Chapitre 3.2 : Yume

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Soupirant de lassitude mais aussi de soulagement de se sentir enfin seul après un si long voyage, Yume alla s'asseoir pendant un certain temps au bord de la fontaine centrale. Faite d'argile, celle-ci était littéralement le centre de ce bazar infatigable, qui tournait de jour comme de nuit. Tout comme Fikternand, ce lieu ne semblait jamais dormir. Sans doute n'y avait-il jamais de repos dans le domaine qui touchait de près ou de loin à l'argent, notamment des commerces, qu'ils soient petits ou grands. Après tout, c'était les Néos qui faisaient tourner le pays.

La particularité du Bazar du Désert résidait dans son emplacement géographique. Se positionnant à l'exact milieu entre les Plaines Séréna et le Désert Gummi, une partie des tentes avaient étaient plantées sur l'herbe encore légèrement verte, tandis que l'autre partie se constituait majoritairement de sable doux. Ensuite, de multiples tentes avaient été installées de çà et là tout autour de la fontaine assoiffée. De ce que Yume s'en souvenait – car il était déjà venu ici quelques fois en mission avec l’Élite – celle-ci avait toujours demeurée ainsi, elle n'avait jamais fonctionné. Mais personne n'avait jamais essayé non plus de faire en sorte d'installer une arrivée d'eau. En soit, cela était encore ici la preuve de la cupidité et de l'avarice de l'être vivant : si la fontaine ne donnait pas d'eau, alors les voyageurs assoiffés qui faisaient halte dans le bazar allaient automatiquement se servir dans les bars environnants pour se déshydrater ; ce que Yume et Astrid allaient par ailleurs devoir faire avant de reprendre la route, car celle-ci risquait d'être longue et éprouvante à cause de la chaleur cuisante de l'astre solaire, alors mieux valait partir le ventre plein.

Devant lui aussi se parer pour la suite de leur pénible voyage, Yume se décida enfin à partir en quête de vêtements plus appropriés à son tour. Oh, bien entendu, il s'était déjà mis d'accord pour ne rien modifier à la tenue qu'il portait déjà. Le jeune homme espérait juste trouver de quoi se sentir plus en sécurité lors des combats. Peut-être allait-il mettre la main sur une armure légère, des genouillères, ou des petites choses comme cela. Pas quelque chose de trop lourds et épais non plus, le soleil cognait vachement fort, dans le Désert Gummi. Yume fronça les sourcils à cette réflexion. A bien y penser, il n'avait jamais posé les pieds dans cette étendue sableuse, pas même lors de son appartenance à l’Élite. Alors comment pouvait-il savoir que la traversée en serait aussi éprouvante… ? « Bah, sans doute une simple intuition ! » se rassura-t-il en son fort intérieur.

Yume, les mains dans les poches, traversa une première grande allée en esquivant de son mieux les nombreux marchands qui tentaient de lui vendre toutes sortes de babioles en tout genres. Sérieusement, comment une épée en forme de clé pouvait-elle réellement être utile au combat ? Et ces fameux rênes dits « célestes » qui permettaient de conférer des ailes à n'importe quel cheval ? Les gens étaient prêts à n'importe quoi contre un peu d'argent ! Malheureusement pour eux, le jeune homme était loin d'être stupide, et ne risquait pas de tomber dans leurs pièges tout aussi grossiers les uns des autres, bien que les vendeurs savaient fortement bien jouer avec les mots pour se montrer persuasifs !

Il passa devant plusieurs étals de ce genre sans y prêter la moindre attention, à part pour se moquer. Du coin de l’œil, Yume vit un jeune homme aux cheveux bleus en pics et vêtu d'une longue tunique verte s’intéresser fortement à un collier fondu dans de l'or qui, d'après le vendeur, « pouvait transformer tout ce que son porteur touchait en or ». Pauvre garçon…

Une fois qu'il eut dépassé la Caverne d’Ali-baba pour les nuls, Yume finit par atteindre la véritable allée des vendeurs d'armes et d'armures. Le jeune homme n'était nullement intéressé par une nouvelle épée, la sienne lui convenant parfaitement bien.

Yume s'arrêta sans trop savoir pourquoi devant un étal qui attira son attention. Sur celui-ci brillait plusieurs petites épaulettes qui étaient parfaitement alignées et n'attendaient qu'une chose : qu'un puissant guerrier les choisissent enfin comme fidèles partenaires ! Le blond ne savait pas s'il correspondait vraiment à ce profil, mais une paire d'épaulettes attira grandement son attention. Coulées dans de l'acier argenté, celles-ci rayonnaient majestueusement devant les rayons du soleil, attirant ainsi les regards des guerriers les plus avisés. Yume avait sentit comme une sorte d'appel étrange émanant de ces magnifiques épaulettes. De plus, celles-ci semblaient dans ses prix, alors… L'ancien Épéiste n'en perdit pas une seconde et se résigna à interpeller le marchand :

« Je vais prendre celles-ci. »

