Chapitre 14.9 : Astrid

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Astrid avait hâte, curieusement, d’en apprendre plus sur Léterno, et sur tous les secrets qu’il pouvait dissimuler. Elle avait bien nettement pris conscience que la phrase adressée à Yume n'avait rien d'anodin et qu'elle cachait, derrière ses mots, beaucoup de non-dits...

****

Curieusement, Astrid avait passé une très bonne nuit ! Bien que la Forêt de Cristal se soit rafraîchie davantage au fur et à mesure que les heures passaient, s’être emmitouflée dans de grosses couvertures de fourrures et des sacs de couchages épais avaient beaucoup aidé à la sauvegarde de la chaleur. De plus, comme ils avaient instauré un tour de garde, les compagnons d'infortune avaient pris le soin de garder le feu vif toute la nuitée.

Léterno avait pris le premier tour de garde, avant de passer le flambeau à Yume, qui avait ensuite réveillé Fileya pour qu’elle prenne sa place, avant qu’elle-même ne sorte Astrid de son sommeil sans rêve. Cette dernière, bien qu’elle ait d’abord bronché à l’idée de se réveiller si tôt, avait finalement pris son rôle de gardienne très à cœur.

La jeune fille était restée assise près du feu, remuant de temps à autre les branchages noircis lorsqu’elle sentait les flammes vaciller dangereusement.

Au départ, l’Enfant aux Yeux Rouges avaient eu très peur de voir le temps défiler langoureusement devant ses yeux fatigués, n’ayant rien sous la main pour la distraire. Mais, finalement, les minutes avaient défilées plus rapidement qu’elle ne l’avait cru. Astrid avait commencé un minutieux décompte dans sa tête pour être certaine de bien demeurer éveillée une heure entière et, comme le froid l’empêcherait certainement de sombrer dans les bras de Morphée, la jeune fille était parvenue à rester entièrement éveillée jusqu’à la fin de son tour de garde.

Quand celui-ci arriva, Astrid s’était alors redressée dans le but de prévenir Thandon qu’il serait temps de prendre la surveillance à sans tour. Mais, lorsqu'elle se leva pour annoncer au jeune garçon qu’il serait malheureusement temps pour lui de se réveiller, ce dernier était déjà prêt à prendre son poste. Astrid se demanda même, à la vue des lourdes cernes ancrées sous ses yeux comme des poches, si le grand frère de Khomas avait réellement dormi cette nuit-là. Mais la brune ne lui posa aucunement la question.

Astrid était ensuite repartie se coucher, consciente qu’elle n’aurait pas plus d’une heure de sommeil supplémentaire cette nuit. Mais la jeune fille voulait profiter de toutes les minutes qu’elle avait à disposition pour se reposer autant qu’elle le pouvait, ignorant les épreuves qui l’attendraient le lendemain.

Comme prévu, Astrid fut réveillée par Thandon une heure plus tard. La jeune fille avait eu l’impression d’avoir à peine fermé les yeux lorsque la voix du jeune garçon annonça qu’il était temps de partir. À ses côtés, Fileya se redressa avec la grâce qui la définissait si bien, se permettant cependant un étirement des bras accompagné d’un gémissement plaintif. La brune comprit qu’elle aurait bien voulu demeurer dans le Royaume des Songes, elle aussi. Mais ils devaient reprendre la route, au risque de se voir rattraper par l'Élite, qui elle ne semblait jamais dormir. Il était hors-de-question de repartir de nouveau à la case départ, après tout le mal qu’ils s’étaient donnés pour fuir la Capitale une seconde fois !

Dehors, un petit déjeuner précaire leur avait été servi. Léterno, qui s’était levé le premier de bonne heure, était parti chercher quelques baies sauvages que l’on ne trouvait que dans la région de la Forêt de Cristal. Lorsqu’elle se trouva avec les quelques petits agrumes dans le creux des mains, Astrid se demanda si celles-ci étaient comestibles. Le grand homme n’aurait pas été jusqu’à essayer de les empoisonner, n’est-ce pas ? Après tout, s’il avait voulu attenter à leur vie, il l’aurait fait depuis un sacré moment déjà… La brune décida de mettre ses méfiances de côté pour cette fois, car son estomac grondait de mécontentement.

Léterno leur expliqua que ces baies avaient été nommées “lyau” par les Gardiens de Cristal, en traduction directe de l’ancien elfique pour désigner justement des « baies ». Mais ce qu’Astrid apprécia particulièrement de ces agrumes fut à la fois leur forme singulière en spirale, telles des toupies, mais également leur goût particulier, à la fois très acide, puis très doux. Les lyaus se laissaient également fondre doucement sur la langue, en rejetant des petits pétards acidulés.

Quand ils eurent enfin terminé leur maigre collation, le groupe de déserteurs démonta le camp. Ils rangèrent les tentes et tout le matériel dans le sac sans fond des Falkies que Yume garda à sa ceinture. Ils gardèrent seulement les couvertures sur leurs épaules car, même si l’air commençait progressivement à se réchauffer avec la montée du soleil, la Forêt de Cristal n’en demeurait pas moins frigorifiante. Seul Léterno avait confié la sienne à Khomas, qui grelottait dans les bras de son grand frère, malgré sa propre couette et le contact physique de Thandon. Astrid l’avait regardé faire, totalement stupéfaite. “Cet homme est-il réellement humain ?!” s’était-elle demandée en son for intérieur.

