Chapitre 1.3 : Astrid

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La jeune fille posa ses poings sur ses hanches, toujours debout contrairement à Yume qui était resté dans la même position. Astrid, qui en avait marre de son mutisme et bien décidée à comprendre son étrange changement de comportement, regarda à son tour dans la direction identique, lorsqu'elle remarqua une immense masse noire plantée dans les plaines. La brune cru comprendre, et ravala sa salive. Elle espéra se faire de fausses idées.

Puis, soudainement, la bête – car Astrid était persuadée qu'il s'agissait d'une bête – tourna sa drôle de tête dans la direction des deux amis. Yume agrippa alors le bras de l'adolescente, ce qui fit sursauter cette dernière de terreur, puis la força à prendre la même position que lui. Désormais accroupie à son tour, Astrid plissa les yeux dans l'espoir de mieux apercevoir la masse difforme qui se dirigeait lentement vers eux.

« Génial, il nous a vu, annonça enfin Yume, qui semblait avoir reprit l'usage de la parole.

‑ Qu'est-ce que c'est ? questionna Astrid qui sentait son cœur battre de plus en plus fort au fur et à mesure que la chose s'approchait d'eux. On dirait un monstre… Est-ce que c'est ce que je pense ?

‑ Notre cible, tu veux dire ? Oui, complètement. »

Astrid frissonna littéralement d'horreur. Plus la bête se rapprochait, plus ses traits se faisaient de plus en plus distincts. Grand de peut être plus de trois mètres de haut, l'immondice, à l'instar du gorille-oiseau de la forêt de Buxih, avait des caractéristiques hybrides. Sa tête rocailleuse et allongée, de couleur verte, faisait penser à celle d'un reptile, peut-être un gros et méchant lézard. Iguane plutôt. Quand au reste de son corps, celui-ci était totalement recouvert de poils noirs et longs, qui brillaient à la lumière du soleil. Cependant, sur ce pelage impressionnant se trouvait une grosse tâche rouge vermeille, qui ne cessait de s'étendre. Astrid comprit instantanément qu'il s'agissait de sang, et que son entaille avait été causée par le marchand itinérant pour lequel ils risquaient leurs vies par ailleurs. Se tenant sur ses grosses pattes arrière, le reptile-loup avançait prudemment en direction de ses deux proies.

Soudainement, Yume ordonna à Astrid de se baisser à plat ventre contre l'herbe. Sentant la main de son ami l’aplatir contre le sol, la jeune fille n'eut pas le temps de voir ni de comprendre ce qu'il se passait. Elle entendit mais surtout sentit une violente secousse toute proche d'eux, juste au-dessus de leurs têtes pour plus d'exactitude. Lorsque le blond retira sa main doucement, Astrid leva lentement ses yeux au niveau de la cavité rocheuse qui les protégeait ne serait-ce que partiellement, qu'elle vit des gravats leur tomber dessus avec fracas. Il ne fallut qu'un tremblement supplémentaire pour dissuader les deux compagnons de quitter leur cachette de fortune, se remettant ainsi complètement à découvert. Levant le regard à leur emplacement initial, les deux jeunes gens constatèrent avec effroi que se tenait désormais dessus la roche l'espèce d'hybride entre le loup et le lézard, qui les foudroyait littéralement de ses grands yeux jaunes globuleux.

« C'est… quoi ce truc ? » eut le courage de questionner Astrid tandis qu'elle décrocha avec précaution l'arc à son dos.

Du coin de l’œil, elle vit Yume en faire de même, faisant apparaître son épée magiquement.

« Je veux dire, ça porte un nom ?

‑ On l'appelle Lagraloup » répondit l’Épéiste en fixant d'un regard furieux leur ennemi perché sur le petit rocher.

Le Lagraloup comme il disait les regardait avec cette même étincelle dans ses yeux globuleux. Astrid se sentit à nouveau frissonner d'horreur, mais aussi de dégoût. Cette chose la répugnait.

« Et donc, c'est ce truc qui porte l’œil fétiche de notre cher ami le marchand, c'est ça ? vérifia Astrid en décochant une flèche et bandant la corde de son arc, prête à tirer.

‑ Te moque pas, prévint Yume qui avait sentit l'ironie dans sa question rhétorique. Posséder un œil de Mouncèu, c'est super rare, et ça porte de chance ! Tu aurais peut-être dû le récolter lorsque tu l'as combattu l'autre jour, tu aurais pu toi aussi te vanter d'en posséder un ! »

La jeune fille se figea sur place, semblant comprendre petit à petit où est-ce qu'il voulait en venir. Entrouvrant légèrement la bouche, Astrid souhaitait lui communiquer toute sa répugnance, mais aucun son n'en sortit. Alors, c'était cela, le nom que portait cet étrange gorille-oiseau ? Un Mouncèu !

« Allez, plus le temps de bavarder ! Place à l'action ! » s'écria Yume en fonçant tête la première en direction de leur adversaire.

Le jeune homme effectua un majestueux bond dans les airs pour rejoindre le Lagraloup qui n'avait pas bougé d'un millimètre. Astrid, quand à elle, se déplaça légèrement sur la gauche pour pouvoir lancer un projectile sur son ennemi, sans avoir à gêner Yume ou le blesser par inadvertance. Seulement, l'étrange bestiole semblait lui aussi vouloir s'amuser avec ses deux nouvelles proies. Les deux jeunes gens ne l'avaient pas remarqué un peu plus tôt, mais le Lagraloup cachait depuis le début une grosse hache acérée dans son dos.

