne croit pas un mot de ce qui est sorti de ma bouche. Devant la tension qui augmente et nos regards lourds de sens, ma mère se racle la gorge.

— Après-demain, ma fille organise une inauguration pour son café littéraire. Vous êtes, bien évidemment, la bienvenue.

Je manque de m’étouffer. Quoi ? Pourquoi faut-il qu’elle l’invite ? Ça sent les coups foireux de ma mère !

— Maman, madame Healy est sûrement déjà prise dimanche, grincé-je.

L’éclat qui brille dans ses yeux présage une réponse qui ne va pas me plaire.

— Je serais heureuse de revoir votre fille et de venir célébrer l’ouverture de sa librairie. À quelle heure faut-il venir ? répond-elle tout en me fixant, un sourire narquois aux lèvres.

Merde, j’étais persuadé de sa réponse avant même qu’elle ne la formule. Je n’écoute pas la suite de la conversation, que je m’élance dans le couloir afin de rejoindre au plus vite ma voiture. J’ai besoin de souffler avant le retour de ma mère pour ne pas l’envoyer chier. Je sais déjà que j’aurais encore le droit à une leçon de morale.

Nous sommes tous dans la librairie de Nya. Avec Aaron et Noah, nous réajustons certaines tables et poufs, ma mère est en cuisine pour les derniers petits fours, tandis que ma sœur et Hope vérifient que les livres sont bien en place. Je la sens stresser car elle commence à jurer dans son coin sur chaque malheureux bouquin qui dépasse d’un petit millimètre de l’étagère. Avec les mecs, nous nous jaugeons pour savoir lequel de nous trois aura les couilles de combattre la furie. Au moment où je me redresse, Aaron me devance et la rejoint. J’ai cette mauvaise impression que ces deux-là me cachent quelque chose. Surtout quand je le vois poser ses mains sur ses épaules et lui parler au creux de l'oreille. Pourtant, il me semblait avoir été clair avec mon pote. Mais là, ce n’est franchement pas le moment de faire un scandale. Je suis détourné par un coup de coude dans les côtes par Noah.

— Tu sais qu’Aaron est le plus sérieux de nous trois, dit-il tout en regardant dans sa direction.

Ouais, je le sais. Mais Nya est ma petite sœur, et il n’y a pas une sorte de code d’honneur qui stipule que les sœurs sont intouchables ?

— S’il lui fait du mal, j’le bute, grogné-je.

Il ricane tout en retournant tapoter un coussin sur un siège et poursuit :

— Tu ne pourras pas la protéger toute sa vie, elle est majeure et vaccinée.

Il n’empêche que ça me fait grandement chier. Il va falloir que je prenne sur moi si je ne veux pas me mettre ma sœur à dos.

Les premiers invités à l’inauguration sont déjà là. Tout le monde discute joyeusement en grignotant des petits fours ou des verrines préparés par ma mère et Nya.

Une bière à la main, j'observe ma sœur progresser dans son environnement. Passé les premières minutes de stress, elle est maintenant aussi à l'aise qu'un poisson dans l'eau. Aaron à ses côtés, ils naviguent d'un groupe à l'autre. Est-ce que je dois les laisser prendre leur envol ou bien faut-il que je m'interpose dès le début, avant que leur histoire ne devienne sérieuse ? Le problème, c'est que je ne connais absolument rien de ce qui les lie. Noah a raison en un sens, Aaron a toujours été le plus sérieux de nous trois. Oui, il a eu quelques plans cul, mais c'était bien plus souvent des relations qui duraient dans le temps. Plus je regarde Nya, plus je la trouve épanouie. Aaron, même dans la retenue, certainement dû à ma présence, est plein de petits gestes tendres. Si je n'avais pas aussi peur que ma sœur ait le cœur brisé, je pourrais avouer qu'il est un mec bien pour une fille comme elle.