Ils se remirent alors en route, direction la Flèche de Cristal.

De légères bourrasques de vents s’insinuaient entre les arbres pulsants, emporta,t avec eux de légers flocons de neige. Astrid savait qu’ils ne se trouvait pas très loin de la chaîne montagneuse qu’elle avait aperçu dans le hameau des Gardiens de Cristal. Elle se demanda même si leur destination se trouvait dans cette direction. Ayant un très mauvais sens de l’orientation, la jeune fille avait compris qu’elle n’aurait pas sa réponse avant d’avoir atteint leur objectif.

Le chemin se passa dans un silence angoissant, où seuls les soupirs sortant de leurs lèvres frigorifiées se firent entendre. Chacun essayait de se réchauffer comme il le pouvait, à l’exception de Léterno, comme d'habitude, qui ne semblait même pas souffrir de la morsure du froid.

Plus ils avançaient, plus l’air devenait glacial. Astrid avait la terrible intuition, d’ailleurs, que s’ils s’arrêtaient maintenant dans leur marche, leurs membres seraient trop frigorifiés pour leur permettre de poursuivre sur cette lancée. Peut-être même se gèleraient-ils complètement, et qu’ils en perdraient tout usage. La jeune fille ne voulait aucunement tenter l’expérience, aussi continua-t-elle à avancer, bien qu’elle sentait ses joues et le bout de son nez tout frigorifiés. La brune claquait des dents, ses jambes, ses épaules et ses bras tremblaient de froid, malgré les épaisses couvertures qui la couvraient. Elle avait bien failli mourir de chaud dans le Désert Gummi, et voilà qu’elle était désormais confrontée à des baisses de températures extrêmes ! Astrid n’espérait qu’une chose : que leur voyage ne les contraindrait jamais à passer l'ascension d’une montagne, ou bien elle risquerait d'y rester, en s'en serait terminé définitivement du dernier espoir d'Onyrik !

Les arbres de la Forêt de Cristal se firent tout d’abord de moins en moins nombreux, ce qui éclaircit dans un premier temps la route, l’inondant d’un soleil irradiant et aveuglant. Astrid dut plisser les yeux pour ne pas se retrouver sous acuité lorsque les derniers troncs disparurent de sa vue. Quand ses yeux se furent enfin accommodés à la lumière qui semblait jaillir de tous côtés, son souffle se coupa immédiatement. Des endroits magnifiques, elle en avait déjà vu de nombreux depuis son arrivée à Onyrik, mais chaque nouveau paysage ne cessait de l’émouvoir et de la surprendre par leur beauté sans pareille.

Sous ses yeux écarquillés d’émerveillement s’étalait sur des kilomètres une véritable patinoire à glace géante. Les eaux gelées du lac reflétaient les rayons incandescents de l’astre solaire qui peignait les cieux d'une palette de couleur aurorale insolite, et Astrid comprit que c’était ce reflet qui l’avait ébloui à l’orée de la Forêt de Cristal. Sur la surface miroitante pointaient, de temps à autre, de petits pics rocheux recouverts d’une légère couche de neige, aussi fine qu’un nuage de crème, à peine perceptible, coincés dans les eaux oubliées par le temps.

À l’autre bout du lac, juste en face d'eux, se dressait, d’une majesté saisissante, une tour presque aussi haute que les montagnes qui l’entouraient. Celle-ci se constituaient d’une seule et unique tourelle, qui pointait droit en direction des cieux légèrement ombragés. Son sommet était recouvert d’une couche de neige, lui aussi. L’édifice comportait de nombreuses fenêtres qui couraient sur toute sa longueur, disposées en spirales tout autour du bâtiment.

“La Flèche de Cristal”, devina-t-elle aisément.

Astrid sentit son cœur palpiter drôlement dans sa poitrine, de ce même tressautement qui vous prend au moment d’ouvrir les présents de Noël. Pour une raison qu’elle ignorait, son cœur l’appelait vers cette tour impressionnante. Mais la jeune fille n’aurait su dire si elle avait vraiment hâte d’en franchir ses portes. Elle savait que la Déesse les y attendait à l’intérieur. Mais quelles sortes de surprises leur réservait-elle en réalité ? Astrid était, en plus de cela, déjà fortement épuisée à l’idée de se dire qu’elle devrait tout d’abord la gravir avant d’obtenir les réponses à ses questions. Et elle se doutait fortement que la Flèche de Cristal soit munie d’un ascenseur.

Enfin, Astrid nota la présence d’une cascade qui fendait les montagnes en deux parties, sur sa droite. Celle-ci se jetait avec fracas sur un amoncellement de pierres noires, avant de poursuivre son chemin tout aussi bruyamment. La jeune fille comprit instinctivement que cette source d’eau était le point de départ de la rivière dans laquelle ils s’étaient tous baignés la veille. Si sa mémoire ne lui faisait pas défaut, Fileya lui avait également expliqué que cette eau se jetait également dans le Lac Aneco, qu’elle avait déjà eu l'occasion de visiter quelques jours plus tôt, lorsqu’ils étaient encore à la recherche de Hachedézo. Astrid eut un pincement au cœur. Elle avait l’horrible impression qu’elle avait quitté les ruines d’Aneco il y a déjà des semaines en arrière !

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