Chapitre 17

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Mes mains étaient couvertes de sang. Le bas de mon t-shirt l’était également. Je refermais ma veste rapidement pour me dissimuler et fourrais mes mains dans mes poches. Le couteau que j’avais utilisé était toujours dans ma poche intérieure. Dès que possible, il prendrait un bain d’eau de javel avant de finir dans une benne à ordure. Mais qu’est ce que je foutais ? Mais je prenais bien trop de risques. Cette fille n’en valait pas la peine. Ça faisait des mois et je n’avais pas eu de contact à nouveau avec mon employeur, de quelque manière que ce soit. Il était évident que je n’allais pas être payé. Ils étaient probablement sur mes traces aussi ! Je n’allais pas tarder à y passer avec elle ! J’inspirai brusquement pour remettre mes idées en place. Ce n’était pas le moment de paniquer, j’étais en pleine rue, en train de m’éloigner plus ou moins tranquillement de l’endroit d’où je venais de poignarder le père de Kaylin d’une dizaine de coups de couteau dans le ventre. La rue n’était pas très remplie à cette heure-ci mais il n’allait pas tarder à être découvert. Autant rentrer au plus vite et sans me faire remarquer pour me débarrasser des preuves pouvant mener jusqu’à moi. Plonger pour meurtre n’était pas le meilleur plan. Me retrouver dans une cellule alors que j’avais peut-être un contrat sur la tête n’allait pas allonger mon espérance de vie.

Je m’éloignais toujours aussi tranquillement en apparence. Je sentais mon t-shirt poisseux de sang me coller à la peau sous ma veste. Un coup d’oeil m’indiqua que le sang commençait à transpercer du côté visible. Je ne pouvais pas croiser les bras pour le cacher, mes mains étaient également sales. Je jetai un regard suspicieux aux alentours, personne n’était directement en vue. Une dizaine de minutes plus tard, j’étais dans le quartier malfamé du quartier Nord où j’habitais. Ici, les gens ne disaient rien s’ils voyaient un peu de sang sur vos vêtements. Ils n’avaient pas envie de mettre en colère la mauvaise personne et que ce soit leur propre sang qui coule ensuite.

Arrivé chez moi, je me dépêchai de prendre un seau pour le remplir d’eau de javel. Je jetai le couteau ensanglanté dedans, bientôt rejoint par mes vêtements. Le produit rendrait toute identification impossible par l’ADN. Je pris également une longue douche pour me débarrasser des traces que je pourrais avoir sur moi. Je frottais les résidus de sang de mes mains pendant de longues minutes, grattant jusqu’à sous mes ongles. Pour faire bonne mesure, je pensais que je devrais également brûler mes vêtements. J’étais perdu dans l’instant présent, d’ordinaire, tout se finissait de manière propre, à distance. J’étais trop impliqué. Il fallait que j’en finisse et que je me fasse oublier. J’avais suffisamment de crédits de côté pour ça. Mais elle m’avait hacké et j’avais tué son père en représailles. Et j’avais fait en sorte qu’elle sache que c’était moi. Et merde, et si on me voyait sur les caméras ? J’avais fait attention mais je ne pouvais pas être certain. Il fallait en terminer pour régler tout ça.

Kaylin devait mourir. Aujourd’hui.

Mes pensées furent interrompues par un jet d’eau froide de ma plomberie défectueuse. J’éteignis l’eau et m’inspectai soigneusement. Je ne voyais plus de traces de sang, je sortis de la douche et fis encore couler de l’eau pour être sûr de chasser les potentiels résidus.

* * *

J’avais longuement hésité. Devais-je la tuer de manière anonyme, à distance, comme je le faisais toujours ou continuer à m’exposer mais obtenir quelques réponses ? Son besoin de découvrir la vérité avait été contagieux. Il fallait que je sache maintenant. C’est pourquoi j’avais choisi de prendre un simple pistolet au lieu de mon fusil longue distance. Elle allait parler et après, elle allait mourir. Et j’irai me cacher dans une autre partie de la ville pour me faire oublier.

Arrivé proche de la tour où elle habitait, je reçus à nouveau un message étrange sur mon ArmScreen. Je m’aperçus que c’était elle :

Je sais que tu arrives. Fais demi-tour ou je te dénonce à la police.

Comment avait-elle fait pour savoir ? Elle avait hacké les caméras de la ville ? Non il était plus probable qu’elle avait gardé un accès à mon appareil et qu’elle pouvait me géolocaliser. Je cliquai sur le message pour répondre.

Ne veux-tu pas venger ton père ?

La réponse fut brève et incisive : Si.

J'interprétai cela comme une invitation à venir. Si je me trompai et qu’elle avertissait la police, je finirai en prison, au mieux. J’arrivai rapidement à son étage. Sa porte n’était pas verrouillée. Je me glissai à l’intérieur de son appartement avant que quelqu’un ne me voit. Je refermai doucement la porte derrière moi et avançai vers le salon. Je connaissais la disposition des pièces grâce à mes appareils de surveillance. Elle était assise à sa petite table face à l’entrée. C’était la première fois où j’étais aussi près d’elle. Je sortis mon pistolet et le pointais dans sa direction.

  • Un faux mouvement et tu es morte.

Elle soutint mon regard et leva lentement ses mains avant de les poser à plat sur la table.

  • Je t’offrirai bien à boire mais tu n’es pas un invité très charmant Keven.

Je haussai un sourcil quand elle mentionna mon nom. Décidément, elle était vraiment douée. Je m’assis sur la chaise en face d’elle, tout en continuant de la viser. Maintenant que j’étais là, je n’avais aucune idée de la manière dont je devais gérer la situation.

  • Pourquoi ? dit-elle tout simplement. Mon père ne t’avait rien fait.
  • Je t’avais prévenue des conséquences si tu faisais quelque chose contre moi. rétorquai-je au tac-au-tac.
  • Mon père était innocent ! hurla-t-elle.
  • Et qu’est ce que tu vas faire ? C’est moi qui ai le pistolet ! la narguai-je.

Elle me fixa en se pinçant les lèvres.

  • Pourquoi me suivre alors ?
  • Parce qu’on m’a payé pour te tuer. Et j’aime jouer avec mes proies avant d’en finir.

Autant être honnête avec elle, ce n’était pas comme si elle allait vivre encore longtemps de toute façon. Et je ne voyais pas comment mentir à ça. Je mis quelques secondes à remarquer que ça ne semblait pas la perturber davantage.

  • Alors j’ai sûrement raison… murmura t-elle.
  • Qu’est ce que tu marmonnes ?

Elle prit une grande inspiration.

  • Tu m’as entendue quand je t’ai parlé ? Ce que j’ai découvert à mon boulot, le piratage de Conglomérat Énergie, le hackeur qui quitte la ville pour aller à “NY” ? J’avais détecté tes appareils d’espionnage et je t’ai dit ça exprès.
  • Et alors ? m’impatientai-je. Quitter Oreley est impossible ! Pour aller où ?
  • Laisse-moi la vie sauve et je te raconterai ce que je sais des expériences du Conglomérat à Oreley.

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