Chapitre 1-2 - Beibhinn

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Une fois n’est pas coutume, je me retrouve au milieu de cartons, mais cette fois-ci, à déballer. Il est quinze heures et les déménageurs viennent de s’en aller. Ça rend les choses tellement plus concrètes. Une nouvelle ville, une nouvelle maison. Un nouveau départ. Une vie, que je m’apprête à prendre en main. À m’épanouir, moi, en tant que femme pour commencer, puis maman solo. Les débuts risquent d’être éprouvants, je le sais, mais j’y crois. Je ne suis pas la première à me retrouver dans cette situation, et je ne serai pas la dernière non plus. Si d’autres y arrivent, pourquoi pas moi ? Je sais que Ryan sera toujours présent pour ses enfants, mais son travail lui prend tellement de temps.

En pensant à Kieran, Aylin et Ciara, mon cœur se serre de ne pas les avoir près de moi. J’attrape mon téléphone et regarde l’écran noir. Est-ce que je peux les appeler en visio ? Je n’ai pas le temps de réfléchir qu’il sonne. Je décroche et la voix de Lena résonne à mes oreilles, heureuse de me détourner de mes tristes pensées.

— Salut ma bichette !

— Hello Bei ! Tout se passe comme tu veux ?

— Les déménageurs viennent de partir. Je suis toute seule au milieu des cartons, et je suis fatiguée d’avance de devoir tout ranger !

— Les enfants reviennent quand ?

— Dans quinze jours. Comme ça, j’aurai le temps de tout mettre en place, ou du moins de bien déblayer avant leur retour.

— Avec les filles, on voulait passer ce week-end pour t’aider, beaucoup, et sortir, un peu. Ou plutôt l’inverse, continue-t-elle en rigolant.

— Ah ! Ce serait super.

— Génial ! Bon, on viendra vendredi dans la matinée et on repartira lundi ou mardi.

— Super ! J’ai hâte de vous voir.

Nous raccrochons après de rapides au revoir. Grâce à son énergie et sa bonne humeur, me voilà ragaillardie. C’est exactement ce dont j’avais besoin.

Ce n’est pas tout ça, mais les filles arrivant dans deux jours, il faut que je m’active pour qu’on puisse au moins dormir et manger sans que cela ne soit trop le bazar. Armée de mon cutter, je m’applique à ouvrir et débarrasser chaque carton qui me tombe sous la main.

Lorsque mon ventre se met à gronder, je m’aperçois que le soleil se couche. J’avise l’heure sur le micro-ondes, branché dans l’après-midi, presque vingt heures. Une œillade sur la cuisine et le salon, l’essentiel est déjà déballé. Ma chambre est installée, il y a quand même des priorités. J’attrape mon téléphone et la lumière qui clignote m’informe de l’arrivée d’un message.

[Ryan : Les enfants aimeraient te parler avant de mettre un film à la télé.]

Ni une ni deux, j’appuie sur le bouton vert et la voix de Kieran retentit à l’autre bout de la ligne.

— Hey m‘man ! On allait regarder Harry Potter avant d’aller dormir, mais avec les p’tites, on aurait aimé voir la maison.

— Salut mon grand ! Ok, je bascule l’appel en visio.

C’est quand même beau la technologie !

Quand les visages de mes trois amours apparaissent sur l’écran, les larmes me montent aux yeux. Juste quelques jours de séparation et déjà leurs câlins et leurs odeurs me manquent. Bon, les chamailleries beaucoup moins si je me montre un minimum honnête.

— Vous voulez une visite ?

Ils crient en cœur un énorme oui, alors je mets ma casquette d’agent immobilier. Je leur dévoile d’abord la cuisine et le salon qui, comme je me doutais, ne les intéressent pas tellement. Après avoir fait l’impasse sur ma chambre, je grimpe à l’étage pour rentrer dans le vif du sujet. Je commence par celle de Kieran, il est content de savoir que je lui laisse carte blanche pour la décoration, mais ce qui le rend fou de joie : une salle d’eau individuelle.

— Ouiiiiii ! Je partagerai plus avec les microbes !

— Hey ! On n’est pas des microbes, fait Aylin en boudant.

— Kieran ! Allez, on passe ensuite aux filles, ajouté-je pour calmer le jeu.

J’ouvre sur une pièce aux murs roses, plus petite que celle de Kieran, mais de belle taille tout de même.

— Donc, celle-ci est pour toi Aylin, avec un lit à baldaquin comme tu voulais. Ici, tu as une porte qui mène sur une salle de bain communicante entre ta chambre et celle de Ciara.

