Chapitre 4

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Et v’là-t’y-pas que le Paco court dans le sens opposé. Non mais, des amis, c’est pas censé s’aider ? Alors je choppe ma machette. Avant qu’il ait le temps de me griffer, je tranche le bras du « Green blood ». Il grogne. Oh bah, oui, en effet, t’as mal, gros bêta. T’avais qu’à pas être zombie. J’ai envie de gueuler : « Paco ! Reviens ! ». Mais si je fais ça, tous les « Green blood » viendront à mes trousses. Maintenant, vous voyez, c’est chacun pour sa pomme. Paco, il est parti ? Bah, il se démerde. Il croit quoi ? Je vais pas aller le chercher. De loin, je vois un zombie tituber vers moi. Je prépare déjà mon arme. Felicio m’épargne du découpage de chair de zombie en lançant une grenade sur mon prédateur. On a bien fait de le trouver, lui. Il s’y connait en armes, puisqu’il en vend. Et… BAM ! Le « Green blood » explose en mille morceaux. Paco, Felicio et moi, on s’écarte. Manquerait plus qu’on reçoive de l’hémoglobine zombiesque (oui, un néologisme… Au point où on en est, je peux bien écrire comme je veux !) en pleine poire. On a déjà fait du chemin, ce serait un peu emmerdant de crever là, en pleine rue. J’aime pas être émotive, mais là, j’ai un coup au cœur. Je me rappelle : ces rues, quand j’étais gamine, j’adorai m’y promener. Là… Bah, non. Logiquement, non. Elles sont grises, maintenant, ces rues. La ville est plongée dans les Ténèbres. L’obscurité règne, sœur de la nuit et de la peur. Oui : j’ai peur. Pour la première fois de cette « guerre », je craque. Je me surprend à chialer. Non mais, j’y crois pas ! Je chiale, moi ! Mais j’essuie ma larme d’une pichenette du doigt. J’entends un cri. Je regarde devant moi. Paco. Le sang dégouline de son épaule droite. Il se tient. Bientôt, son garrot improvisé (donc sa main) se remplit aussi de sang. Il gueule, hurle, pleure. Felicio continue de lancer des grenades sur les « Green blood » qui approchent. J’en profite pour quand même me précipiter vers Paco. Un cri de douleur déchirant vient à mes oreilles. J’ai repéré un lieu un peu caché où nous poser. Dès que j’atteins mon meilleur pote… Je l’attrape par la main droite. Je l’entraîne jusqu’à la cachette. Il reste debout vingt secondes. Puis il se laisse glisser, le dos contre le mur gris et froid. Je préférerai penser qu’il va faire un malaise, même si je sais que ce qui se passe est plus grave encore.

« Je suis désolé… Balbutie Paco. Je me suis assise près de lui. Il a posé sa tête sur ma jambe.

-Paco… Cette guerre n’aurait jamais dû commencer… Les zombies, le sang, les armes… Moi, toi… Tous les bouffés et tous les survivants... Paco a du mal à parler.

-Eh, bien, il faut croire que je n’étais pas censé survivre… Je souris, mais c’est tout simplement un réflexe nerveux :

-Je t’ai déjà entendu dire des conneries, mais celle-là, elle dépasse n’importe quelle autre… Paco sourit un peu aussi.

-Sois un peu gentille avec moi, s’il te plait… Je vais mourir, quand même…

-Non ! Tu vas pas mourir !

Je dis ça comme si c’était un ordre. Si on pouvait ordonner à la mort ceci ou cela, ça se saurait…

-Allez, sois réaliste… (Il tousse ; semble s’étouffer. Tente de reprendre son souffle. Souffle que je l’entends perdre, de seconde en seconde.) Bon, bah je suppose que tout se termine là…

-Non, Paco… Non… Je tiens sa main dans la mienne. Paco lutte pour parler. -Si… Et tu vas faire comme on a fait pour tant de zombies. Tu vas me balancer un coup de machette. Puis un « Pan ! ». Ensuite… L’incontournable… Le chalumeau…

-Jamais je ferai ça, Paco. Jamais, tu m’entends ?

