Take me Home

7 minutes de lecture

Home - X Ambassadors, Machine Gun Kelly, Bebe Rexha

"How did all my dreams turn to nightmares ?
How did I lose it when I was right there ?
Now I'm so far that it feels like it's all gone to pieces"

Chapter 1

Les talons hauts de mes Doc Martens claquèrent le sol en damier, tandis que je quittais le diner, après avoir salué le patron.

J'adorais cet endroit et ses milk-shakes. Il faisait partie de ces rares lieux où je me sentais chez moi. Les airs de vieux rock s'échappant du jukebox y ajoutaient cette ambiance retro et une certaine nostalgie d'un passé qui m'était étranger se dégageait de ses banquettes en cuir usé, son bar vieillissant et sa devanture colorée.

J'y venais dès que je passais dans les environs de Phoenix.

La pluie s'était calmée, mais je me ruais quand même vers ma voiture pour me mettre à l'abris. L'habitacle de mon Aston Martin avait cette odeur familière de cuir et de menthe, mêlée aux fragrances de cendres froides d'une cigarette consommée quelques heures plus tôt.

Je démarrais ma belle DB5 grise et quittais le parking. Je n'arrivais pas à croire que je rentrais à la maison. Après tout ce temps. Je ne saurais même pas dire si j'en étais heureuse.

Les phares traçaient deux sillons dorés entre les gouttelettes qui s'écrasaient sur mon pare-brise. La nuit était tombée depuis longtemps sur la ville, mais malgré l'heure tardive et l'air étouffant de la mi-Juillet, les gens étaient encore nombreux à sa presser sur les trottoirs, à l'abris sous un parapluie.

Je n'aimais pas les foules, ça me rappelais que je ne faisais pas partie de leur monde. Que dans le mien, la justice se faisait à coup de balles dans la tête et que notre existence n'était qu'une question de pouvoir.

Minuit cinq sonna quand je me garais dans le parking d'un motel miteux. J'avais besoin de sommeil. Hier soir j'avais dormi dans ma voiture, sur une aire d'autoroute de banlieue, après avoir roulé toute la journée depuis Austin, dans le Texas.

Un indic' m'attendait à Phoenix, et c'était peu après l'entrevue que le message de Hunter avait fait son apparition sur mon portable. Je me demandais d'ailleurs comment il avait eu mon numéro, celui-là. Mais, du coup, je profitais de n'être qu'à environ six heures de route de L.A, pour faire un petit "come-back ". Je réglerais ces affaires et je retournerais à ma petite vie au plus vite. Je n'avais pas le choix de toute façon.

Mon univers se résumait en une phrase : Obéir ou être tué.

La chambre que l'on m'avait attribuée était aussi miteuse que la devanture du motel et la patronne, une bonne femme brune d'une cinquantaine d'années, qui avait des miettes de chips sur son sweat délavé comme dans ses cheveux dégarnis.

Les murs crème étaient parsemés de traces douteuses et la poussière s'entassait dans les coins de la pièce. Je soupirais, ennuyée.

  • Pour une nuit ce taudis fera l'affaire, ma belle, me dis-je à moi-même.

Je posais mon grand sac de voyage sur le lit. Tout ce qui faisait ma vie tenait là-dedans.

Un sac rempli de quelques vêtements simples, des affaires de toilette, mes Doc Martens noires, que je portais, et une paire de Converse basses rouges. Un ordinateur portable, mon téléphone, une dizaine de faux papiers d'identité, des liasses de billets. Mon flingue, un Beretta 92 FS inox, et un petit canif venaient compléter cette courte liste. Mon existence se résumait à ces quelques objets. J'allais de villes en villes, d'hôtels en hôtels, pour un mois ou bien juste une nuit.

Sillonner l'asphalte étaient devenu mon métier, mon passe-temps et mon moyen de décompresser. Loin des grandes villes, les routes de campagne perdues au cœur de l'Amérique dévoilaient souvent des paysages inouïs.

Malgré tout, j'avais la sensation que je n'existais pas réellement. Peut-être que cette cause pour laquelle je me battais commençait à me peser. Il n'empêche, c'était mon devoir, ma responsabilité face à ce qu'il s'était passé.

A peine rentrée dans la chambre, j'étais tombée face à mon reflet dans le grand miroir mural.

Mes cheveux avaient bien repoussés et tombaient désormais en cascade de boucle au creux de mon dos. Noirs aux racines, ils s'éclaircissaient pour devenir cendre aux pointes, vestige d'une ancienne coloration. J'avais un visage communmais fermé, des pommettes hautes, des lèvres pulpeuses mauve sombre, et les yeux gris charbonneux.

Et dans cet orage qui sévissait dans mes pupilles, je décelais encore les notes amères de la culpabilité et de la rancoeur, cachés derrière une colère inassouvie. Un regard puissant, brisé, affligé.

Mes yeux descendirent. Je portais toujours le même genre de vêtements : mon blouson de cuir rouge par dessus un grand t-shirt gris et un jean noir déchiré, dévoilant un peu mes jambes longilignes. Rehaussée de quelques centimètres par mes boots à talons.

Trois colliers se cachaient entre les plis de mon col et sur mes doigts brillait l'éclat argenté de plusieurs bagues dont la chevalière de ma mère et ses armoiries de famille.

Et mes tatouages. L'encre noire parsemait ma peau, métaphore cruelle des idées sombres qui stagnaient dans mon esprit.

