Chapitre 1

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L’homme faisait les cent pas devant sa fenêtre. Je le voyais parfaitement ; j’étais dans un immeuble en face de lui, à un étage au dessus. Il jetait des coups d’oeil furtifs vers la rue en contrebas de temps en temps. Quel imbécile. Il croyait vraiment que son harceleur allait fixer sa fenêtre depuis le beau milieu de la rue ? Niveau discrétion c’était pas le top. Mais il était trop agité pour remarquer qu’il était réellement observé.

J’étais dans un bâtiment en rénovation, le système de sécurité allait être changé pour la dernière version sortie de la branche Sécurité Publique du Conglomérat. Ironiquement, la vérification biométrique des lieux était en panne. Ce qui m’avait permis de m’introduire dans un appartement inhabité, idéalement situé par rapport à ma cible. J’avais toujours un brin de chance sur lequel compter dans les situations comme celles là. Je m’assis sur un carton devant la fenêtre. Le dossier que j’avais sur lui était étalé sur le sol devant moi. Au départ, je n’avais eu que son nom et son lieu de travail. J’avais étoffé le dossier de dizaines de photos de surveillance, dont je lui en avais envoyé quelques unes, avec son visage dans une cible rouge. Il avait été vite terrorisé. Surtout sur les photos où sa famille apparaissait. J’avais leur historique complet d’ailleurs. Noms, adresses perso et professionnelles, téléphones, habitudes. De quoi faire peur à n’importe qui. Je lui envoyais régulièrement des photos de surveillance en lui disant que s’il alertait qui ce soit, sa nièce ou sa mère allaient y passer. Simple, efficace. La plupart de mes envois étaient sur papier. La cyber-police pouvait remonter n’importe quelle transmission à sa source et je n’avais pas les compétences pour me cacher sur le réseau de toute façon.

Mais cela ne voulait pas dire que je n’utilisais jamais la technologie. C’était incontournable d’ailleurs. Elle était partout. C’est pourquoi dans ma dernière enveloppe, j’avais glissé un mouchard nanotech. C’était important pour mon grand final. En appuyant simplement sur un bouton, les murs de l’appartement se couvrirent de mes photos de surveillance. J’avais ajouté un bon nombre de menaces de morts sur certaines, écrites en rouge. Ça faisait toujours un bon effet. Je vis l’homme s’immobiliser près de sa fenêtre. Il contemplait mon oeuvre. J’étais assez fier de moi. J’imaginais qu’il avait les yeux écarquillés. Il tourna sur lui même pour voir toutes les photos. Peut être même qu’il criait. Ou qu’il pleurait. Je n’avais pas mis de micro chez lui pour savoir ce qu’il disait.

C’était particulièrement jouissif. De voir ce pauvre type craquer à cause de ce que je lui avais fait. Découvrir tout des gens et s’en servir contre eux, c’était vraiment ce que je préférais. Mais on m’avait payé pour qu’il meure alors j’allais devoir arrêter de jouer avec lui. Dommage. Je pris soin de monter mon fusil avant de viser l’appartement de ma cible. Il était toujours visible. Il fixait la fenêtre, c’était le seul endroit de l’appartement non recouvert de photographies. Je pris le temps de viser correctement. Une balle dans la tête et tes calvaires seront terminés. J’allais appuyer sur la détente lorsque ma cible ouvrit brutalement le battant de la fenêtre et sauta. Et merde ! Il m’avait privé de mon final cet imbécile ! C’était moi qui choisissais quand les souffrances psychologiques devaient s’arrêter et personne d’autre ! J’avais sans doute été trop loin sur ma dernière action. Je regardai vers la rue, en contrebas. Un attroupement se formait près du corps. Impossible de voir mais il devait être dans un sale état. Tomber de douze étages, c’était pas beau à voir. Au moins ma mission était remplie.

J’éteignis le mouchard nanotech. Les murs redevinrent normaux et en un instant, la minuscule machine s’autodétruit. Rien ne pouvait vraiment remonter jusqu’à moi. Je soupirai en rangeant mon fusil, devenu inutile. Je sortis de l’appartement en rénovation et commençai à redescendre vers la rue. J’étais un monsieur-tout-le-monde, j’allais passer inaperçu.

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