Je suis stoppé dans mes pérégrinations lorsque Hope hurle Aylin ! Ciara ! et court vers la porte du café qui vient de s'ouvrir. Beibhinn entre accompagnée de ses jumelles et d'un ado qui a l'air d'avoir autant envie d'être ici que de nager avec des piranhas. C'est dire la tronche qu'il tire. Nya qui les a également vus, se dirige vers eux pour les saluer. De loin, j'aperçois ma mère me faire ses gros yeux tout en pointant Bei du menton. J'ai l'impression d'être comme un gamin impoli qu'on engueule et qu’on oblige à dire bonjour. C'est peut-être vrai que mon attitude envers la maîtresse y ressemble beaucoup, mais ce n'est pas moi qui l'ai invitée, alors qu'elle se démerde. Ouais j'ai cinq ans d'âge mental quand je veux.

La tornade Sinéad O'Connell se déplace rapidement jusqu'à moi, les traits du visage crispés par la contrariété.

— Lyam, tu vas me faire le plaisir de saluer madame Healy !

Qu'est-ce que je disais ? C'est ça, ma mère me prend pour un môme mal élevé.

— C'est toi qui l'as invitée, lui rappelé-je.

— Écoute-moi bien, mon fils.

Houla, ça se présente mal pour moi lorsqu'elle commence ainsi.

— Je t'ai éduqué comme il faut. Je n'en peux plus de ton comportement ! Que ce soit avec les filles que tu fréquentes ou ton attitude envers cette femme qui ne t’a rien fait ! Sois poli et courtois, hop, hop, hop !

Son doigt est pointé vers moi, sa voix montant dans les aigües à mesure que son exaspération augmente, ma mère est en colère. Il vaut mieux que je fasse ce qu'elle me dit au risque qu'elle explose ici-même, et ce ne sera pas beau à voir. Je souffle un coup. C'est vrai que je me comporte comme un connard alors que Beibhinn a tout mis en œuvre quant au harcèlement subi par Hope. C'est plus fort que moi. Bei me rappelle trop Erin, elles sont pourtant si opposées. Mais, la femme qui me fait face a cette lueur particulière dans le regard. Celle-là même qui a disparu le jour où la femme que j’aimais est partie à jamais. Et pour mon équilibre, je refuse tout rapprochement, aussi petit soit-il.

Cependant, je fais un effort et m’approche du petit groupe qui s’est formé pour la saluer. Elle semble faire l’unanimité auprès de ma famille et amis, et je comprends pourquoi en l’observant pendant que j’avance. Elle est resplendissante dans sa robe bordeaux. Elle est déjà en grande conversation avec Nya, Aaron et Noah. Ce dernier la prend dans ses bras, c’est alors qu’un sentiment que je n’avais plus ressenti depuis des années se distille sournoisement dans mes veines. Pourquoi ai-je envie de prendre la place de mon ami ? Pourquoi n’est-ce pas à moi qu’elle sourit si sincèrement ? Oh bien sûr, tout au fond de moi, je connais très bien les raisons, mais toutes ces questions m’empêchent de réfléchir correctement. Une colère sourde s’est déjà emparée de mon être lorsque je me plante devant eux.

— Bonjour, lâché-je froidement.

Nya me dévisage pendant que Beibhinn me salue également. L’ambiance est lourde tout à coup. Je me sens mal à l’aise. Je n’ai pas le droit d’être jaloux, je ne le dois pas ! Et pourquoi le suis-je ? Je lance un regard d’excuses à ma sœur et sors rapidement de la librairie. Demain elle sera sûrement chez moi pour me demander des explications. Mes pas m’amènent jusque chez Tara. Sans réfléchir plus longtemps, j’appuie frénétiquement sur la sonnette. Dès lors qu’elle ouvre la porte, j’entre tout en la plaquant sur le mur le plus proche. Son sourire est une invitation à la débauche. J’ai besoin de faire le vide en moi. Qu’elle m’empêche de penser.

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