Sautant à son tour en direction de l’Épéiste, ce fut un véritable combat à l'épée qui s'engagea entre les deux adversaires. Les coups fusaient à une telle vitesse qu'Astrid n'arrivait pas à savoir qui avait le dessus sur l'autre ! Mais tout de même : comment une bête comme celle-ci était-elle parvenue à apprendre le maniement d'une hache aussi énorme ?

Tandis qu'Astrid s’apprêtait à se lancer à son tour dans le combat, Yume effectua une petite pirouette sur le côté et se retrouva ainsi dans le dos du Lagraloup. Là, les deux amis notèrent tout deux que leur ennemi possédait une queue de lézard, et qu'il semblait prendre toute son équilibre sur celle-ci.

N'attendant pas l'approbation de la brune, Yume trancha d'un geste rapide et simple la queue en question, ce qui eut pour effet d'arracher un cri à figer sur place de la part du Lagraloup, tandis que s'échappait de la blessure béante une énorme quantité de sang, qui gicla nonchalamment sur les vêtements usés du blond. Puis ce dernier constata avec une grimace de dégoût que la queue de son adversaire continuait toujours de gigoter, bien qu'elle ne soit plus attachée au corps de son propriétaire. Enfin, après plusieurs secondes, voire quelques minutes, elle se désintégra en de millions de petites particules violettes, à l'instar du corps du Mouncèu qu'Astrid avait achevé dans le Forêt des Hiboux, emportées au loin par la brise légère.

Seulement, leur adversaire avait plus d'un tour dans sa manche. Enfin, dans ses poils. Tout comme les lézards dans le monde d'origine d'Astrid, le Lagraloup parvint à faire repousser sa queue comme de par miracle, comme s'il ne s'était jamais rien passé. Même que cette dernière était encore plus épaisse et longue que la précédente !

Le Lagraloup s'apprêta à balayer Yume d'un mouvement circulaire, mais ce dernier esquiva l'assaut d'un bond en direction d'Astrid, qu'il s'empressa par ailleurs de rejoindre.

« Un petit coup de main ne serait pas de refus ! commenta l’Épéiste une fois aux côtés de la brune.

‑ Je veux bien, mais cette chose va trop vite ! »

Ne souhaitant pas que son ami la pense inutile et incompétente, Astrid s'empressa de lancer à son tour son premier assaut, tirant une flèche parfaite qui atterrit entre les deux yeux de la bête. Malheureusement, son blindage fait d'écailles fit ricocher le projectile qui s'effondra au sol. Le Lagraloup sembla même prendre un malin plaisir à piétiner de sa grosse patte de loup la flèche.

« Tu vois ! s'exclama Astrid dont le sentiment d'inutilité venait de se renforcer incontestablement. Je sers à rien !

‑ Passe-moi une flèche pour voir. »

Astrid aurait bien voulu questionner son ami quant à cette étrange requête, seulement, ce dernier n'attendit même pas l'approbation de la jeune fille pour se servir directement dans son carquois. Examinant une des flèches de haut en bas, les sourcils froncés de concentration, Yume marmonnait dans sa barbe des choses que l'adolescente ne parvenait tout simplement pas à saisir.

« Ce serait possible que tu t'exprimes plus clairement ?

‑ J'ai dit : tes flèches peuvent prendre en puissance avec des sphères de magie. »

Astrid fronça les sourcils d'incompréhension. Il lui semblait qu'il lui avait déjà parlé des sphères du magie hier soir, lorsqu'il était parvenu à allumer un brasier avec son épée. Seulement, jamais l'idée ne lui serait venue qu'elle serait capable elle aussi d'user de ce pouvoir !

La jeune fille contempla donc son ami plonger la main dans une de ses poches – encore ! – pour en dénicher une chose tout à fait incroyable : une sphère flamboyante. Il la fit littéralement fusionner avec l'une des flèches, avant de la tendre à Astrid. Le projectile avait pris une drôle de couleur rouge, et son contact semblait incroyablement plus chaud qu'auparavant. Elle dégageait également une odeur de brûlé.

« Tu comptes la regarder pendant combien de temps comme si tu contemplais une œuvre d'art ? Vas-y, essaie-la ! »

Revenant à la réalité des choses, Astrid s'empressa de bander la flèche à son arc et à la tirer en direction du Lagraloup, qu'ils avaient négligé depuis trop longtemps : ce dernier se diriger désormais droit sur eux, sans doute vexé d'avoir perdu son centre de l'attention !

Astrid tira un peu au hasard sur sa cible, dans la panique, mais son projectile, qui devait être guidé par la magie sans aucun doute, parvint tout de même à se ficher dans une des côtés de la bête. Là, une partie du corps du Lagraloup se mit à s'embrasser vivement, et ce dernier lâcha un nouveau râle de lamentation.

Voyant que leur ennemi était complètement à leur merci, Yume s'empressa de donner des sphères de Brasier supplémentaire à son amie, avant de se jeter lui aussi corps et âme dans le combat.

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