Après une longue douche, où je me vidais la tête en laissant l'eau couler le long de mon dos, je me blottis dans ce lit inconfortable dans lequel je m'endormis cependant instantanément.

*****

L'Aston Martin s'arrêta en vrombissant. Je posais pied à terre, foulant le gravier des talons de mes Doc Martens, les yeux rivés sur la grande bâtisse.

Tout avait commencé ici avec grand-père, à la fin des années cinquante. Environ vingt ans, leader d'un petit groupe de bikers avec déjà quelques délits à leur actif, il avait quitté Houston à moto accompagné d'une dizaine d'autres, et de belles et dangereuses demoiselles, en quête d'aventures. Et puis, la folie des sixties qui suivit les avait conduits, ainsi que toute une génération, vers la ville de tous les possibles, cette même ville où j'étais née, pour le meilleur comme le pire.

Et dans leur cas, surtout le pire.

L'aéro-club dominait les hauteurs de Los Angeles, assez loin des habitations. Si d'ordinaire l'on entendait les notes de rock ou de jazz depuis le parking, aujourd'hui tout n'était que silence et quiétude.

Le parking était rempli d'autant de vieilles voitures et d'ultra modernes ainsi que de splendides motos en tous genres.

Je reconnus sur ma gauche cette belle Chevrolet El Camino noire de 1969. Je laissais sourire hausser légerement le coin de mes lèvres. Il aimait cette berline autant que moi j'aimais mon Aston. On avait hérité de cet affection pour les voitures, les armes, le rock et les vieux films de nos pères, et de leurs pères avant eux. Sur ma droite, au-delà de la petite tour de contrôle s'étendait le tarmac, brûlé par les rayons du soleil.

Je reportais mon attention sur le long bâtiment en pierre et en métal gris, où j'avais grandis. Quasiment rien n'avait changé. La grande enseigne lumineuse rouge et jaune annonçait l'entrée du club.

Personne ne venait ici, à part les membres du gang. Le haut grillage qui entourait les lieux et les panneaux "Aéro-club privé", "Défense d'entrée", "Attention chien méchant" dissuadaient généralement les éventuels visiteurs, même si, au regret de l'enfant que j'étais, nous n'avions jamais eu de chien. Allons bon...

Cependant, nous n'étions qu'une petite centaine, peut-être deux cent à fréquenter ce lieu, sur les dix ou douze milles personnes que comptait le gang. Les hauts membres et les membres confirmés ne se mélangeaient pas vraiment aux novices et aux membres intermédiaires.

Nous nous protégions. Nous étions très prudents. A cause des flics mais également avec la menace des autres gangs sévissant dans les rues de Los Angeles. Nous régnions dans l'ombre, craints et vénérés, une légende urbaine dont l'histoire est rougie par le sang versé.

Je m'avançais vers l'entrée où je trouvais quelques vieux bikers, discutant, l'air grave, clope à la bouche. Je montais les trois petites marches d'escalier et poussais les deux grandes portes.

Celles-ci s'ouvrirent sur un hall modeste avec un comptoir où siégeait habituellement une réceptionniste et un banc, en face. Les murs étaient recouverts de cadres de photos en tous genres : paysage, avions ou encore de certains "membres de l'aéro-club". Il y avait aussi, au-dessus du banc une photo de moi, aux alentours de cinq ans, avec mes parents et mon grand-père. J'avais autrefois cet air à la fois insouciant et malicieux, toujours prête à jouer un mauvais tour.

Une baie vitrée, face moi permettait d'accéder aux hangars à avions et à la piste. Sur la gauche à côté du comptoir, la porte restée ouverte me laissait entrevoir la grande salle où venaient les membres du gang pour passer du bon temps, boire un verre au bar et écouter ceux qui désiraient jouer.

Je pris la direction opposée et ouvrit sans frapper, la large porte en bois massif qui donnait sur le bureau de mon père.

Quatre hommes s'y trouvaient : l'un assis derrière le grand bureau d'ébène et les autres debout face aux baies vitrées qui offraient la vue sur une partie du tarmac et la mer au loin. Je venais souvent ici pour regarder les avions décoller.

En m'apercevant l'homme derrière le bureau se leva bruquement, tandis que les autres se retournèrent, l'air agacés, pour voir qui avait interrompu leur réunion.

Si autrefois il était partisan des vieux T-shirts à l'effigie de groupes de rock, des jeans déchirés et des vestes en cuir, aujourd'hui, Hunter Bradford avait troqué son attirail habituel pour un costume noir, qui lui donnait un air de mafieux. Cependant, il arborait toujours ses cheveux blonds en éternelle friche. Un sourire en coin vint illuminer son visage jusqu'alors si grave.

  • Hé bien, il ne manquait plus que toi. Tu n'as pas changé, Thalia.

Je ricanais pendant que les hommes en costume, me reconnaissant alors, pâlirent. Ils sortirent au signal de Hunter qui me laissa passer là où il se trouvait quelques secondes plus tôt.

  • Tu pourrais me saluer au moins, on est de vieux amis après tout, ironisa-t-il.
  • Ce n'est pas le moment pour les retrouvailles Bradford. Explique-moi ce qu'il se passe, dis-je en prenant place sur le siège de mon père, tandis qu'il s'assis en face.

Ses yeux bleus s'assombrirent, et après quelques secondes, il entama son récit.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire skye-nightshade ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0