Yume les montra du doigt. Puis, lorsqu'il leva les yeux pour identifier l'homme avec qui il avait affaire, le meilleur amie de Fileya se sentit comme intimidé. Grand de peut-être plus de deux mètres, pouvant presque rivaliser avec la hauteur exceptionnelle de Seven, ses bras puissants, musclés et accompagnés de tatouages impressionnants, étaient croisés sur son torse. Le vendeur arborait une armure aussi noire que le ciel nocturne, et Yume se demanda comment il faisait pour ne pas ressentir la chaleur écrasante sous cette masse de plaques, d'autant plus que le noir était réputé pour garder la chaleur en son sein. Ses yeux d'un vert émeraude profond qui semblaient lire le fond de l'âme de son client étaient parfaitement mis en valeur par un front dégagé, ses cheveux améthystes plaqués vers l'arrière. Le jeune homme mit un certain à se rappeler que Teki, l'un des hommes qu'il détestait le plus au monde, arborait exactement le même style de coiffure. Cependant, contrairement au némésis de Fileya, le marchand, qui ressemblait davantage à un chevalier par ailleurs, inspirait largement plus le respect et la confiance. Peut-être était-ce dû à sa petite barbe finement taillée sur son menton, qui lui conférait une sorte d'aura solennelle ?

« Excellent choix » commenta le grand homme.

Sa voix était puissante, mais assurée. Elle n'inspirait aucunement la peur, mais plutôt l'admiration. Cet homme semblait posséder un cœur en sucre derrière cette apparence froide et hostile.

« Elles m'ont été fortement utiles, autrefois » compléta-t-il en les fourrant dans un sac.

Le marchand le tendit à son jeune acheteur, alors qu'il donna son autre main gantée pour réclamer son argent.

« Autrefois ? répéta Yume en fronçant les sourcils, et fouillant ses poches à la recherche des Néos nécessaires pour acheter ses futurs épaulettes. Vous étiez une sorte de chevalier, ou quelque chose comme ça ? »

Lorsqu'il fourra les billets dans le creux de la main de l'homme aux cheveux violets, Yume comprit immédiatement que la curiosité était réellement un vilain défaut. Le visage de son interlocuteur se déforma brutalement, l'éclat vif de ses pupilles émeraudes laissant place à un étrange voile de tristesse. Sans doute devait-il se remémorer un épisode douloureux de son ancienne vie.

« J'ai failli à ma mission, répondit-il vaguement. Je n'ai pas su protéger mes compagnons, et un destin funeste s'est abattu sur eux, et sur l'enfant né de leur amour interdit. J'étais dans la confidence, j'étais leur épée, j'étais leur bouclier. Mais j'ai échoué. »

Il serra sauvagement sa liasse de billets dans ses mains, qui se froissa.

« J'ai été faible. »

Puis, réalisant son changement soudain de comportement, l'ancien chevalier s'empressa de ranger ses Néos dans un coffre prévu à cet effet. Il se racla nerveusement la gorge, comme honteux d'avoir laissé parler ses émotions l'espace de quelques secondes à peine, mais sans doute bien trop longtemps à son humble avis.

« Je t'en prie, ne fais pas attention à moi. Souhaites-tu autre chose ? »

Yume fit lentement « non » de la tête. Puis, il remercia brièvement son étrange interlocuteur et entreprit de rejoindre la fontaine pour y retrouver Astrid.

Mais qui était ce type, exactement ? D'où venait-il ? Et qui devait-il protéger autrefois ? Disait-il seulement la vérité, ou bien était-il simplement un très bon acteur ? Une chose était sûre cependant pour l'ancien Épéiste : il n'en saurait sans doute jamais le fin mot de l'histoire, à moins qu'il ne le croise à nouveau un jour, ce dont il doutait fort.

*

* *

De nouveau assis sur le bord de la fontaine en argile asséchée, Yume s'amusait à scruter du coin de l’œil tous les gens qui passaient devant dans son champ de vision. Il ne voulait pas passer pour un psychopathe à reluquer ainsi les passants, mais que pouvait-il réellement faire d'autre, en attendant le retour de son amie ? Astrid mettait un temps fou à revenir de ses achats. Le bazar était trop grand pour qu'il se mette à sa recherche, autant chercher une aiguille dans une botte de foin ! Alors, le jeune homme tuait le temps comme il le pouvait.

Yume sentit soudainement comme un picotement dans sa nuque. Il savait ce que cette sensation signifiait : quelqu'un, l'une de ses connaissances, se trouvait à proximité. Difficile à dire s'il s'agissait pour l'heure d'un ennemi ou non, mais s'il y avait une chose dont il était certain, c'était que cette personne en particulier possédait une place importante parmi toutes ses fréquentations. Aussi, qu'elle ne fut pas sa surprise en voyant – enfin ! – Astrid revenir droit vers lui ! Il avait bien failli ne pas la reconnaître avec ses cheveux relevés en une queue de cheval haute. Le jeune homme devait bien se l'avouer : cela lui conférait carrément une apparence bien plus guerrière !

« Alors, qu'est-ce que tu en penses ? » questionna l'archère en se positionnant face à son ami, mains posées sur les hanches.

Yume prit un certain temps pour détailler sa nouvelle tenue.

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