Seconde Partie

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 Alister, après avoir acheté des vivres, était retourné sur Le Fleury. Il faisait ses préparatifs sous la pluie battante lorsqu'il entendit quelqu'un.

- M'sieur ! Oh hé m'sieur !

 Il s'agissait d'un garçon, une dizaine d'années environ, mal fagoté et surtout, trempé jusqu'aux os.

- J'vous ai cherché partout m'sieur !

- Qu'est-ce-que tu veux p'tit ? Rentre chez toi !

- J'vous ai entendu au Requin d'Or m'sieur, continua-t-il.

- Ah oui ? ria Alister d'un air mauvais en repensant à ce qu'il s'était passé au pub quelques heures plus tôt. Tu as aimé l'histoire ? demanda-t-il au petit.

- C'est pas une histoire m'sieur ! s'exclama ce dernier, indigné. Mon grand-père, il l'a entendue aussi, la chanson ! Même que lui, il sait qu'est-ce-qui chantait, ajouta-t-il d'un air fier et satisfait.

 Le marin se figea sur place. Il daigna enfin regarder l'enfant en face. Ses mèches blondes étaient plaquées sur sa tête, ruisselantes d'eau ; de grands yeux noisettes espiègles fixaient le marin avec intensité.

- Et toi tu le sais ? lui demanda-t-il.

- Oui m'sieur! Mais normalement j'peux pas en parler, mon grand-père aime pas ça. Mais à vous j'peux l'dire m'sieur ! Vous aussi vous avez entendu !

- Veux-tu bien cesser de me servir du « m'sieur » à toute les sauces, petit ? s'écria Alister. Qu'est-ce-que ton grand-père t'a raconté ?

- Oui m'sieur, pardonnez-moi m'sieur ! répondit le mioche.

 Alister leva les yeux au ciel, exaspéré.

- Alors ?

- Mon grand-père a entendu la même chanson magique et ses hommes ont aussi sauté à l'eau pour les attraper, expliqua-t-il sur le ton de la confidence en regardant autour de lui s'il n'y avait personne. Ils ont disparu sous l'eau comme vos hommes. Puis ça s'est arrêté tout d'un coup et mon grand-père s'est retrouvé seul avec moins de la moitié de ses hommes, tout endormi. Et quand ils ont regardé dans les jumelles, ils les ont vus...

- Qu'ont-ils vu ? Qu'ont-ils voulu attraper ? Où était-ils ?

- Des femmes-poissons, dans le sud, souffla le gamin.

- Des femmes-poissons ? répèta Alister.

- Oui m'sieur. Mon grand-père a dit que cela ressemblait à des femmes, mais qu'elles plongeaient sous l'eau pour plus remonter.

 La pluie tombait toujours. Un éclair déchira le ciel. Alister regarda le gosse sur le quai. La pluie ne semblait pas le déranger. S'il continuait comme ça, il tomberait malade à coup sûr.

- Tu devrais rentrer chez toi, petit. Ta mère va s'inquiéter.

- J'ai plus de mère, dit-il simplement.

 Et il fit mine de s'éloigner.

- Hé petit ! Attends !

 Le garçon se retourna, un grand sourire étirant ses lèvres.

- Oui m'sieur ?

- C'est quoi ton nom ?

- Jack !

 Alister hocha la tête.

- Fais attention à toi Jack.

 Jack hocha la tête à son tour, et se retourna.

- Oh et petit !

 Le vieux loup de mer mit la main dans sa poche et en retira une pièce qu'il lança à Jack, qui l'attrapa adroitement, ainsi que la pomme qui suivit.

- Merci m'sieur !

 Et il partit pour du bon. Bientôt, le marin ne le vit plus derrière le rideau humide qui se déversait du ciel.

- Il y a pas de quoi petit, murmura Alister.

 Il replongea dans ses préparatifs, et il partit dans l'heure, mettant le cap sur les mers du sud.

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