Chapitre 8.1 : Yume

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Cinq minutes. C'était tout ce dont ils disposaient pour espérer semer les Miliciens qui les poursuivaient. Même Yume, malgré son grand optimiste, doutait que ce mince laps de temps leur serait suffisant pour garantir leur fuite loin de Fikternand. Et ces cinq minutes venaient déjà de s'écouler, en témoignaient les cris au loin des hommes casqués depuis le QG de l’Élite qui se répercutaient dans le calme plat en ce beau milieu de soirée, indiquant qu'ils venaient d'entamer leur chasse à l'homme.

Fileya, qui était en tête de file depuis que les portes du bâtiment principal avaient été franchies, avait décidé de finalement laisser sa place à Yume lorsqu'ils furent engagé dans l'axe principal. La jeune fille avait jugé son meilleur ami bien plus apte qu'elle à diriger le groupe vu la situation critique dans laquelle ils se trouvaient. Certes, elle était parvenue à se montrer forte et déterminée face à Teki, mais c'était uniquement dans le but de l'impressionner. Maintenant que l'homme exécrable était loin, l'Invoqueur n'avait plus aucune raison de vouloir s'imposer comme la cheffe. Et puis, l'ancien Épéiste, qui était autrefois aux commandes de toute une unité de Miliciens, était bien plus compétant qu'elle dans ce domaine, qui s'était toujours contentée de regarder le monde depuis l'extérieur !

Ainsi, les compagnons d'infortune dépassèrent tous ensemble la statut de la Déesse. Même s'ils n'avaient pas pris le temps de s'y arrêter – ils n'étaient pas à Fikternand pour faire du tourisme ! –, Yume lui avait lancé une regard de travers. Certes, l'herbe et l'érosion avaient fini par recouvrir presque l'entièreté de la petite fille de pierre, mais les traits de son visage en restaient pour le moins parfaitement distincts.

Le blondinet savait qu'il se s'était pas trompé, que la petite fille qui l'avait visité par deux fois déjà était la copie parfaite de la Déesse, mais comment expliquer cette troublante ressemblance si ce n'était qu'elles étaient en réalité les mêmes personnes ? Mais les Dieux étaient censés être des mythes, n'est-ce pas ? A l'instar du Royaume Cauchemardesque, ils ne représentaient rien de plus que les meilleurs espoirs des Hommes, des personnages idéalisés, parfaites allégories des traits les plus nobles, altruistes et bons des êtres vivants. Ils n'étaient tout bonnement pas réels. Alors... Cette petite fille ne pouvait pas être réelle.

Les portes furent enfin visibles lorsque Yume dépassa la dernière grande place de la capitale. Les cris au loin ne cessaient de rugir sauvagement, comme des fauves chassant leurs pauvres proies. Et c'étaient exactement ce qu'ils étaient aux yeux de l’Élite : des proies qu'il fallait pourchasser sans relâche, peu importe le prix que cela pouvait bien leur coûter.

– Les amis, j'espère que vous êtes prêts, apostropha subitement Yume en se stoppant dans leur course pour la liberté.

– Mais qu'est-ce que tu fais ?! râla Astrid la première, plantant à la hâte ses talons contre les pavés pour ne pas bousculer le blond à cause de son arrêt impromptu. Ils sont derrière nous, t'es fou ou quoi ?!

– Quelque chose me disait juste qu'on allait pas atteindre la sortie aussi facilement qu'on ne le pensait, alors j'ai jugé bon de vous en faire part.

– Qu'est-ce que tu veux dire ? s'inquiéta Fileya en portant un poing nerveux au niveau de sa poitrine, ses grands yeux vairons s'écarquillant d'inquiétude.

– Il va falloir se battre... C'est bien ça ? questionna Thandon, qui fermait le groupe, les poings serrés le long de son corps, et son regard fermement planté dans celui bleu lagon de son interlocuteur.

Yume hocha simplement mais gravement la tête. Même s'il aurait préféré éviter le conflit avec d'autres êtres humains le plus longtemps possible, il ne pouvait malheureusement pas retarder indéfiniment l'inévitable.

– Je savais bien que Teki n'avait pas idée de nous laisser partir aussi facilement..., déplora doucement Fileya en soupirant discrètement de lassitude.

– Hey..., débuta son meilleur ami en apposant une main réconfortante sur son épaule, alors que la mine sur le visage de l'Invoqueur s'était subitement assombrie. Tu as fait ce que tu pouvais. Maintenant, c'est aussi à nous de jouer.

Yume balança son bras sur le côté, et son épée familiale vint prendre magiquement place dans sa paume. Puis, il porta la lame sur son épaule, et regarda ses amis un après l'autre.

– Je réitère ma question : est-ce que tout le monde est prêt ?

Thandon et Fileya hochèrent la tête en chœur en signe d'affirmation. Puis, la jeune fille invoqua à son tour son bâton d'Invoqueur, prête à se servir de sa magie pour défendre du mieux qu'elle pouvait ses amis durant la bataille à venir.

– Stop, temps mort ! hurla Astrid en imitant un « T » avec ses mains. J'ai plus mon arc.

– Bah, t'as qu'à l'invoquer, comme on le fait tous. D'ailleurs, j'ai jamais compris pourquoi est-ce que tu le gardais tout ce temps accroché à ton dos, alors que tu pouvais le stocker magiquement dans ta Réserve, répliqua immédiatement Yume, lui lançant un regard blasé.

Il s'apprêta à détourner les talons, lorsque la voix de la jeune fille retentit à nouveau :

– Je veux bien, mais je suis censée m'y prendre comment ?