Je pleure. Une larme tombe sur la main de Paco au-dessous de moi. C’est dingue ce que ça fait mal ! Merde. Je vais perdre mon meilleur pote. Je sais que c’est pas ma faute non plus : il est parti tout seul. Il a fait des conneries. Moi, ce que j’ai fait de con, c’était de le laisser partir. Le sang a tâché la chemise mauve de Paco. Il ne tient même plus son épaule. Pourquoi faire ? De toute façon, il a tellement mal qu’il ressent plus aucune douleur. Oui, je sais que c’est ironique, mais c’est un peu ça. Il reste qu’un petit temps. Mais moi, achever Paco ? Plutôt se coucher sur un plateau et attendre qu’un « Green blood » vienne me bouffer. Je pourrai pas le faire. Ah oui, on avait été intelligents un moment : et qu’est-ce qui se passerait si un pilleur venait nous voler des trucs ? Et puis, si un survivant nous demandait de le tuer avant que les zombies le fasse, pour garder son honneur ? Mais on s’était jamais dit que l’un de nous deux, on aurait pu se faire mordre ou griffer par un « Green blood », hein ! Jamais ! Qu’est-ce qu’on a été cons, ma parole ! J’hésite entre la colère et le chagrin. De plus en plus, je repense à cette alerte, à la télé ; et je me dis que j’aurai bien aimé qu’ils se trompent. Paco réunit ses derniers efforts pour me lâcher :

-Ecoute… Me laisses pas te bouffer…

J’entends des pas qui approche. Trop rapides : sûrement pas ceux d’un zombie. Et c’est Felicio qui arrive. Il se penche sur la blessure de Paco.

-Ouah, c’est pas beau ! Dit-t-il, constatant l’aspect répugnant de la plaie béante. Je lève les yeux vers Felicio. Je vais pas lui faire un tableau, quand même ! Une morsure de zombie, c’est pas une peinture de Monet ! C’est pas censé être joli ! Mais je ne lui dis rien. Pas la force de parler. C’est à peine si j’arrive à penser. Je sens la main de Paco devenir plus molle. Je libère ma cuisse du poids de sa tête. Je vérifie que son souffle soit bien éteint. Oui. Adieu, Paco. et pose la main sur ses yeux bleus afin qu’ils soient clos. Je dépose un baiser léger et furtif sur son front, en guise d’au revoir.

-Bon ! Faut cramer le cadavre, suggère Felicio.

Je me lève, scandalisée. Il a pas pu dire ça, non, hein ?! Le « cadavre » ? Eh, oh, Felicio, je te rappelle que c’est de mon meilleur copain dont tu parles, là !

-T’es sérieux ?!

-Bah… Oui !

-Felicio !

-Quoi ? Qu’est-ce que tu attends ? Tu peux pas le faire ? T’as peur ?

-Non, je peux pas le faire. Et non, j’ai pas peur.

-T’as très bien réussi à le faire avec d’autres gars transformés en prédateurs morfals bouffeurs de chair humaine… Et t’as toujours très bien réussi !

Je ne sais pas si il me dit ça pour m’encourager ou pour me rabaisser. Et je m’en tape, en fait.

-Ouais. Peut-être. Mais lui, c’était mon meilleur ami ! -Bon, écoute, ma chérie.

-M’appelle pas « ma chérie » !

-Bon. Whatever. Le truc… Le truc, c’est que ton cher meilleur ami il va se réveiller. Comme tous les zombies, il aura faim de sang et chair fraîche. Et qui qui va bouffer ? Je te le donne en mille : nous ! Je sais, au fond de moi, que Felicio n’a pas tort. La première chose que Paco fera en se réveillant (bien que le vrai Paco soit parti, déjà) c’est nous sauter à la gorge et nous ouvrir le cou. Merde. Un « Green blood ». Un zombie se dirige vers Felicio ! Putain ! Mon seul espoir de survie ! Je lui fais de grands signes.

-Bordel. Y en a un derrière moi, c’est ça ?! Oui, Felicio. Oui. Felicio se retourne et plante sa machette dans la carotide du « Green blood ». Bon réflexe, le gars. Ouais, sauf qu’un pote du « Green blood » se précipite aussi vers Felicio. Putain ! Quand est-ce que ça va se finir, bordel, hein ?! Je choppe la matraque que me tend Felicio. Celle qu’il avait fait tomber tout à l’heure. Et je décoche un coup dans les côtes des deux zombies. Ces deux gros débiles sont super déstabilisés, du coup. Et ça permet à Felicio de prendre encore sa machette et de leur assener des coups violents à la base du thorax. Oui, hein ? Qui aurait pu se douter que, ce qui tuait un zombie, c’était un coup dans la partie centrale du corps ? Et dire que plusieurs ados se sont fiés aux bouquins et aux films imprégnés de conneries qu’on leur montrait en disant : « Ah ! Si y a une apocalypse zombie, un coup dans la tête, et c’est réglé ! ». Quel ramassis de conneries ! Les deux gros tas de putains de zombies s’écroulent comme des merdes sur le goudron froid, gris et dégueulasse. On a eu chaud, là ! Heureusement que Felicio sait magner les armes comme personne, et qu’il est réactif. Mais là, ça a vraiment failli être notre heure, sans déconner. Je sors un peu la tête et balaye la rue du regard. Plus de « Green blood », pour l’instant. Ouf ! J’en ai ras le cul de ces putains de zombies.

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