Chapitre 5.2 : Astrid

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Les portes derrière eux s'ouvrirent lentement et dans un grincement à faire glacer le sang, tandis qu'un homme en sortit à sa suite. Mains jointes derrière le dos, ce dernier s'avança d'un étrangement fier et confiant en direction de la femme soldat, entourés par deux Miliciens, fusils en main, tels deux bons excellents gardes du corps, au cas où leur supérieur subirait une quelconque menace. Astrid ne put s'empêcher de relâcher un soupir d'agacement à la vue de l'homme. Elle ne l'avait certes croisé qu'une unique fois depuis son drôle de séjour imprévu à Onyrik, mais Fileya lui en avait dit bien assez sur lui pour qu'elle le déteste à son tour ! Tout près d'elle, la brune sentit également que Yume fulminait sur place. Les deux jeunes hommes ne semblaient pas en très bon termes, d'après ce qu'elle en comprenait…

Teki s'avança en direction de Thandon, qui était le seul à lui tourner le dos par ailleurs, et lui posa une main faussement amicale sur l'épaule.

– Votre requête a bien été entendue, souffla-t-il d'un ton arrogant. Malheureusement, comme vous l'a déjà expliqué ma collègue Anthéa, votre amie ne pourra pas vous être restituée. Dans le cas de votre frère, cependant…

Un sourire malicieux étira les lèvres du second de Seven, et Astrid sentit son sang ne faire qu'un tour dans ses vaines. Alors Khomas était bien entre les griffes venimeuses de l’Élite !

– Nous vous assurons qu'il est entre de bonnes mains et qu'il est traité avec le plus grand des respects ; un véritable invité de haut rang.

Voulant répliquer par la violence, Thandon effectua un rapide volte-face tout en levant un poing menaçant, prêt à fondre sur le brun arrogant, mais ce dernier parvint à stopper l'assaut d'une unique main. Une expression impartiale étirait à cet instant précis les traits du visage de Teki. Sans même se soucier de sa prise avec le Buxihen, l’Épéiste aux yeux vairon préféra s'adresser à sa consœur :

– Je vais m'occuper personnellement de Yume. Seven réclame sa présence dans son bureau. Il entend bien évidement s'occuper de son cas. Il vous ordonne cependant, Anthéa, de mener sa complice dans les cachots de Fikternand.

Astrid comprit instantanément qu'il faisait mention de sa personne, et un long frisson d'effroi lui parcourut l'entièreté de son échine. Non ! Pas les cachots ! Cet endroit était sans aucun doute le lieu le plus sinistre et oppressant qu'elle n'avait jamais visité de toute sa vie ! Elle préférait encore se disputer pour la énième fois avec ses professeurs plutôt que d'être forcée à retourner sous terre !

Levant deux doigts en direction de Yume, Teki donna ainsi l'ordre silencieux à ses deux toutous personnels d'aller mettre leurs sales pattes sur le blond. Ce dernier, à l'approche des Miliciens, tenta de s'enfuir, mais sa route fut bien vite barrée par les soldats les entourant d'ors et déjà. Une fois que les deux autres hommes furent à son niveau, l'un d'eux lui agrippa fermement le bras, tandis que le suivant lui octroya un puissant coup de taser dans les côtés, comme s'il n'était qu'un animal trop turbulent qu'ils se devaient de maîtriser hâtivement.

Astrid avait assisté impuissante à la scène, les yeux agrandis par le terreur, et les membres complètement engourdis par la peur qui lui tiraillait en plus de cela une large partie de ses entrailles. Que pouvait-elle espérer faire pour les sortir de ce mauvais pas, de toute façon ? On lui avait malheureusement confisqué son arc et, en plus de cela, ses deux poings liés dans son dos lui entravait toute tentative de mouvement !

– Oh, reprit Teki tandis que les Miliciens passaient à proximité, tirant dans leur sillage un Yume à moitié inconscient, emmenez ce jeune garçon également.

Le brun se contenta de montrer d'un geste dédaigneux du menton Thandon qui avait aussi été maîtrisé par les hommes de la-dite Anthéa pendant l'arrestation de Yume.

– Vous pouvez les mettre dans une cellule identique. Ils pourront de ce fait partager leurs dernière heures ensemble. J'ai cru comprendre qu'ils étaient amis. Je leur fait de ce fait une fleur.

Teki et Anthéa se dévisagèrent quelques secondes, jouant à celui qui détournerait le regard le premier. Depuis sa première rencontre avec la jeune femme, c'était bien la première fois qu'Astrid ne l'avait pas vu ouvrir la bouche dans le but de cracher des paroles acerbes. Elle en déduisit que le brun lui était, d'une façon ou d'une autre, supérieur, et que la soldate n'avait de ce fait pas son mot à dire lorsqu'elle recevait des ordres de sa part.

Sans ajouter un seul mot de plus, Teki, de son air fier et arrogant que Astrid ne lui connaissait que trop bien désormais, effectua un volte-face dans le but de pénétrer à nouveau dans le bâtiment, ce qui fit claquer son manteau bleu marine au vent, heureux de sa nouvelle prise.