Les yeux d’Aylin pétillent en voyant son nouveau lit et la décoration prête à être posée.

Je traverse la pièce d’eau qui m’amène directement dans un tout autre univers. Tout y est plus simple, épuré. Une bibliothèque n’attend plus que sa cinquantaine de livres scientifiques. C’est la chambre la plus studieuse des trois.

— Et celle-ci est la tienne Ciara. Je te laisserai déballer tes cartons pour que tu ranges à ta façon.

Oui, parce qu’en plus Ciara est maniaque. Tout doit être organisé dans un ordre bien précis, qui est connu et compris que d’elle-même, évidemment.

— Elle est superbe ! Merci maman.

— De rien, ma puce. Il y a aussi au rez-de-chaussée un jardin où on pourra mettre une piscine, manger dehors et peut-être même une balançoire. Mais comme il fait déjà presque nuit, ce sera la surprise pour le jour où vous arriverez.

— Ah, le film va commencer, me coupe Kieran.

Le visage de Ciara se ferme alors que ses yeux expriment maintenant de la tristesse.

— Que se passe-t-il, ma poupette ?

— Tu me manques, maman.

Kieran, en grand frère attentionné, prend ses petites sœurs contre lui et les serre dans ses bras. Le tableau que me renvoie le téléphone m’émeut, nous n’avons jamais été séparés aussi longtemps. J’ai toujours été là pour eux. Leur père, également, mais son travail de pilote d’avion fait qu’il était souvent en déplacement.

— On se retrouve dans deux semaines, mes chéris. Profitez de votre papa. Ensuite, vous ne le verrez qu’aux prochaines vacances, d’accord ?

Tous trois hochent la tête pour acquiescer.

— Je vous laisse regarder votre film, sinon vous allez rater le début. On se rappelle demain, ok ?

Je raccroche à contrecœur et sors de la chambre des filles. Je glisse le long du mur du couloir, les bras autour de mes genoux, les larmes dévalent mes joues pendant plusieurs minutes. Il est insupportable de les savoir aussi longtemps loin de moi, même s’ils ne manquent de rien avec Ryan. J’ai l’impression d’être amputée d’un membre. En descendant les escaliers, mon estomac me rappelle à l’ordre. J’attrape ma veste en jeans et me dirige dehors après avoir fermé la porte à clé.

Le quartier où la maison se situe est assez animé. Il y a quelques restaurants, pub et boutiques, j’aime l’atmosphère qui y règne. Avec la chaleur estivale, beaucoup se trouvent en terrasse, profitant de la fraîcheur que nous apporte la nuit tombée.

Mes papilles frétillent lorsque je passe devant un traiteur chinois. J’entre et mon regard se pose sur un couple qui rigole. Leur complicité me renvoie au visage l’échec de mon mariage. Je suis ramenée sur Terre lorsque, derrière moi, un raclement de gorge agacé me parvient aux oreilles. Je me retourne vivement sur un homme de mon âge, bien plus grand que moi. Mes yeux, qui tombent à hauteur de poitrine, sont obligés de glisser sur un torse caché par un t-shirt qui lui sied à merveille. Un peu plus haut, la mâchoire carrée de l’individu est tellement serrée que je me demande un quart de seconde comment fait-il pour ne pas s’exploser les dents. Au moment où mes yeux fixent les siens, d’un gris orageux, l’homme grogne à nouveau.

C’est un nouveau langage ?

— Bon, elle se grouille la grosse ? Il y en a qui ont faim ! Puis, elle a suffisamment de réserves pour sauter un repas !

Je reste coite ce qu’il me semble bien trop longtemps, pendant que la blonde qui l’accompagne se gausse. Comment ça, la grosse ? Ok, je ne suis pas filiforme comme la femme qui se tient à ses côtés, mais tout de même ! Je me reprends immédiatement puis lui plante mon doigt sur son torse, bien trop ferme.

— Pardon ? Mais il se prend pour qui le cliché sur pattes ? Tout le monde ne jure pas que par ses pectoraux, nodocéphale !

Je me retourne et m’avance pour passer commande tandis que je l’entends ricaner et échanger des messes basses avec Barbie dans mon dos. Abruti !

Moi qui, jusqu’ici, étais charmée par l’ambiance que dégage ce nouveau quartier, je tombe de haut. Cet idiot m’a tellement énervée que je n’arrive pas à décolérer alors que je rentre chez moi.

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