Le jeune homme ouvrit la bouche pour répliquer, alors que ses traits s'étirèrent en une mine contrariée. Cependant, lorsqu'il vit au loin l’irruption des premiers Miliciens dirigés par Teki, l'ancien Épéiste se ravisa bien rapidement. L'heure n'était plus vraiment à la théorique, mais plutôt à la pratique !

– On n'a pas le temps pour un cours, là ! Ils sont là, on doit partir !

Sans crier gare, et dans un geste de réflexe qui ne sembla même pas le surprendre ne serait-ce qu'un petit peu, Yume agrippa la main d'Astrid, qui émit un petit cri étonné à ce soudain contact. Puis, il l'entraîna à sa suite dans sa course alors que cette dernière protestait qu'elle était parfaitement capable de courir toute seule, mais le blondinet ne sembla même pas réagir à cette remarque.

Derrière eux, Fileya avait également agrippé la main de Khomas pour l'aider à aller plus vite, tandis que Thandon fermait de nouveau la marche.

Ils gardèrent ainsi le rythme pendant une large partie de leur course, jusqu'à ce que les deux larges portes de Fikternand furent enfin en vue. Malheureusement, celles-ci semblaient de prime abord fermées, mais, en plus de cela, plusieurs Miliciens, sans doute une bonne vingtaine, en gardaient jalousaient l'entrée.

Devant les hommes en armure noire se tenait, droite et fière, la silhouette d'une jeune femme. Mains croisées dans le dos et fermement campée sur ses deux jambes musclées, la femme Épéiste fixait d'un œil inquisiteur les fuyards. Son visage était implacable et fermé, ce qui lui conférait un air d'autant plus froid que sa posture et son regard ne le laissaient présager.

Yume décida de stopper finalement le pas lorsqu'il se retrouva à quelques pas seulement de la Générale Anthéa. Cette dernière ne cilla pas lorsqu'elle rencontra le regard déterminé du jeune homme, même si ce dernier crut voir, l'espace d'un instant, une étincelle de profonde surprise dans les yeux turquoise de son ennemie.

Semblant enfin se rendre compter qu'il tenait encore fermement la main d'Astrid dans la sienne – et qu’étonnement cette dernière n'avait même pas essayé de se dérober à ce drôle de contact ! – Yume se décida finalement à la lâcher, pour venir enserrer avec plus de fermeté le pommeau de son arme magique. La tête légèrement baissée par la concentration, le blondinet fixait son adversaire sans faillir, attendant le moment propice pour attaquer ou bien parer le moindre coup si son assaillante décidait de prendre la main de leur duel imminent.

– Vous en avez mis du temps, déclara finalement la jeune femme en retirant d'une manière gracieuse sa rapière de son étui, avant de balancer furtivement son arme sur le côté gauche dans le but d'intimider les fuyards. Mais finalement, cet imbécile de Teki avait raison. J'ai bien fait de l'écouter. Pour une fois. Il n'est peut-être pas encore bon à jeter, ce misérable.

– Puisque vous ne semblez pas vraiment en bon terme avec votre collègue, tenta Yume avec un sourire en coin sûr de lui, peut-être pourriez-vous nous laisser passer ? Cela pourrait vous faire plaisir, n'est-ce pas, de le voir se faire réprimander par Seven.

– Tch, vociféra la jeune femme à la courte chevelure blonde en grinçant des dents, redressant lentement le menton en guise de provocation. Tu te crois malin, gamin ? Je ne suis pas aussi stupide que cet abruti. Si je vous laisse partir, je vais aussi en pâtir.

Elle leva droitement sa rapière et la pointa en direction de son adversaire pré-destiné.

– Et cela, il n'en est pas question, pas après tous les efforts que j'ai dû effectuer pour en arriver jusqu'ici.

Yume savait à quoi Anthéa faisait allusion. Les femmes dans l’Élite, notamment dans les branches des Épéistes, se faisaient rares. Très peu d'entre elles étaient parvenues à se faire un nom dans cette branche, peut-être même qu'aucune n'était jamais mentionnée dans l'Histoire d'Onyrik.

En réalité, Anthéa était même la seule femme qu'il connaissait à être parvenue aussi loin : de ce qu'il savait d'elle, l’Épéiste était entrée très jeune dans l’Élite, peut-être même avait-elle tout au plus un ou deux ans de plus que l'âge actuel de Khomas lors de son adhésion. Malgré les nombreuses remarques qu'elle avait essuyé pendant de très nombreuses années, jamais la jeune femme n'avait montré un seul signe de faible ou de baisse de confiance en soi. Et aujourd'hui, ses efforts payaient enfin : Anthéa était désormais une Épéiste, elle dirigeait tout en contingent d'hommes, et elle était respectée. On racontait que la seule mention de son nom suffisait à calmer les enfants.

Devant celle claire déclaration de guerre, Yume leva à son tour son épée, plus prêt que jamais à en découdre avec cette femme qu'il avait si longtemps rêvé de rencontrer, mais également d'affronter.

Néanmoins, avant qu'il n'ait eu le temps d'effectuer le moindre geste offensif, le jeune homme sentit une petite main se poser délicatement sur son avant-bras. Surpris, l'ancien Épéiste décala brièvement son regard en biais, et il aperçut alors les iris bicolores de sa meilleure amie. Ses deux perles rubis et ambrés dégoulinaient d'inquiétude, et le blondinet sentit alors une immense vague de doute le submerger à son tour. Qu'est-ce qui pouvait bien alarmer à ce point Fileya ?

– Teki est ici, l'informa-t-elle, comme si elle avait entendu sa question silencieuse à travers son seul regard lagon. Et il n'a pas l'air très content.

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