Lorsque les portes se refermèrent enfin, la femme guerrière, de son nom Anthéa de ce qu'avait entendu Astrid, se tourna furieusement vers ses hommes, leur lançant un regard dur. Si ses yeux avaient pu le lui permettre, sans doute aurait-elle déjà fusillé ses soldats d'un unique regard. Même la brune ne put réprimer un frisson d'effroi lorsqu'elle rencontra ses deux iris lagon, qui par ailleurs lui rappelait fortement quelqu'un…

– Qu'attendez-vous ?! s'énerva-t-elle en posant ses deux mains sur ses hanches généreuses. Vous savez où se trouvent les cellules, alors pourquoi restez-vous plantés là, à attendre le déluge ?!

*

* *

Astrid et Thandon furent jetés tous deux dans une cabine froide et sinistre sous les cris de protestations du jeune homme, mais cela n'allégea en aucun cas leur sanction terrifiante : ils allaient sans aucun doute rester enfermés ici pendant de nombreux jours, qui allaient leur paraître une cruelle éternité de souffrance et de douleur mentale, jusqu'au moment de leur jugement dernier prononcé par Seven.

Tandis que la jeune fille s'était recroquevillée dans un coin, se massant ses articulations endolories par les menottes qu'elle avait dû être forcée de garder pendant une majeure partie de sa journée, les pas des Miliciens s'éloignèrent de leur cellule ténébreuse. Bientôt, les claquements de leurs bottes en fer contre les dalles froides cessèrent de résonner à travers l'immensité sinueuse et terrifiante des prisons des pires criminels d'Onyrik, et les cellules recouvrèrent une sensation de calme… Si l'on omettait bien évidemment les cris de lamentations des prisonniers au loin, qui avaient, une fois n'était pas coutume, commenté la tenue d'Astrid, mais également celle d'Anthéa. Les commentaires de ces hommes répugnants n'avaient aucunement modifié l'humeur massacrante de la jeune femme, qui s'étant contenté de garder son masque froid et cruel d'impartialité. Mais la brune aurait mis sa main au feu qu'elle fulminait à l'intérieur d'elle-même de ne pas avoir une place plus importante au sein de l’Élite, et qu'elle se questionnait sur la manière d'écraser Teki une fois qu'ils seraient de nouveau en face à face. Astrid ignorait la raison de leur querelle, mais elle se promit de garder ce petit détail dans un fond de sa mémoire, déjà pleine de beaucoup de choses, car cela pourrait toujours jouer en leur faveur.

Thandon, son bras écrasé contre une paroi, et sa tête pendant dans le vide, asséna un coup de poing de rage main néanmoins vain dans le mur de pierre améthyste. Les flammes vertes des torches toutes proches se reflétaient doucement sur un côté uniquement de son dos, lui conférant une drôle d'aura sinistre. S'il n'avait pas été son ami, sans aucun doute qu'Astrid n'aurait même pas pensé à lui adresser la parole.

– Qu'est-ce que tu fais à Fikternand ? questionna tout à coup la jeune fille, souhaitant faire la conversation avec son compagnon de cellule improvisé.

Du coin de l’œil, elle le vit sursauter de surprise, avant que le châtain ne tourne lentement sa tête dans sa direction. L'espace d'un instant, Astrid aperçut deux véritables brasiers dans ses pupilles d'émeraude, mais ceux-ci perdirent rapidement en intensité face au visage décomposé par la peur de son amie. Laissant sa haine de côté quelques temps, Thandon le laissa doucement choir contre le mur, avant de toucher avant le sol. Là, il prit un morceau de paille qui traînait par-là et le tortura sauvagement entre ses doigts, toujours sans un mot.

Un ange passa entre les dos adolescents, avant que le grand frère de Khomas ne se décide enfin à s'exprimer :

– Ils les ont enlevés. Sous mes yeux.

– Qui ? demanda sérieusement Astrid, bien qu'elle se doutait, au plus profond d'elle-même, qu'elle connaissait fatalement les deux noms qui allaient s'en suivre.

– Fileya et Khomas.

Le poing de Thandon se serra brutalement à nouveau, tandis qu'il l'assena avec férocité contre le sol poussiéreux sous leurs pieds. Astrid sursauta de stupeur devant ce geste de violence, les yeux légèrement écarquillés, mais ne pipa mot, préférant laisser Thandon extérioriser comme il se devait sa colère.

– Je n'ai rien pu faire ! s'écria-t-il de plus belle, ce qui lui valut des cris d'encouragement indécents de la part des prisonniers tout autour, qui ignoraient ce qu'il se passait réellement. Les Miliciens ont débarqué sans prévenir et nous ont tenu en joue ! Khomas avait un fusil sur la tempe, qu'est-ce que j'aurai dû faire, d'après toi ?!

Le châtain planta son regard à nouveau noir de colère dans les iris de rubis de sa seule véritable auditrice, mais cette dernière jugea bon de ne pas lui répondre. Elle-même n'aurait sans doute pas su comment agir autrement que se rendre si on menaçait la personne qu'elle aimait le plus au monde. Furtivement, les images de Yume en sang dans ses premiers rêves lui revinrent en mémoire, et la jeune fille s'empressa de chasser ces affreux démons en secouant furtivement la tête de gauche à droite.

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